Elles sont 86 communes nouvellement créées et en manque de moyens d'autogestion et d'autofinancement de leurs projets de développement. Certaines parmi elles, des faubourgs lointains, n'étaient même pas de simples conseils ruraux. 432 listes partisanes et indépendantes se sont portées candidates dans ces communes qui portent à 3,5 millions le nombre d'habitants dans les périmètres communaux. Maintenant que le Code des collectivités locales a été adopté, sans aucune voix contre, cette position quasi unanime déclarée devrait donner un signe de départ fort motivant à la décentralisation. Une chose est sûre, tout début est difficile. Gérer sa propre cité, c'est bien l'action de proximité qui renforce le sens de la citoyenneté. Mais, il y a un hic : les 86 communes nouvellement créées seraient, certes, en manque de moyens d'autogestion, voire d'autofinancement de leurs projets de développement. Certaines parmi elles n'étaient même pas de simples conseils ruraux. Les partis politiques sont-ils conscients que le pouvoir local n'est pas une partie de plaisir ? Et encore moins, un jeu de hasard. Etre élu, c'est être représentant de sa région, le garant de son développement. C'est aussi le porte-voix de ses citoyens électeurs. La décentralisation étant, en soi, une culture qui s'apprend au quotidien. 432 listes partisanes et indépendantes se sont déjà portées candidates dans ces communes nouvellement créées. Tout parti s'autoproclame vainqueur de la bataille, se posant ainsi en «vrai sauveur» de sa région. A-t-on pensé, ainsi, à son vécu quotidien censé devenir meilleur ? Surtout que plus de 3,5 millions d'habitants vivent, désormais, sous une large couverture communale, soit la moitié d'un corps électoral potentiel. Toutefois, autant de craintes et difficultés de gestion qu'il faudrait, dès lors, prendre en considération. Le découpage territorial, déjà publié au Jort depuis mai 2016, et officialisé dans un décret gouvernemental, a donné lieu à un paysage géographique et socioculturel assez complexe. De nouveaux périmètres municipaux aux contours flous dont la promiscuité risque de gêner le bon voisinage historique. D'ailleurs, cet état des lieux avait, au départ, attisé le feu du régionalisme et plombé, de la sorte, le climat social. Ce fut le cas des douars et d'habitations au sud tunisien, particulièrement. Le grand défi est financier On dirait que cette nouvelle carte commande, au préalable, un soutien sociologique tout particulier. D'où, le nécessaire accompagnement dans l'action sur le terrain. Selon, le secrétaire d'Etat à l'Environnement, M. Chokri Ben Hassen, le Fonds d'appui à la décentralisation servira de source de financement et d'investissements locaux. Il incarne une vocation solidaire, afin que la région puisse retrouver ses équilibres économiques. M. Mokhtar Hammami, une des têtes pensantes du CCL, et président de l'Instance de prospective et d'accompagnement du processus de décentralisation (Ipapd) estime que les ressources financières sont le premier défi majeur, sans lesquelles on ne peut parler d'indépendance ni de démocratie locale. Même pas 4% du budget de l'Etat sont, jusque-là, consacrés aux municipalités. Soit, une bagatelle ! Bien qu'elles partagent le même souci de développement, elles ne bénéficieront pas des mêmes avantages financiers. Quel sort réserve-t-on aux nouvelles communes émergentes? Pour l'exercice 2018, le budget dit «titre 1» qui leur a été alloué se monte à 60 millions de dinars. Huit communes sont prioritaires. Il s'agit d'El Mnihla à l'Ariana, Fouchana et Naâssen à Ben Arous, Seltane à Nabeul, Ennour à Kasserine-Nord, El Amra et Al Aoubed-Khazanet à Sfax, ainsi que la commune de Zarzis nord à Médenine. Toutes gratifiées d'un montant allant de 1 à plus de 5 milliards, versés en guise de frais de fonctionnement (aménagement, matériels, salaires...). A cela s'ajoute un budget complémentaire, dit «titre 2», qui leur a été accordé destiné aux projets, avec un montant global d'environ 18 millions de dinars. A ce titre, «Rejim Maâtoug», nouvelle commune frontalière de Kébili, semble être la mieux dotée (2,2 MD), suivie de Naâssen (1,3 MD) et El Mnihla, avec près de 1 MD. Plus de dépenses que de revenus ! Ces fonds budgétaires sont-ils, au demeurant, assez suffisants ? L'on se demande, encore, s'ils sont de nature à créer autant de projets locaux et générer, en retour, des sources de revenus et d'emplois. Leur autonomie financière posera problème, juge Mme Emna Bennari, experte juridique au réseau «Mourakiboun», une association d'observation des élections. «Certaines de ces communes n'ont même pas leurs propres locaux... D'autres auront du mal à subvenir à leurs besoins en formation et ressources humaines», a-t-elle commenté. Leur défi serait, somme toute, plus important. Quant à M. Mohamed Dhifi, formateur au Centre de formation et d'appui à la décentralisation, il estime que ces 86 nouvelles communes auront beaucoup plus de dépenses que de revenus en attendant de percevoir des recettes d'impôts. Leur tâche ne sera pas aisée, surtout en milieu rural où la barre des revendications est placée très haut. Le social est aussi un défi de taille.