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Lettre ouverte à «l'élite politique»
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 06 - 2018


Par Boubaker BENKRAIEM *
Nous connaissons tous, messieurs, puisque nous la vivons, la situation dans laquelle se trouve notre pays, après plus de sept ans de période post-révolution, que ce soit dans le domaine économique, social ou politique. Reconnaissons, cependant, que nous avons vécu une faillite totale quant à la réalisation du minimum des promesses faites au peuple, au lendemain du 14 janvier 2011, par tous les prétendants à une carrière politique. Sans énumérer, encore une fois, les difficultés que vivent, désespérément, nos concitoyens, vous reconnaissez, vous, les responsables politiques de toute obédience, que vous avez, tous et sans exception, raté le coche. La raison de tout cela est très simple. C'est cet égoïsme, c'est cette soif de pouvoir, c'est cette vanité, c'est cette indifférence, c'est cette cupidité qui vous colle à la peau, et c'est surtout votre totale inexpérience politique et votre totale ignorance de la gestion de la chose publique. Et tout de go, et durant une longue période, au lieu de vous mobiliser à améliorer le niveau de vie de nos concitoyens, à créer les conditions favorables à la lutte contre le chômage pour créer des emplois, vous avez perdu énormément de temps à régler vos comptes avec l'ancien régime. Vous avez, d'ailleurs, attribué aux deux présidents de la 1ère République tous les qualificatifs sombres et inhumains et tous les maux de la terre : dictature, despotisme, tyrannie et autocratie. Sans vouloir défendre ni l'un ni l'autre, et bien que des abus et des erreurs aient été commis, durant leur mandat, et par objectivité, on ne doit pas omettre de préciser que le premier président, a trouvé le pays, le 20 mars 1956, exsangue à tous points de vue : en effet, sans oublier les énormes dégâts occasionnés par les armées des forces de l'Axe et celles des Alliées lors de leur long affrontement dans notre pays, du sud au nord, au cours de la Seconde Guerre mondiale, quelques années plus tôt, le colonialisme a laissé notre pays se débattre et souffrir de la pauvreté, de la misère, des épidémies, de l'analphabétisme et de l'absence totale du moindre développement. Quant au second président, il a eu le mérite, au lendemain du 7 novembre, de n'avoir pas fait la chasse aux sorcières et a, plutôt, réussi, grâce à la mobilisation générale de toutes les compétences, et en un temps record, à sauver le pays de la banqueroute financière qui pointait à l'horizon. Vous avez aussi traité les ministres et les grands commis de l'Etat de la 1ère République d'incapables, d'incompétents et de corrompus. Je vous rappellerai, seulement, messieurs, que c'est grâce à ces derniers, les grands commis de l'Etat, ceux que vous avez dénommés injustement «azlem», que vous êtes arrivés au pouvoir dans un pays qui s'est révolté mais qui a gardé tous ses repères, qui a continué à fonctionner le plus normalement du monde, comme si de rien n'était. Si ces «azlem» s'étaient volatilisés, lors des événements de janvier 2011, notre pays aurait pu connaître le même sort que la Libye et peut-être plus. Et pourtant, le dernier gouvernement pré-révolution, surpris par ce qui est arrivé, s'est trouvé en totale léthargie pour un bon bout de temps. C'est grâce à ces «incompétents et à ces incapables» que le pays a continué, avec toutes ses composantes, à faire face, aisément, à cette nouvelle situation. Ils ont tenu la barre du navire «Tunisie» et l'ont conduit à bon port, en veillant à ce que les citoyens ne manquent de rien et que toutes les entreprises nationales stratégiques continuent à servir le peuple comme si rien ne s'était passé. Pour les en remercier, ils ont été «mis au frigo» ou invités à rentrer chez eux. Belle et remarquable reconnaissance !
Par éducation, par correction, par politesse, je ne vais pas aligner tous les griefs et les reproches dont le peuple vous charge aujourd'hui, car mon souhait le plus cher est que l'on surpasse tout cela pour que notre pays, qui n'a pas les moyens de se payer le luxe de faire du surplace, se ressaisisse pour avancer en vue de rejoindre les pays qui, hier, essayaient de sautiller pour marcher à notre allure, se trouvent, aujourd'hui, assez loin devant nous. Alors que nous étions l'exemple et le modèle dans pratiquement tous les domaines, nous ne savons plus par quoi commencer tellement nombreux sont les secteurs qui nécessitent des interventions urgentes et parfois douloureuses que ce soit dans le comportement du citoyen, que dans l'économie et les finances: l'indiscipline, la paresse ainsi que la non-rentabilité, l'absence d'initiative et l'absentéisme dans la fonction publique et les entreprises nationales, sans reparler encore du commerce parallèle, de la contrebande, de la corruption et surtout de l'évasion fiscale. Durant la période précédant le 14 janvier, notre pays qui traînait, depuis des années l'épineux problème du chômage, dont essentiellement celui des diplômés de l'enseignement supérieur, réussissait, presque régulièrement, une croissance annuelle de 5%, ce qui était, quand même, assez appréciable. Nos finances étaient équilibrées et les gouvernants avaient des comportements assez autoritaires dont nous avons, par les temps qui courent, tant besoin.
