Hier, le président de la République et le chef d'Ennahdha se sont rencontrés au palais de Carthage et ont remis sur la table des négociations le sort de Youssef Chahed et aussi l'avenir d'«Attawafok» Ceux qui ont récité, lundi 28 mai, la Fatiha sur «le consensus» quand Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, a refusé de suivre Hafedh Caïd Essebsi, l'homme fort de Nida Tounès, et de cautionner le point 64 du Document de Carthage II exigeant le départ de Youssef Chahed et appelant à la formation d'un nouveau gouvernement qui sera dirigé par une nouvelle personnalité (qui aura aussi l'aval de l'Ugtt) doivent revoir leur copie et réajuster leurs analyses pour saisir que mettre fin à la politique d'«Attawafok» ne relève pas des prérogatives de Hafedh Caïd Essebsi du côté de Nida Tounès mais bel et bien du président Béji Caïd Essebsi, à qui revient le dernier mot quand il y a malentendu ou désaccords entre Ennahdha et Nida Tounès. Hier, le président de la République a rencontré Rached Ghannouchi. Et comme d'habitude, rien n'a filtré de la rencontre. Il y a fort à parier cependant que le président de la République et le chef d'Ennahdha ont repris les négociations sur la meilleure approche à mettre en œuvre en vue de surmonter la crise relative au maintien de Youssef Chahed au poste de chef de gouvernement avec la possibilité de le voir accepter d'opérer un remaniement profond au sein de son équipe ministérielle comme le veut Ennahdha et l'a répété à plusieurs reprises son président, d'une part, ou la révocation pure et simple du locataire de La Kasbah, d'autre part, ce qui signifie convaincre les nahdhaouis de changer de position et de rejoindre ceux qui cherchent à avoir la tête de Youssef Chahed à tout prix. La nouveauté est que cette fois, on ne parle plus, on ne se dispute plus sur l'avenir de Youssef Chahed en l'absence physique du principal intéressé en donnant l'impression du côté du palais de Carthage et aussi du côté des Berges du Lac, de Montplaisir, de la place Mohamed-Ali ou de la cité El Khadhra que le chef du gouvernement ne fait qu'attendre ce que les autres décident pour lui. En effet, Youssef Chahed a, enfin, parlé rompant un silence imposé ou voulu qui n'a que trop duré pour dire à ceux qui «décident à sa place qu'il est maître de son destin et qu'il y a une négociation ou des tractations à mener dans l'objectif de sortir le pays de la crise actuelle, c'est bien avec lui qu'elles doivent être menées», confie à La Presse un observateur qui a fait une lecture singulière de l'allocution télévisée du chef du gouvernement dans laquelle il a assuré qu'il ne se dérobera pas à ses responsabilités. N'a-t-il pas souligné le plus clairement du monde dans son message télévisé : «Il y a des loosers à sanctionner, il faut les chercher aux Berges du Lac et leur faire comprendre qu'ils ont détruit le parti de Si El Béji et qu'ils sont sur la voie de la destruction du pays en entier, au cas où les bonnes volontés qui croient toujours en le projet initial de Nida Tounès ne décideraient pas d'agir pour arracher leur parti aux loosers». Hier, les architectes du consensus ont sûrement évoqué, lors de leur rencontre au palais de Carthage, cette nouvelle donnée et ont dû aussi prendre en considération les derniers développements s'opérant au sein de la famille nidaïste où plusieurs voix se sont élevées pour dire stop à l'effritement, basta à la politique de la décision unique et à la politique de la fuite en avant qui a fait perdre au parti sa crédibilité, son poids sur la scène politique nationale et surtout un million d'électeurs et d'électrices qui ont boudé le parti lors des municipales du 6 mai dernier. En tout état de cause, ceux qui croyaient que le sort de Youssef Chahed était scellé doivent réviser leurs analyses et comprendre que les réalités d'aujourd'hui ne sont pas nécessairement celles de demain. Rached Ghannouchi semble attaché à la stabilité, au consensus plus que les autres. Mais à quel prix et en contrepartie de quelles assurances ?