Depuis 2011, le Bureau international du travail (BIT) a aidé au lancement de projets dans les régions et les zones défavorisées afin d'offrir des opportunités d'emploi aux femmes et aux jeunes Le Bureau international du travail «BIT» a lancé après 2011 dans des conditions économiques, sociales et politiques difficiles un nouveau projet pour les régions des zones défavorisées. Les interventions ont eu lieu dans cinq gouvernorats : Siliana, Le Kef, Kasserine, Sidi Bouzid et Gafsa, des régions qui sont caractérisées par la pauvreté, le chômage et l'instabilité sécuritaire. Communiquer avec des gens pauvres dans des quartiers défavorisés est difficile. Les gens ont leurs propres codes, langage et mode de vie. Mais au final changer de vie dépend, en premier lieu, de leur volonté. Ils ont grand espoir de voir leur condition de vie changer vers le mieux. A Kesra, des jeunes sont adossés au mur, des enfants ont quitté l'école à un âge précoce à cause des difficultés matérielles. La pauvreté et la misère sont visibles dans presque toutes les maisons. Les conditions de vie y sont rudes autant pour les adultes que pour les enfants. Le chômage et la pauvreté sont visibles. Ces jeunes marginalisés depuis longtemps sont en proie aux fléaux du trafic de drogue, de l'alcoolisme, de la délinquance et de la violence en général, surtout après la révolution. Aujourd'hui, Kesra est devenue une opportunité prometteuse et une expérience typique dans la valorisation des produits locaux. Pour faire des confitures, il faut plus que des fruits et du sucre ! Augmenter la plantation de figuiers et d'arbres fruitiers et valoriser les produits locaux ont été les mots d'ordre de l'approche participative construite selon la méthodologie du Bureau international du travail qui repose principalement sur l'appui à la création d'emplois et l'accompagnement à la réinsertion professionnelle en complétant les dispositifs de l'Etat. Les travaux préparatoires ont commencé à partir d'une étude réalisée par le Bureau international du travail afin de rationaliser davantage la consommation d'eau d'irrigation et d'éviter le gaspillage. Le projet consiste à réunir trois sources d'eau (Aïn Sultan, Aïn Mizab et Aïn Maklaou) et à les relier à un système de contrôle manuel situé aux entrées des champs de figuiers et d'oliveraies. Ce projet a permis d'exploiter de façon systématique et moderne 20 hectares de figuiers et de rassembler un nombre important d'agriculteurs pour assurer une meilleure exploitation de l'eau. Noureddine Ajim, chef du groupement de développement agricole "Zidi" à Kesra, a déclaré : «Nous avons d'abord élaboré des études sur les figuiers de la région de Kesra et plus particulièrement sur les figues "Zidi" connues pour leurs qualités exceptionnelles. Pour valoriser ce produit et pour le conserver plus longtemps, nous avons décidé d'en faire de la confiture». Il poursuit : «Nous avons organisé de nombreuses rencontres avec les agriculteurs de la région et nous avons discuté des problèmes liés à la production de la figue. Dans ce contexte, nous avons choisi de nous référer à des expériences réussies dans le développement de la production de figues à l'instar de celles de Djebba du gouvernorat de Béja». De son côté, Jaouher Smari, ingénieur formateur dans l'industrie alimentaire et consultant auprès des bureaux d'études, a vanté les mérites et les avantages que représentent les cours de formation pour les femmes appartenant au groupement du développement agricole. «Les cours de formation au profit des femmes appartenant au groupement du développement agricole ont été divisés en trois étapes. La première étape a consisté en une formation sur les méthodes de fabrication. La deuxième a réuni plusieurs formations théoriques et pratiques sur la transformation des figues et confiture en sirop et en gelée. La dernière étape a reposé sur une formation sur les conserves de légumes et les semi-conserves. Toutes ces formations réalisées suivant les bonnes pratiques d'hygiène et de fabrication ont abouti à l'octroi de certificats