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« L'échelon régional permet une véritable territorialisation des politiques publiques » Entretien avec... La présidente de la Région Occitanie (France), Mme Carole Delga
Le processus de décentralisation tunisien doit faire face à un défi important, celui du renforcement des compétences et du développement des ressources humaines des collectivités locales tunisiennes, soutient la présidente de la Région Occitanie (France), Carole Delga. En visite en Tunisie du 9 au 11 courant, la présidente du Conseil régional d'Occitanie et ancienne députée de Haute-Garonne (Sud français), interviewée par La Presse, assure les Tunisiens de la détermination des collectivités françaises, dont l'Occitanie, à partager leur expérience de la décentralisation avec les nouveaux élus et cadres des collectivités territoriales tunisiennes. Telle qu'elle l'appréhende, la réussite du modèle de développement occitan, dans le sud de la France métropolitaine, se veut le couronnement de « cette autre façon d'entreprendre, en donnant les moyens de se développer, autour de plusieurs axes d'intervention : la promotion de l'ESS (économie sociale et solidaire), la coordination de la filière, la détection des projets à potentiel, des besoins de financement, de l'innovation sociale ». Entretien. Votre visite en Tunisie coïncide avec un nouveau pas franchi par la Tunisie sur la voie de la démocratie, après la tenue des élections municipales. Que pensez-vous de l'exception tunisienne dans un monde arabe en pleine ébullition? Ces élections municipales sont une excellente nouvelle pour la démocratie et pour la décentralisation prévue par la constitution tunisienne de 2014. La démocratie poursuit ainsi son enracinement dans les territoires, au plus près des citoyens, c'est pour moi le sens de l'Histoire, celui vers lequel toute nation doit aller. C'est aussi une excellente nouvelle pour les collectivités locales françaises, pour la Région Occitanie notamment, car cette avancée va nous permettre de travailler de manière plus active et plus précise en faveur d'une coopération ambitieuse et efficace. En 2016, le ministère français des Affaires étrangères et du Développement international et le ministère des Affaires locales tunisien ont lancé un appel à projets en soutien à la coopération décentralisée pour les collectivités territoriales françaises et les collectivités territoriales tunisiennes. Où en est-on aujourd'hui? Le ministère français des Affaires étrangères soutient effectivement très fortement la coopération entre collectivités françaises et tunisiennes, via ce fonds conjoint, qui a notamment pour but de renforcer la formation des ressources humaines au sein des collectivités locales tunisiennes avec la mise en adéquation des ressources, mais aussi le transfert de compétences entre les différentes catégories de collectivités locales. De manière complémentaire et pour aller plus loin, la valeur ajoutée que peut apporter une région comme l'Occitanie dans ce type d'appel à projets tient dans l'accompagnement et l'articulation entre nouveaux niveaux de collectivités, en particulier entre villes, métropoles et régions. L'échelon régional permet une véritable territorialisation des politiques publiques, avec une articulation plus juste entre le rural et l'urbain. Par ailleurs, et c'est un enjeu fort pour la démocratie tunisienne, la région est un échelon pertinent pour la concertation entre acteurs du territoire. Alors nous avançons car nous voulons tout mettre en œuvre pour que les choses progressent dans le bon sens, celui de l'efficacité en faveur des citoyens. La France et la Tunisie ont, à maintes reprises, exprimé une volonté commune de développer la coopération entre leurs autorités locales respectives. Par où commencer, selon vous? La coopération entre les collectivités territoriales passe d'abord par un accompagnement du processus de décentralisation tunisien. Or celui-ci doit faire face à un défi important, celui du renforcement des compétences et du développement des ressources humaines des collectivités locales tunisiennes. Le rôle des collectivités françaises, comme