Les urnes ont rendu leur verdict. En attendant les résultats définitifs, se pose une question : les listes indépendantes vont-elles obliger Ennahdha et Nida Tounès à revoir leurs stratégies ? Maintenant que les élections municipales ont livré leur verdict et que les urnes ont parlé, la question qui s'impose d'elle-même est la suivante : comment Ennahdha, le parti qui a réussi à remporter les élections avec 27,5% des voix exprimées, va-t-il se comporter avec Nida Tounès, le parti qui s‘est classé au deuxième rang avec 22,5%, et surtout avec les listes indépendantes qui ont raflé le plus grand nombre des voix avec 28% (tous ces chiffres ont été livrés par Sigma-Conseil dimanche 6 mai à la clôture de l'opération de vote en attendant les chiffres officiels qui seront fournis par l'Isie le 9 mai prochain). En d'autres termes, Ennahdha sacré, dimanche, le premier parti du pays, va-t-il affronter le second tour des municipales, celui des coalitions, dans la mesure où avec ses 27,5% qui pourraient évoluer pour atteindre les 30% d'ici le dévoilement des résultats définitifs, le parti de Montplaisir est dans l'incapacité de gérer à lui seul les municipalités, notamment celles des plus importantes villes du pays où il a réussi à remporter le plus grand nombre de sièges comme à Tunis où on se demande déjà si Souad Abderrahim, la tête de liste nahdhaouie, accèdera au poste de maire de la capitale ou si le jeu des coalitions ou de ce qu'on appelle «Attawafok» décidera autrement ? Ennahdha se trouve, selon plusieurs observateurs, dans une position où il lui est difficile de se prononcer, c'est-à-dire de choisir ses prochains alliés dès maintenant en attendant ce que les tractations et les négociations vont lui offrir en échange. Les nahdhaouis vont-ils poursuivre leur alliance avec Nida Tounès comme le proclament déjà Imed Khémiri, porte-parole du parti, et Lotfi Zitoun, l'un des conseillers les plus proches du président du parti, Rached Ghannouchi, au risque de susciter la colère de la base nahdhaouie qui n'a jamais accepté le consensus nahdhaoui-nidaiste et qui a fait montre d'un esprit de discipline assez remarquable en votant massivement pour son parti en dépit de certains de ses choix que cette même base n'a jamais partagés. Et la grande inconnue ou la surprise n°1, ces listes indépendantes qui ont glané 28% des voix comptabilisées jusqu'ici parvenant à battre aussi bien Ennahdha que Nida Tounès et à s'imposer comme la première force du pays qu'on va essayer de courtiser, de séduire et d'attirer dans ses rangs, en contre-partie, à coup sûr, de promesses ou d'assurances dont les jours à venir nous dévoileront le contenu. Plusieurs Tunisiens ont mis en doute, dès la constitution de ces listes, leur indépendance, estimant que certains partis, en premier lieu Ennahdha et Nida Tounès, se cachent derrière ces listes dont beaucoup de membres sont des nidaistes ou des nahdhaouis qui n'ont pas réussi à se placer dans les listes de leurs partis. Certains observateurs, notamment ceux qui sont au fait des secrets de la vie politique dans les régions, avancent que ces listes ont été constituées en vue de parer à l'échec attendu d'Ennahdha ou de Nida Tounès dans certaines régions où ils ne disposent pas de crédit ou de présence effective. Aujourd'hui que ces listes ont remporté plusieurs municipalités, l'on se demande comment certains membres vont répondre aux sollicitations ou aux ordres de leurs commanditaires, et personne n'est en mesure aujourd'hui d'affirmer qu'ils vont obéir aux ordres «des partis qui les ont financés ou qui les ont poussés à se présenter dans certaines régions». Et même si Borhène Bsaïes, le chef du département politique de Nida Tounès, a déjà sauté le pas en déclarant, hier, que son parti négocie déjà avec les listes indépendantes proches de ses thèses la possibilité de coaliser au sein de certaines municipalités où ils ont gagné des sièges, rien n'indique que les indépendants vont foncer tête baissée dans les coalitions que leur proposent les nidaistes ou les nahdhaouis qui jusqu'ici gardent le silence et refusent de se prononcer sur ce qu'ils réservent aux listes indépendantes dites proches de Montplaisir. Quant aux autres partis politiques, dont en premier lieu le Front populaire, l'Alliance civile composée de 11 partis politiques dont Machrou Tounès et Al Joumhouri, ils ont brillé par leur taux de réussite insignifiant au point qu'on les qualifie déjà de «blessés des élections, les 0,01%», comme à l'époque des élections du 23 octobre 2011 relatives à l'Assemblée nationale constituante. Pour expliquer l'échec cuisant du Front populaire, Hamma Hammami préfère parler «de la désaffection générale manifestée par les électeurs à l'égard de l'opération électorale, ce qui constitue un véritable désaveu des Tunisiens à l'encontre de l'élite politique post-révolution», comme si les politiciens du Front populaire n'appartenaient pas à cette même élite.