Menés au score face aux Anglais, les Croates ont relevé la tête avec les ingrédients qui constituent leur ADN et qu'on est en droit d'attendre à ce stade de la compétition : du courage, du mental et du talent. 8 juillet 1998, une date forcément inoubliable pour la France et la Croatie. Dans le chaudron flambant neuf de Saint-Denis se joue la demi-finale du Mondial entre le pays hôte et l'outsider que l'on n'attendait pas à ce stade de la compétition. Car pour une première participation à une phase finale de la Coupe du monde, le parcours de la vaillante Croatie est impressionnant, au-delà des espérances. Zvonimir Boban et Davor Šuker, les deux maîtres à jouer croates sont incroyablement efficaces et c'est payant ! Sauf que la France a du répondant. Outre la présence des Bixente Lizarazu, Marcel Desailly, Laurent Blanc, Petit, Didier Deschamps, Djorkaeff, Zinédine Zidane et Trezeguet, un certain Thuram enflamme le stade de France et porte les Bleus en finale. Pourtant, la Croatie a allumé la première mèche grâce à l'incontournable Šuker. Mais la France a forcé son destin, se hissant en finale face au Brésil. La suite, tout le monde la connaît. Et «bis-repetita», 20 ans plus tard, mais en finale cette fois-ci entre la France et la Croatie. La Croatie donne de nouveau rendez-vous aux Tricolores pour en découdre ce dimanche. Vainqueur de l'Angleterre au forceps, la Croatie reviendra donc au stade Loujniki pour y défier les Bleus. Pour revenir à cette demi-finale entre Anglais et Croates, ce choc restera forcément dans les annales. Interdit aux âmes sensibles. Ce faisant, deux images résument à elles seules le déroulé de cette rencontre passionnante. Ces deux clichés, ou plutôt arrêts sur images, montrent la joie puis le désespoir d'un certain Jordan Pickford. Tout d'abord quand Trippier à ouvert la marque, le portier britannique nous a rappelé que la solitude du gardien n'était pas tout le temps synonyme d'isolement. Accroupi à soixante mètres de Trippier au moment où ce dernier s'apprêtait à envoyer son coup franc sous la barre et hors de portée de Danijel Subašić, Pickford s'est retourné et a gesticulé ses poings dans tous les sens pour exciter un peu plus les supporters Anglais réunis derrière son but. Pickford était alors plus dans le plaisir solitaire qu'autre chose. Aux anges! Puis, beaucoup plus tard, il était en revanche uniquement dans la solitude triste. Le portier d'Everton, trahi par sa défense, venait d'aller chercher dans ses filets un ballon que Mario Mandžukić s'était chargé de catapulter à la 110' du match ! Champions du monde du suspense! Restons sur le déroulé inversé de ce match. A la 110', il restait certes plusieurs minutes à jouer. Mais les joueurs de Gareth Southgate savaient. Ils savaient que c'était perdu, que le discret Harry Kane n'allait pas les aider, et que leur rêve de ramener à la maison une Coupe du monde qui échappe à l'Angleterre depuis 1966 s'était évanoui ! En face, le Mondial qu'est en train de faire vivre cette équipe de Croatie à ses supporters est à la fois magnifique. Et une fois de plus, les hommes de Zlatko Dalić ont «joué» avec les émotions de tout le monde. Après avoir eu besoin des tirs au but pour éliminer le Danemark en 8es de finale et la Russie en quarts, ils ont disputé une troisième prolongation de suite, du jamais vu dans une phase finale de Coupe du monde ! Le plan croate a fonctionné à merveille : comme face au Danemark et contre la Russie, la Croatie a été menée au score. Comme face à ses deux dernières victimes, elle a relevé la tête avec les ingrédients qui constituent son ADN et qu'on est en droit d'attendre à ce stade de la compétition : du courage, du mental et du talent ! Et la lumière est forcément venue d'un soldat de l'escadron croate. Mario Mandžukić, désormais héros de tout un peuple, libère les siens. La liesse est totale. L'attaquant de 32 ans avait marqué un seul but jusqu'ici, face au Danemark. Son deuxième est encore plus important et on ne l'attendait plus. Jusqu'ici, le joueur de la Juve avait été recalé deux fois par les poings et les pieds de Pickford. Et puis la 110' est arrivée. Le vieux renard a senti que la défense anglaise, solide en première mi-temps et liquide par la suite, avait la tête ailleurs. Mandžukić est parti dans le dos de ses gardes du corps et a marqué du gauche. C'est la douche écossaise pour l'Angleterre ! Pour revenir au but «assassin» des Croates, le passeur décisif s'appelle Ivan Perišić, un homme qui aurait largement autant mérité d'hériter du trophée d'homme du match que Luka Modrić. Car avant que Mandžukić ne s'empare du costume de super héros de la rencontre, Perišić avait matérialisé la révolte des siens en égalisant d'une superbe reprise. L'attaquant de l'Inter était en ce moment-là intenable, à l'image de tous les joueurs d'un onze déboussolant ! Il fallait forcément écouter ces joueurs croates qui n'ont pas manqué de rappeler à plusieurs reprises qu'ils sont plus forts que la génération de 1998 ! Maintenant, la Croatie disputera dimanche la première finale de Coupe du monde de son histoire avec l'envie d'enterrer un peu plus ses aînés en malmenant les fils de Thuram et Zidane !