Les Tunisiens découvriront le 19 septembre prochain que les listes des candidats aux élections municipales du 17 décembre 2017 sont truffées de candidats indépendants. Pratiquement, tous les partis, Ennahdha en tête, font les yeux doux aux «indépendants» «Cinquante pour cent de nos candidats aux élections municipales seront des candidats indépendants. C'est une décision retenue à la suite d'un référendum auquel ont participé nos militants de base et ils ont été 62% à avoir voté pour ce choix». C'est Mohsen Nouichi, chef du bureau des élections au mouvement Ennahdha, qui livrait ces données à La Presse dans une interview publiée fin juillet dernier. Il ajoute : «Il y aura deux procédés pour fixer la liste de ces candidats indépendants. D'abord, les indépendants eux-mêmes désirant figurer sur nos listes peuvent postuler et nous soumettre leur candidature. Ensuite, les ministres du parti, les députés et les membre du bureau exécutif et du conseil de la Choura auront la latitude de coopter des personnalités qu'ils considèrent comme indépendantes et aptes à défendre les couleurs d'Ennahdha. Quant aux critères de choix, ils sont très simples : la compétence, l'intégrité et le rayonnement dans la région où ils veulent devenir conseiller municipal». Il n'y a pas plus clair : Ennahdha a décidé que sur les sept mille et quelques candidats qu'il présentera aux municipales du 17 décembre prochain, la moitié sera piochée parmi ce que le parti appelle les indépendants. Pour le moment, le parti se contente de fixer des conditions générales que tous les autres partis sont en mesure de retenir. La seule donnée disponible est la suivante : plus de 3.500 candidats ne seront pas nahdhaouis. Les observateurs ne sont pas surpris : «Déjà, Ennahdha a recouru à cette formule lors des élections du 23 octobre 2011 relatives à l'Assemblée nationale constituante (ANC) et des législatives du 26 octobre 2014. Quant à la présidentielle de novembre 2014, les nahdhaouis ont lutté jusqu'au dernier mot pour imposer un candidat consensuel et quand ce candidat consensuel n'a pas émergé, ils ont donné quartier libre à leurs militants. Il n'est donc pas étonnant qu'ils persévèrent dans la même voie, mais cette fois la facture sera lourde puisqu'ils concèdent trop de pouvoir ou d'opportunités aux indépendants pour gérer les municipalités. Et si on se réfère à ce qu'Ennahdha a enduré de la part de ses constituants indépendants (Souad Abderrahim et Abou Yareb Marzouki qui menaçaient quotidiennement la barque) et de ses députés indépendants dont en premier lieu Mohamed Frikha qui n'est pas très fréquentable en ces jours de guerre contre la corruption, on peut dire que le parti de Montplaisir est menacé de connaître certaines difficultés avec ses futurs conseillers municipaux indépendants qui découvriront, en cas d'élection, que l'exercice de la politique dans les régions et le contact quotidien avec les citoyens sont très différents des meetings politiques organisés par le parti ou les réunions restreintes où tout le monde ou presque partage les mêmes idées». Les autres sur la même ligne Et il semble qu'Ennahdha, en optant pour les indépendants, a décidé d'ouvrir la course officiellement à ce qu'on pourrait appeler «les municipales mixtes» dans le sens où les électeurs vont voter pour des candidats qui appartiennent à leur parti et aussi pour des candidats piochés dans la caste des indépendants. En plus clair, au moment de glisser son bulletin de vote dans l'urne, l'électeur devra savoir qu'il a choisi un candidat de son propre parti et aussi un candidat indépendant qui pourrait défendre des choix totalement opposés à ceux du parti qui a avalisé sa candidature. La course est lancée, puisque la majorité des partis ont décidé de recourir à la solution miracle des indépendants qui orneront leurs listes aux municipales. Du côté de Nida Tounès, on a affirmé à plusieurs reprises que seuls les nidaïstes figureront sur les listes du parti et que le parti dispose des compétences qu'il faut pour composer ses listes. Mais comme les déclarations d'aujourd'hui sont valables pour un jour, il semble qu'on change d'orientation aux Berges du Lac dans la mesure où certains leaders nidaïstes laissent entendre ces derniers jours que leurs listes seront ouvertes «aux indépendants qui partagent nos idéaux et qui ont leur poids et leur influence dans les régions où ils vivent». Idem pour Machrou Tounès où Mohsen Marzouk rappelle quotidiennement aux Tunisiens sa grande expérience d'expert ès-élections quand il officiait sous les ordres de Cheikha Mouza, on apprend que le parti profitera du savoir-faire et de l'expérience des indépendants, plus particulièrement dans les régions de l'intérieur où ils sont assurés du soutien de leurs «arouchs». Du côté du Front populaire, on discute encore de l'opportunité d'intégrer ces fameux indépendants dans les listes qui défendront ses couleurs. Et comme la course aux indépendants bat son plein, on apprend que le parti Ennahdha a réussi à accéder aux adresses électroniques de plusieurs indépendants par le biais d'une société de prestations téléphoniques dont certains des employés n'ont pas hésité à livrer au parti de Montplaisir les données dont il avait besoin. Chaouki Gueddas, le président de l'Instance nationale des données personnelles, très pointilleux sur la sécurité des données personnelles et grand opposant à l'installation des caméras de surveillances dans les artères de la capitale, est-il au courant de l'affaire ? Encore une question : va-t-on assister à la même ambiance qui a régné lors de l'élection présidentielle quand des centaines de milliers de citoyens ont découvert qu'ils ont parrainé des candidats qu'ils ne connaissent même pas.