la nôtre, est de partager notre expérience de la décentralisation, avec les nouveaux élus et cadres des collectivités territoriales tunisiennes. La formation de ces acteurs est un enjeu majeur, et je veux que la Région Occitanie puisse s'inscrire pleinement dans cette dynamique. Nous avons des choses à nous apporter mutuellement, j'en suis convaincue. La Région Occitanie concentre 10,4 % des établissements français de l'économie sociale et solidaire (ESS) et 9 % des emplois correspondants. Elle occupe, en outre, la 3e place des régions françaises quant au poids de l'ESS dans l'emploi total, après les régions de Bretagne (14,3 %) et des Pays de la Loire (13,1 %). Les méthodes que vous avez appliquées peuvent-elles servir la gouvernance locale en Tunisie? J'en suis convaincue, l'ESS n'est pas qu'une économie de la réparation, mais bien un domaine central pour la création de richesse et d'emplois, au niveau national d'une part, mais aussi et surtout dans nos territoires d'autre part. En Occitanie, l'ESS représente 213 000 emplois et plus de 23.000 établissements. C'est un atout considérable pour la vitalité et le dynamisme de notre région. Nous avons donc fait de l'ESS un pilier de notre stratégie régionale pour l'emploi et la croissance, ma priorité. La Région est désormais chef de file en matière de développement économique, d'innovation et d'internationalisation des entreprises. Nous travaillons au quotidien en collaboration permanente avec les acteurs de l'emploi, les entreprises, les filières et nos partenaires institutionnels. Parce que la bataille pour l'emploi est un combat que nous devons mener collectivement. Le collectif, c'est ma méthode. Les acteurs de l'ESS, fortement engagés depuis de nombreuses années dans notre région, ont largement participé à l'élaboration conjointe de notre stratégie régionale concertée. En Occitanie, l'ESS confirme chaque jour son rôle et sa place dans l'économie régionale, en répondant à trois défis majeurs que sont la création et le maintien des emplois, la redistribution équitable des richesses et le dynamisme des territoires péri-urbains et ruraux. Je me suis engagée à accompagner et encourager cette autre façon d'entreprendre, en donnant les moyens de se développer, autour de plusieurs axes d'intervention : la promotion de l'ESS, la coordination de la filière, la détection des projets à potentiel, des besoins de financement, de l'innovation sociale... Grâce à l'ESS et au dynamisme des acteurs régionaux, l'économie est en mouvement en Occitanie ! L'Occitanie a accompli de grandes réalisations en matière de gouvernance locale et d'économie sociale et solidaire. Quelles sont les clés d'une telle réussite? Pour développer ces entreprises qui conçoivent l'économie autrement, il faut de l'ambition et de la conviction. Il s'agit de créer des synergies, mutualiser, coconstruire, avancer ensemble... C'est notre leitmotiv, avec nos partenaires, pour gagner en lisibilité et en efficacité. Aujourd'hui, l'Occitanie est reconnue nationalement comme un territoire exemplaire en matière d'ESS. C'est une terre d'innovation sociale. Partenaire opérationnel incontournable de la Région, la Chambre régionale de l'ESS Occitanie œuvre pour le développement de l'ESS, en transversalité, avec l'ensemble des têtes de réseaux qui la composent : associations, coopératives, mutuelles, entreprises d'insertion et adaptées, entreprises commerciales d'utilité sociale. Parce que ces réseaux interviennent directement dans le développement des dynamiques territoriales, nous soutenons leurs actions pour l'émergence de nouveaux modèles d'animation ou de services. Depuis plus de 10 ans, la région s'est investie dans une offre d'outils financiers en faveur des entreprises de l'ESS par l'intermédiaire de réseaux nationaux, comme France Active, ou de structures originales et citoyennes, comme la Société coopérative d'intérêt collectif, Initiatives pour une économie solidaire. Grâce à nos politiques, grâce à l'aide des fonds européens, nous avons développé, avec nos partenaires, un écosystème exemplaire au service du dynamisme et de l'attractivité de l'ensemble du territoire régional.