L'inexpérience des gouvernants, l'inapplication des règles de contrôle des dépenses et le non-respect de la loi des cadres des départements ministériels et des entreprises publiques, provoqués par le désir de récompenser de très nombreux partisans qui ont bénéficié de l'amnistie générale ainsi que des milliers de militants sont à la base de toutes les difficultés que traverse notre pays et qui sont essentiellement d'ordre financier et que nous traînerons, si on ne leur trouve pas très vite la solution appropriée, durant plusieurs décennies. Est-il bon de rappeler que ceux qui ont participé, d'une manière ou d'une autre, entre 1950 et 1955, à la lutte pour l'indépendance, que ce soit par des actions et activités politiques, ou par la lutte armée, et dont plusieurs ont été emprisonnés, exilés ou tués par les agents du colonialisme, n'ont reçu, au lendemain de l'indépendance, aucun dédommagement. La seule réparation qu'ils ont obtenue a été, pour ceux qui servaient dans la fonction publique, l'attribution d'une ancienneté équivalant à la période d'exil ou d'emprisonnement. Les choses ayant évolué, soixante ans plus tard, en 2011, lorsque le gouvernement désigné, suite aux élections, a injecté dans la fonction publique et dans les entreprises nationales, sans avoir pensé aux répercussions budgétaires, des dizaines de milliers de ses partisans emprisonnés et qui ont bénéficié de l'amnistie générale ainsi que des dédommagements assez consistants, semble-t-il. C'est pourquoi la masse salariale de la fonction publique qui a, pratiquement doublé en deux ans seulement, est devenue in supportable. Et c'est pourquoi, nous avons négligé, faute de moyens, le développement des régions défavorisées. Les pays bien organisés ont inventé des garde-fous représentés par des règles de l'équilibre financier du budget de l'Etat. Celles-ci ont toujours représenté le frein aux gouvernants pour ne pas dépasser certaines limites d'une part et d'autre part, pour les obliger à respecter un effectif de fonctionnaires qui, selon des normes internationales, doit être proportionnel au nombre de la population, ce qui n'est plus le cas chez nous.
Nous pouvons nous vanter du fait que le 14 janvier nous gratifia d'une certaine démocratie et de la liberté d'expression dont de nombreuses personnes abusent. Mais il faut reconnaître que ni l'une ni l'autre n'a nourri son monde et les attentes du citoyen sont tout autres.
Aussi, la majorité des problèmes cités ci-dessus ne sont redevables, pour être solutionnés, que d'une volonté politique indiscutable et infaillible. La plupart de nos maux proviennent de nos difficultés financières et celles-ci peuvent être, rapidement, solutionnées, par une guerre totale contre l'évasion fiscale, la contrebande, l'enrichissement illicite et la corruption en général. Cette guerre, sérieusement menée et conduite, peut rapporter au budget de l'Etat des milliards de dinars et peut nous permettre et de payer nos dettes et de venir en aide aux jeunes, en attente et rongés par le désespoir. Pour y parvenir, le gouvernement doit s'armer de courage, encore de courage et surtout de courage politique. Aussi, quand une entreprise publique, non stratégique, fait perdre à la communauté nationale, régulièrement et depuis de nombreuses années, beaucoup d'argent, on ne doit pas hésiter, un seul instant, à la privatiser tout en garantissant les droits de ses employés. D'ailleurs, comment peut-on admettre que la Stam n'ait pas de concurrent au port de Radès comme dans les autres ports ? La concurrence étant un moyen de renforcement de la rentabilité, du bon service aux clients et d'un esprit de compétitivité remarquable, il est étonnant que le gouvernement n'ait pas réagi depuis bien longtemps en injectant des concurrents à la Stam au port de Rades qui contrôle près des 3⁄4 du commerce international de notre pays. Ne pas le solutionner, illico presto, est incompréhensible car l'argent que nous dépensons, à cause des retards de déchargement des bateaux, peut rendre de grands services aux régions défavorisées.
