Le séminaire portant sur «La gestion durable des terres en Tunisie : enjeux et opportunités», tenu récemment à Djerba et organisé par le Centre d'information des Nations unies, la FAO et l'Association de sauvegarde de l'île de Djerba, a permis aux différentes institutions internationales, nationales, ainsi qu'à la société civile, investie dans la lutte contre la dégradation des terres, d'examiner —non sans inquiétude— l'état des lieux des sols, de l'écosystème et de la biodiversité dans un pays qui figure sur la liste des pays les plus touchés par la désertification et la sécheresse. L'enjeu est de taille, vu qu'il s'avère être étroitement lié à la préservation et au développement de la production agricole, à la sécurité alimentaire, à l'amélioration requise des indicateurs socioéconomiques et à la préservation de la biodiversité. Ces objectifs vitaux se trouvent, à vrai dire, entravés par une réalité amère. En effet, 75% du territoire tunisien endurent la dégradation des sols. Certaines régions sont même gravement détériorées, ce qui implique la prise de mesures d'urgence et l'adoption de programmes et de plans à même de sauver les terres restantes, de réduire la dégradation des terres et de restaurer les terres sinistrées. Atteindre ces objectifs passe inéluctablement par la modernisation des systèmes et des stratégies implantées à cet effet via l'introduction des techniques adéquates et le recours aux mesures d'intervention salvatrices, tout en veillant à se conformer aux objectifs internationaux en la matière, dont les ODD et ceux fixés par la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification et la dégradation des terres. Sur le plan national, la mise à jour du Programme national de lutte contre la désertification s'impose, de même que la dynamisation des programmes adoptés à l'échelle régionale. L'engagement international au concret Parmi les programmes d'appui à la lutte contre la détérioration des terres figure celui du micro-financement du Fonds pour l'environnement mondial. Il s'agit d'un mécanisme de financement et d'appui à la société civile, en vue de booster son intervention face aux défis tracés. L'idée étant de trouver des solutions locales, voire communautaires à des problèmes d'envergure régionale, voire mondiale. Lancé en 1993, ce programme a, depuis, financé quelque 126 ONG, permettant ainsi à 180 projets de voir le jour grâce à des subventions d'une valeur totale de 8,750 millions de dollars. Les objectifs actuels dudit programme, notamment pour la période 2016/ 2019, consistent à «aider efficacement à produire des avantages environnementaux mondiaux et à préserver le patrimoine écologique mondial en apportant des solutions communautaires et locales, qui complètent et renforcent les mesures prises au niveau national et mondial». Aussi, un appel d'offres visant le financement et l'appui technique d'éventuels projets locaux a-t-il été lancé. Le séminaire a marqué la date limite de remise des dossiers. LDN : la solution qui urge M. Hamda Aloui, représentant la Convention des Nations unies pour la lutte contre la désertification et la dégradation des terres, a consacré son intervention à la neutralité de la dégradation des terres ou Land degradation neutrality (LDN ) ; une notion-solution qui appelle à l'analyse de la situation des terres dans les pays concernés, dont la Tunisie, et à l'adoption d'une politique de gestion durable des terres. La pollution, la mauvaise gestion des terres, la surexploitation des ressources naturelles viennent renforcer les phénomènes naturels nocifs, comme l'érosion, la désertification et la sécheresse. Faute d'une gestion durable des terres, «quelque 12 millions d'hectares de terre sont en perdition, chaque année, ce qui coûte pas moins de 490 milliards de dollars par an et menace la subsistance de près de 1,5 milliard de personnes», a-t-il souligné. La Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification et la dégradation des terres dresse la liste des pays en droit à la protection et au renforcement de leurs capacités pour stopper la dégradation des terres. Ce principe va de pair avec l'objectif 15 des ODD intitulé «Vie terrestre» et, plus exactement, avec le sous-objectif 15,3 qui rejoint les recommandations et les défis fixés dans ladite convention et projette, d'ici à 2030, la lutte contre les phénomènes naturels responsables, en partie, de la dégradation des sols. La neutralité de la dégradation des terres représente un concept qui vise la préservation de la sécurité alimentaire, la protection des terres productives et l'amélioration de l'écosystème. Elle tend à relever les trois objectifs établis dans les conventions de Rio, à savoir : «éviter la dégradation des terres productives, freiner l'érosion de la biodiversité et lutter contre le changement climatique». Pour atteindre la LDN, il est important de prévenir la dégradation des terres non dégradées, en minimisant les facteurs à risque, intervenir pour réduire la déteriorisation des terres en voie de dégradation et restaurer les terres détériorées. Dans notre pays, la mission s'avère être de taille, étant donné que 3,26% des terres sont favorables à la production contre 46,07% non valables à la production, et 12,12% des terres dont l'état est considéré comme étant fort dégradé. La recherche au service de la cause M. Riadh Bechir, universitaire à l'Institut des terres arides à Médenine, a expliqué le rôle des institutions de recherche dans la lutte contre la désertification, en prenant pour exemple-type ledit institut. L'Institut compte, en effet, 70 chercheurs, 130 ingénieurs et techniciens, exerçant dans cinq laboratoires de recherche spécialisés, à savoir le Laboratoire de l'érémologie et de lutte contre la désertification, le Laboratoire de l'arido-culture et des cultures oasiennes, le Laboratoire des écosystèmes pastoraux et de valorisation des plantes spontanées et des micro-organismes associés, le Laboratoire de l'élevage et de la faune sauvage et le Laboratoire de l'économie et des sociétés rurales. Cette institution de recherche agit dans quatre régions sudistes, notamment Gabès, Médenine, Tataouine et Ben Guerdane. Elle a pour principales missions l'élaboration de travaux de recherche pour la promotion du développement agricole et la préservation des ressources naturelles pour lutter contre la désertification. Elle assure également la formation des cadres et des techniciens dans le domaine de l'arido-culture et étudie les projets développementaux dans la région. «Om Zessar» : près de 20% des terres sont détériorés Parmi les études réalisées par l'institut, M. Béchir cite celle ayant porté sur la lutte contre la désertification dans la zone dite «Om Zessar». Cette zone du sud tunisien connaît une grande désertification due à la rareté des pluies, à une sécheresse qui peut s'étendre sur trois bonnes années successives et à un sol délabré. L'étude a démontré que la superficie faisant l'objet de désertification correspond à 16%. Les prairies et les champs en sont sensiblement touchés. La sécheresse a enfoncé le clou et a hissé ce pourcentage jusqu'à 19%, augmentant ainsi le taux de risque de moyen à haut. Pour sauver la situation et intervenir en toute urgence, il convient, entre autres, de réduire les espaces de pâturage à seulement 30%, ce qui permet de préserver 42% des ressources naturelles déjà fragilisées.