d'aptitude professionnelle au profit de vingt-deux bénéficiaires». Le Bureau international du travail s'est chargé de transformer le sanctuaire délabré de Sidi Thabet en une unité de conserverie de fruits et légumes et de former vingt-deux femmes pour la valorisation des produits agricoles pour un coût total de 70.000 dinars. Artisanes de Kesra Iljiya Rjab, à 70 ans, est la plus âgée des travailleuses de l'unité de conserverie de produits agricoles de Kesra. Elle a réussi à acquérir les connaissances et les compétences nécessaires grâce à une volonté exceptionnelle et à une motivation remarquable. Iljiya a obtenu un certificat de compétence professionnelle dans le domaine de la valorisation des fruits et des légumes. Quant à Fathia Boufath, artisane, elle se réjouit d'avoir rencontré les membres du Bureau international du travail. «Je ne pensais pas que ce projet allait se réaliser et que je pourrais apprendre un nouveau métier. Cependant leurs encouragements nous ont poussées vers la réalisation de nos objectifs communs. Notre rêve est devenu réalité». El Aguila à Gafsa : une unité de conserverie de fruits et légumes Le Bureau international du travail est également intervenu dans la région de Gafsa où les produits locaux issus directement de l'oasis sont transformés dans la conserverie de fruits et légumes qui a vu le jour dans la zone. Radhia Mlayel, 54 ans, agricultrice active dans la région sud de Gafsa possède une petite oasis d'abricotiers, d'oliviers et de figuiers. Elle a rejoint le projet avec la conviction de changer les anciens modèles agricoles. «Le projet a su créer une dynamique économique qui s'est progressivement développée grâce aux efforts de tous. J'estime que le projet a atteint ses objectifs de développement et a grandement contribué à l'établissement de nouveaux concepts concernant l'économie sociale locale», affirme cette quinquagénaire dynamique. Zakiya Zaiem, une autre agricultrice âgée d'une cinquantaine d'années, s'est réjouie également de l'opportunité qui lui a été offerte par le projet et qui lui a permis de se former aux techniques de transformation des fruits et légumes et d'obtenir un certificat de compétence professionnelle dans ce domaine. «Ma joie est indescriptible. Nous devons soutenir et préserver ce projet dans l'espoir d'une stabilité sociale et d'une vie décente». «Le travail est un édifice qui se construit pierre après pierre» Mohamed Chabchoub, expert en travaux à haute intensité de la main-d'œuvre au BIT, a bien voulu apporter plus d'éclairage sur ce projet qui a permis à des femmes agricoles et artisanes et des jeunes de s'installer à leur propre compte pour créer des sources de revenus durables. «En 2011, nous avons commencé à identifier les projets d'intervention dans le gouvernorat de Sidi Bouzid et nous avons assisté à plusieurs réunions avec les autorités régionales. Nous avons discuté deux propositions. La première s'intéressait à la préparation du marché Rahba à Sidi Bouzid et la seconde à la mise en place d'un système de drainage utilisant des matériaux locaux». Le projet du marché municipal a nécessité le recours à sept petites entreprises locales. La construction du marché s'est faite avec des matériaux locaux à base de pierres traditionnelles collées et jointes selon la technique du plafond voûté. «Il s'agit d'un premier projet qui a mis en œuvre l'approche du travail à haute intensité et l'évaluation des ressources de construction locale financée par l'Etat. Les routes avoisinant le marché ont été revêtues par des pavés provenant de Thala, une autre approche qui utilise 100% de matériaux locaux. Puis, nous avons commencé une formation de la main-d'œuvre dans le carrelage en pierre et du plafond voûté. Dans un second temps, nous avons complété l'aménagement du marché en partenariat avec le conseil régional. Toujours selon la même approche, nous avons utilisé des matériaux de construction locaux et fait appel à une main-d'œuvre locale». La deuxième partie du marché a été entreprise par le Bureau du travail et le conseil régional s'est