Tout ce que je viens de mentionner est connu de nous tous et a été dit et redit à plusieurs reprises, depuis 2012, par des spécialistes, par des experts, par des cadres patriotes et des nationalistes sincères et expérimentés qui ont passé toute leur carrière au service de la Patrie. On ne les a pas écoutés soit par orgueil, soit par complexe mais le résultat est bien là et il est très éloquent. Comment peut-on désigner un militant même bardé de diplômes dans un poste de direction, de direction générale ou de ministre alors qu'il n'a jamais connu ou servi dans la fonction publique, alors qu'il n'a jamais été un cadre dans l'administration régionale ou nationale, alors qu'il n'a pas accompli son devoir du service national, alors qu'il n'a aucune expérience des affaires de l'Etat ? Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, les résultats sont bien là !
Alors que je mettais, noir sur blanc, ces observations et ces remarques, eut lieu la catastrophe de Kerkennah, l'émigration clandestine ou l'émigration pour la mort. Je suis triste pour mon pays d'en arriver là. Je suis malheureux pour les familles qui ont perdu l'un des leurs. Ce n'est pas le premier désastre mais certainement le plus lourd en pertes humaines. La responsabilité est partagée entre le gouvernement et les partis politiques. C'est en fait le résultat du laxisme, du laisser-aller et du laisser-faire, de l'absence de l'autorité et de la non-application de la loi dans toute sa rigueur, de 2011 à ce jour. Le citoyen faisait ce qu'il voulait, dépassant même certaines limites et allant jusqu'à interdire, impunément, l'exploitation du phosphate, à construire des murets sur les rails du chemin de fer pour obliger la CPG à louer des camions d'une société privée, opération qui a coûté les yeux de la tête au fleuron de nos entreprises. Face à tout cela, le gouvernement n'a pas réagi et, bien sûr, des idées diaboliques ont été conçues par les passeurs qui utilisaient des barques de quarante personnes à embarquer quatre à cinq fois plus avec tous les risques possibles et imaginables. Aussi, comment peut-on imaginer laisser l'île de Kerkennah, quelles que soient les raisons, sans forces de sécurité intérieure suffisantes durant des mois et des mois? Avons-nous abandonné cette île aux passeurs, aux terroristes, aux trafiquants et aux malintentionnés ?
Quant aux partis politiques qui ont profité des résultats des trois semaines historiques de révolte, de protestations, de manifestations et de révolution de ces jeunes sans parti, sans chef, sans programme et sans idéologie, contre le régime en place au cours des mois de décembre 2010 et janvier 2011, qu'ont-ils fait pour intégrer dans leurs rangs, assimiler, et associer cette jeunesse qui a bouleversé tout un régime, tout un système et qui a été saluée aux quatre coins du monde ? Pourquoi n'ont-ils pas inclus des jeunes dans leur directoire? Pourquoi n'ont-ils pas intéressé et encouragé ces jeunes à participer, avec eux, à la vie politique de leurs partis ? Pourquoi on ne trouve pas autant de jeunes à l'ARP et dans toutes les instances indépendantes créées ? Ainsi, les jeunes qui ont réussi la révolution n'ont pas eu leur part de responsabilité dans tous les secteurs et se considérant négligés, oubliés et délaissés par les séniors, ont fait, malheureusement, d'autres mauvais choix dont le plus grave, pour la majorité, était l'indifférence par rapport à la politique et pour d'autres, l'émigration clandestine !
N'est-il pas grand temps, au gouvernement, de changer de comportement vis-à-vis des fauteurs de troubles, des hors-la-loi, des bandits, des opérateurs du commerce parallèle, de la contrebande et de l'évasion fiscale qui font perdre aux finances publiques des milliers de milliards de dinars en appliquant la Loi dans toute sa rigueur, en sévissant parce que la délicatesse, l'amabilité et la bienveillance n'ont pas donné les résultats escomptés. Et malheureusement, certaines gens pensent que la bonté est synonyme de faiblesse. Devant tant de difficultés, tout gouvernement qui se respecte doit faire l'usage approprié du bâton et de la carotte et ne doit, en aucun cas, tergiverser.
Notre pays, qui traverse l'une des périodes les plus cruciales de son Histoire attend de ses fils dévoués, les patriotes sincères, les vrais nationalistes, loyaux et honnêtes qu'ils se mobilisent, qu'ils s'unissent, qu'ils oublient leur «ego» et qu'ils le servent spontanément, sans calcul et sans attente de récompense d'aucune sorte. Nous devons avoir toujours présent, à l'esprit la réflexion prémonitoire du grandissime Bourguiba qui a dit un jour «Je ne crains pour la Tunisie que le mal qui peut être engendré par ses propres enfants». Que Dieu garde et protège la Tunisie éternelle, l'héritière de Carthage.
*Ancien sous-chef d'état-major de l'Armée de terre, ancien gouverneur


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