Ce qui se passe devant nombre de nos établissements scolaires est vraiment désolant. C'est, chaque année, les mêmes scènes d'angoisse et de peur pour des milliers d'élèves. Profitant des examens de fin d'année, des jeunes se postent devant les portes de sortie pour agresser leurs camarades à coups de jets d'œuf et de saupoudrage de farine. De ce fait, ces scènes se déroulent depuis le début des devoirs de synthèse qui ont duré du 14 au 26 mai dans les collèges, par exemple. Les élèves ont la peur au ventre en quittant la salle d'examen car ils savent, d'avance, qu'une meute d'autres élèves (et sûrement, épaulés par de vrais délinquants) les attend de pied ferme pour les agresser et les terroriser. Les responsables de ces établissements ne font, pratiquement, rien pour protéger leurs élèves. Tout au plus, pointent-ils le bout du nez pour quelques secondes et regagnent tranquillement leurs places sans se soucier du climat d'insécurité et de menaces qui règne tout autour de l'institution voire à l'intérieur. Œufs et farine Il faut le voir pour le croire. Aucun lycée ou collège, à travers le pays, n'échappe à cette triste habitude. Rien n'est tenté pour secourir les nombreux élèves victimes de ces violences. Samedi dernier, nous avons voulu voir de visu ces actes aux abords d'un collège d'El Mourouj. Une bande d'une cinquantaine de jeunes rôdait autour et chacun lançait sur les autres des œufs ou les pulvérisait d'une poignée de farine sur le visage ou les cheveux. A un moment, le chef d'établissement est sorti avec deux de ses employés pour éloigner ces individus et les pousser à sortir de l'enceinte du collège. Mais au bout de quelques minutes tout redevient comme avant. Le temps que nous avons mis à assister à ces agressions a dépassé les trente minutes. Mais à notre arrivée, ces groupes de jeunes étaient, déjà, amassés devant la sortie du collège à l'affût de ceux qui sortaient. Un élève nous apprend que depuis le démarrage des examens que ces éléments étaient là. D'ailleurs, ils avaient lancé un vieux sac de farine sur les élèves qui allaient entrer pour passer leur devoir de synthèse, ce matin même. La conclusion qu'on tire de ces scènes désolantes est que les enfants, que leurs parents envoient à l'école, sont livrés à eux-mêmes et ne bénéficient d'aucune protection. Ni à l'extérieur ni à l'intérieur de leurs écoles. Les responsables des établissements scolaires et leurs agents ne bougent pas le petit doigt pour atténuer l'ampleur du phénomène. On peut, peut-être, les comprendre: cela n'entre pas dans leurs prérogatives. C'est, justement, le leitmotiv qu'on entend chez tout le monde, aujourd'hui. Personne ne se sent concerné et fait comme si ce qu'il voit ou entend ne le touche ni de près ni de loin. D'un autre côté, ces bandes de délinquants semblent évoluer librement et sans crainte. En effet, pas l'ombre d'un agent de police ou d'une ronde de sécurité n'est venue troubler la «quiétude» de ces individus occupés à semer, impunément, la terreur au milieu de dizaines et de dizaines d'élèves. Les parents, eux aussi, n'avaient pas marqué leur présence. Les uns pouvaient être là pour protéger leurs enfants, les autres pouvaient surveiller les leurs en cas de mauvais comportement. Responsabilité collective On peut, également, considérer que la démission des parents n'est pas un vain mot. Pour certains, un contrôle des cartables ou des sacs leur donnerait une idée sur la participation ou non de leurs progénitures à ces agressions. Ils peuvent fouiller leurs poches pour voir qu'ils ont été remplis de poudre de farine. De tels actes ne devraient pas se banaliser car on risque de passer à un palier supérieur. Le climat social aidant, nos élèves sont menacés de se transformer en véritables délinquants en s'identifiant aux «héros» qu'on leur montre sur certaines chaînes TV ou en reproduisant des actes réalisés par ces gens débiles qu'on passe dans des émissions encore plus débiles. En somme, ce mauvais spectacle auquel on a assisté n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de ce qui se trame quotidiennement dans les périphéries de nos établissements scolaires. En plein centre de la capitale (rue de Marseille ou rue de Lénine — pour ne citer qu'eux —) nous avons droit aux mêmes scénarios. Que font les commissaires régionaux de Tunis I, de Ben Arous pour préserver la sécurité de nos enfants ? Nous pensons que leur responsabilité est certaine. D'autant plus qu'il y va de la réputation de notre système éducatif. De son côté, le ministère de l'Education serait dans l'obligation de mieux cerner les contours de ce fléau qui s'amplifie chaque jour et prend des dimensions alarmantes. N'a-t-on pas vu l'introduction des pétards dans les cours de récréation ? Devons-nous nous attendre à davantage de violence ? Car, à trop se complaire dans l'indifférence et l'inactivité, on finit par laisser les portes ouvertes devant tous les excès et les dépassements.