engagé à achever les deux dernières parties. Mohamed Salah Messaoudi, secrétaire général de la commune de Sidi Bouzid, s'est exprimé de son côté sur l'appui de la municipalité au projet du BIT. «La municipalité de Sidi Bouzid est l'un des premiers acteurs qui a été en faveur des projets mis en œuvre par le Bureau international du travail, basés sur une méthodologie sophistiquée. Nous avons soutenu le projet du complexe commercial bâti avec des matériaux de construction locaux. Ce projet pilote a mis fin au problème des constructions anarchiques. Aujourd'hui, nous sommes fiers de dire que le marché a embelli notre ville. Le projet vise à réduire la pollution causée par les déchets des carrières dans les villes voisines». Khalifa Salaâni, entrepreneur BIT à la cité Bois d'olivier, a mis l'accent sur le succès du projet grâce à la mise en œuvre de la méthode du Bureau international du travail qui a modifié les concepts classiques des projets d'infrastructure : «J'ai participé à ce projet dans le seul but de contribuer au développement de la région et de fournir l'aide nécessaire. Ce projet a aidé plusieurs familles marginalisées en leur offrant des opportunités d'emplois». Khaled Amri, délégué régional au commerce et à l'artisanat à Sidi Bouzid, estime que le projet du village artisanal a permis de sauver les jeunes artisans face au manque de matériels modernes et de lieux appropriés comme les salles d'exposition et les ateliers. Désormais, plus de 35 artisans travaillent dans le secteur du bois d'olivier dans la région de Sidi Bouzid . Le site du village est, par ailleurs, adapté aux activités artisanales en dehors des zones résidentielles et les matériaux utilisés sont biologiques et non polluants. «Nous travaillons à présent à soutenir ce projet et à donner plus d'assistance aux jeunes artisans». A Sbeitla, on en fait tout un fromage ! A Sidi Aich, on en confectionne les saveurs... A Sbeitla, le projet BIT/UE a organisé des formations pour le groupe des femmes sur les techniques de fabrication des fromages frais et les a accompagnées jusqu'à la création d'une unité de fabrication artisanale de fromage sous forme d'une Smsa dénommée El Athar. Cette activité de valorisation du lait a permis, d'une part, d'améliorer les revenus des bénéficiaires et de leurs familles et, d'autre part, d'augmenter leurs capacités de production laitière grâce à une meilleure gestion et à une bonne conduite du troupeau. La société mutuelle des services agricoles «El Athar», grâce à la volonté et la persévérance du groupe et à la participation active des différents partenaires en particulier le Crda de Kasserine, se présente aujourd'hui comme un projet pilote de l'économie sociale et solidaire dans la région. Karima Harhouri, qui été élue présidente de la Smsa El Athar, se rappelle bien des différentes étapes de construction du projet et de son impact socioéconomique sur tout le groupe : «Je suis fière de faire partie des fondatrices de ce projet pilote auquel nous nous attachons, une nouvelle vie commence...», raconte la jeune femme fière. Pendant trois ans, plusieurs formations ont été effectuées : une formation sur la fabrication de fromage à pâte molle, une formation sur l'hygiène. Abdeljelil Harhouri, agriculteur, entrepreneur et membre de l'Utap, renchérit dans ce sens : «Nous avons valorisé l'idée du projet supervisé par le Bureau international du travail au profit des femmes rurales éleveuses des vaches laitières. Ce projet vise à développer la capacité de production du lait dans la région. Dans ce contexte, nous avons fourni un bâtiment qui a été d'abord aménagé comme espace de formation puis optimisé en une unité de fabrication selon les normes d'hygiène et de santé et équipé de machines modernes». Adel Khouni, chef de la cellule de la vulgarisation agricole de Sbeitla, «depuis le démarrage de la mise en œuvre du projet, le service de la production animale de Sbeitla a déployé tous les efforts nécessaires pour le suivi de la santé des troupeaux afin d'assurer une productivité élevée et un produit