Par Gl (r) Mohamed MEDDEB * Suite à l'opération terroriste de Aïn Soltane, région Ghardimaou/Jendouba, il n'y a pas de plus normal que le Conseil de sécurité nationale (CSN) se réunisse pour examiner la situation et prendre les mesures qui s'imposent pour remédier à d'éventuels dysfonctionnements et aussi consolider les dispositions déjà en vigueur et qui se seraient avérées efficaces. C'est ce que fut fait le mardi 10 juillet, soit deux jours après cette lâche opération. Que Dieu bénisse nos martyrs. Les décisions annoncées à l'issue de cette réunion, certainement pour des raisons de réserve, sont trop générales, génériques même et trop peu précises, ne peuvent donc être discutées et appréciées. A mon avis, cette attitude réservée exprimée dans le texte du compte rendu final de cette réunion marque un début de prise de conscience sur ce qui est à annoncer publiquement et ce qui relève du secret, donc à protéger, ce serait l'expression d'un haut sens de professionnalisme et de maturité qu'on ne peut que saluer. Ainsi, tout aurait été plus que normal si ce n'est l'étonnante composition du CSN réunie à cette occasion, composition dont étaient exclus, à une seule exception, tous les vrais hauts responsables militaires et sécuritaires, et pourtant, l'ordre du jour annoncé de la réunion couvre exclusivement l'opération terroriste de Aïn Soltane, donc de terrorisme et de guerre. Ma remarque donc ne porte pas sur les participants à cette réunion, plutôt elle est relative à l'absence incompréhensible des hauts responsables militaires et sécuritaires, alors que la nature même de l'objet de la réunion, les attributions des responsables écartés et la mission même du CSN imposent. Il s'agit notamment des trois chefs d'état-major des trois armées — terre, air, mer (**) — du directeur général de l'Agence de renseignement et sécurité de défense du ministère de la Défense, d'une part, et des directeurs généraux respectifs, de la Sûreté nationale, des Services spéciaux et de la Garde nationale du côté du ministère de l'Intérieur de l'autre. La présence systématique de ces responsables n'est pas une option, elle est plutôt une nécessité dictée par les raisons plus qu'évidentes suivantes : N'incombe-t-il pas à ces mêmes responsables de mettre en œuvre les décisions de ce Conseil ? Ne doivent-ils pas savoir les dessous, l'esprit de ces décisions ? Les considérations qui y ont conduit ? Les objectifs à atteindre ? Ces responsables n'ont-ils pas sous leurs ordres les forces, les moyens matériels et personnels nécessaires à l'application des décisions arrêtées ? Qui peut mieux qu'eux, avec une moyenne de plus de 35 ans d'expérience dans leurs institutions respectives, comprendre ces problématiques de défense et sécurité nationale, de terrorisme et autres, proposer les mesures adéquates à prendre et apprécier les moyens nécessaires à y consacrer ? N'ont-ils pas sous leurs ordres les forces à engager dans les différentes opérations ? N'ont-ils pas la charge d'adapter l'instruction des troupes et la formation des cadres à l'évolution de la situation discutée et des menaces ? Ne leur revient-il pas, de par leur fonction et la loi, de prévoir les mesures à prendre pour adapter l'institution, personnel et matériel, à l'évolution future de la situation sécuritaire dans le pays et la région ? Ne leur revient-il pas de présenter aux autorités politiques les plans de réforme de leur institution et évaluer leurs coûts ? Ne s'étant pas demandé comment ces responsables peuvent-ils accomplir leurs prérogatives institutionnelles en étant tout simplement écartés des travaux de la plus haute institution dédiée, en principe, à l'étude des problématiques de défense et sécurité nationale ? Pour ces raisons et tant d'autres plausibles, de bon sens, et de nécessité absolue, la composition du CSN prévue dans la Section 2 du décret gouvernemental n°2017-70 du 19 janvier 2017 relatif au Conseil de sécurité nationale devrait être revue en urgence pour y inclure ces hauts vrais responsables, premiers concernés au fait, par la préparation des décisions de ce même CSN et surtout de leur mise en œuvre. Faut-il ajouter que la présence de ces responsables n'est nullement incompatible avec la participation audit Conseil de Messieurs les ministres des départements dont ils relèvent, les missions et les prérogatives des politiques et des militaires et sécuritaires ne sont ni incompatibles ni interchangeables, au contraire, elles sont différentes, complémentaires et à des niveaux tout à fait différents. Il incombe aux responsables militaires et sécuritaires d'éclairer les autorités politiques, leur fournir les données pour qu'elles prennent les bonnes décisions, ensuite il leur revient de mettre en application celles-là sur le terrain, aux Politiques, reste le rôle de décider. C'est cela la concrétisation du principe de «la primauté du politique sur le militaire», principe bien assimilé par les militaires et qui ne veut nullement signifierleur mise à l'écart de tout le processus décisionnel et se contenter de leur remettre les décisions à appliquer sans leur donner l'occasion d'en comprendre ni les tenants ni les aboutissants, toujours « sans hésitation ni murmure ! ». Les militaires font totalement confiance aux politiques pour qu'ils prennent les décisions qui s'imposent, cette confiance ne doit-elle pas être réciproque ? L'écartement des hauts responsables militaires et sécuritaires du Conseil de sécurité nationale ne peut avoir la moindre justification et ne sert aucunement l'intérêt national, au contraire, cela handicape largement le processus décisionnel national en matière de défense et sécurité nationale, porte fatalement, préjudice à la sécurité du pays. En tout cas, j'espère que ce n'est pas un signe de méfiance à l'égard des hommes en tenue ! (**) Le jour où serait instauré un état-major interarmées, le chef de celui-ci pourrait, bien sûr, remplacer les chefs d'état-major des trois armées. Que Dieu garde la Tunisie. M.M. (*) Armée nationale