« Lamboubet » ou « Les ménades de Bab Souika », nouvelle création du danseur et chorégraphe Rochdi Belgasmi avec à l'affiche la danseuse populaire Saida Khadhra, Naïm Ben Abdallah aux percussions et musique de Oussama Saïdi, a été présentée mercredi dernier à la Salle Al Hamra à Tunis dans le cadre de la première édition des Journées chorégraphiques de Carthage. « Lamboubet » est le fruit d'un travail de recherche et de réflexion que le danseur et chorégraphe Rochdi Belgasmi a entrepris depuis quelque temps sur la danse populaire tunisienne. C'est une création réalisée dans le cadre du programme de résidences artistiques de l'Association l'Art Rue de l'année 2018. Après une première représentation donnée à la Place de la victoire à la Porte de France à Tunis, qui est une première dans un espace public, cette création était au programme de la première édition des Journées chorégraphiques de Carthage, une première aussi dans un théâtre. Dans cette nouvelle création, le Prince de la danse populaire tunisienne, Rochdi Belgasmi, n'était pas présent en tant que danseur mais en tant que chorégraphe et directeur. Pour ce travail, il a invité une danseuse populaire appelée «El Khadhra», une figure mythique des années 1980 et 1990. Cette création interroge l'apport des générations passées dans la reconnaissance de la danse en tant que métier, leurs efforts pour sauvegarder une mémoire collective. Le travail met également en lumière l'univers du café chantant avec ses sonorités, ses lumières, ses danses, ses chants. Et c'est toujours dans un même but « Réfléchir le rapport très dialectique entre la danse populaire et la danse contemporaine en Tunisie». Car, d'après Rochdi Belgasmi, «Il y a une vraie rupture entre l'art populaire et l'art contemporain. La Tunisie a connu le premier mouvement de danse contemporaine dans les années 80. Il y a eu le retour de quelques chorégraphes et danseurs tunisiens qui ont fait l'école occidentale, américaine, française, suisse et même bulgare et russe et qui ont pu instaurer une forme alternative dite contemporaine et qui a entièrement rompu avec les danses du terroir, les danses locales. Et c'est à cause de cela peut-être qu'aujourd'hui les danses populaires tombent dans le folklorique». Chaque création du danseur, à chaque fois, est fondée sur un travail de questionnement et de recherches. «Je me pose des questions sur l'état des lieux de la danse en Tunisie ; sur la définition de la danse contemporaine tunisienne, qu'est-ce qu'une danse tunisienne ? Et ma question majeure, ma question principale est : comment mettre ces danses, cette danse locale et populaire, qui vient de nos fêtes de mariage, de circoncisions, de la rue, de l'espace public. Comment on fait, nous artistes contemporains, pour remettre ces danses sur une plateforme contemporaine». Après un long parcours de danseur-interprète, de chorégraphe de ses propres solos ou duos, ou même de chorégraphe associé, Rochdi Belgasmi décide de «se détacher un peu de la scène et mettre d'autres corps en mouvement... Les ménades de Bab Souika ou «Lamboubet» est un projet qui répond d'après lui à cette aspiration. «J'ai toujours essayé de parler des autres, de leur rendre hommage alors qu'ils/ elles étaient déjà parti-e-s, et me voilà, encore une fois, dans un travail qui parle des autres... Mais, cette fois, je voulais éviter de rendre hommage ou de faire de ce travail une forme d'épitaphe. Il est vrai que la plupart de ces grandes danseuses populaires, qui ont illuminé nos soirées, sont déjà parties, mais le travail que nous proposons tient à manifester l'apport des générations passées dans la reconnaissance de la danse en tant que métier, et leurs efforts dans la sauvegarde de la mémoire collective»., a-t-il avoué. Dans ce spectacle, il met en scène une danseuse Saida El Khadhra, une quinquagénaire, qui héritait des techniques de la danse populaire tunisienne de plusieurs figures qui ont marqué les années 70 à 90. Lors du spectacle, elle présentait les styles de danses qu'elle a appris des danseuses qu'elle côtoyait à l'époque et avec lesquelles elle exerçait ce métier original et cet art si cher à son cœur. Au rythme de la tabla et des percussions de l'excellent Naïm Ben Abdallah et une bande sonore impressionnante créée par Oussama Saïdi, la danseuse garnie d'une guirlande d'ampoules lumineuses « Lamboubet », Khadhra, investit majestueusement la scène, scande l'espace, le remplit de lignes somptueuses et trace des instants jubilatoires et brille dans l'absolu. Un spectacle original et une création aboutie alliant chanson, parole, danse et musique. Le public était conquis !