sain. Ce projet représente un modèle de l'intégration de la femme rurale dans le cycle économique», a-t-il déclaré. Thala ne reste pas de marbre... elle le travaille ! «Gagner son pain à la sueur de son front». Tel était le slogan des jeunes de Thala qui ont rejoint le programme d'appui aux zones défavorisées. Ce programme, considéré comme leur dernier recours, était l'occasion pour eux de trouver un emploi et de s'intégrer dans la vie professionnelle. Le polissage des pierres issues des déchets du marbre des carrières de Thala a nécessité des mois de travail. Dans ce contexte, le Bureau international a adopté une approche fondée sur l'estimation des matériaux de construction locaux et le recours à une main-d'œuvre locale après une formation et un encadrement. Cette approche est fondée sur la valorisation des déchets du marbre des carrières de Thala qui contiennent une énorme réserve de pierres inutilisées. Ce projet placé sous la tutelle du ministère du Développement et financé par l'Union européenne a réuni le Bureau international du travail et plusieurs structures publiques. Le Bureau international du travail a signé un accord avec le centre technique des matériaux de construction de la céramique et du verre afin d'effectuer les analyses nécessaires et la classification des déchets extraits des pierres de marbre. Sami Montassar, ingénieur, docteur en génie civil et maître de conférences à l'école nationale d'ingénieurs à Tunis, atteste : les établissements d'enseignement supérieur spécialisés en génie civil ont joué un rôle prépondérant dans le projet d'évaluation des déchets des pierres de marbre. En effet, suite à l'accord entre l'Ecole nationale d'ingénieurs de Tunis et le Bureau international du travail, une étude technique a été menée sur l'estimation et l'utilisation des déchets de marbre dans le pavage routier. Rached Hemdani, entrepreneur et ses artisans graveurs sur pierre parle de sa propre expérience qui a réussi grâce au projet du BIT. «Après plusieurs années de travail à l'étranger, je suis rentré en Tunisie et j'ai pu m'adapter à mon nouvel environnement grâce à ce projet». L'entrepreneur passe plus de huit heures par jour au milieu des déchets de marbre à superviser les jeunes artisans transformant les pierres conformément aux normes en vigueur. Il déclare : «J'ai lancé mon entreprise et le Bureau a soutenu la formation d'un certain nombre de jeunes et a contribué aux premiers ordres de paiement. Nous avons produit plus de 100.000 pavés en une seule année. Ce type de pierre devient de plus en plus utilisé dans les villes grâce à ses vertus écologiques et ses avantages socio-économiques». Hassen Drihmi, directeur du centre de formation et de promotion du travail indépendant à Thala, a souligné l'importance de ce projet dans son ensemble et a apprécié le rôle joué par le Bureau international du travail dans la mise en œuvre de ce projet. Il affirme : «L'expérience de l'affinage des pierres des carrières de Thala a donné de très bons résultats. De plus, 90 jeunes de la région ont pu obtenir un certificat professionnel de découpe et de gravure sur les pierres de marbre». Abdelkader Saidaoui, un quinquagénaire de Thala, exprime sa joie: «C'est dans cette carrière que mon aventure a commencé. Je suis fier d'y travailler et d'y gagner mon pain. Grâce à ce projet, les jeunes de ma région et moi-même avons bénéficié d'un encadrement et d'une formation». Khaled Hrichi, ouvrier dans le carrelage avec valorisation des déchets de carrière, n'y croyait plus. Il ne pensait pas un jour pouvoir travailler dans une région défavorisée comme la sienne. Toutefois, grâce à l'intervention du Bureau international du travail, il a pu travailler en trouvant tout le soutien et l'encadrement nécessaires. Khaled explique : «J'ai eu la chance de travailler et comme le reste du groupe, j'ai été formé dans le bâtiment. Nous avons essayé de faire revivre à travers la méthodologie du Bureau international du travail. Ce projet a permis de réduire le nombre de chômeurs et a contribué à de nouvelles offres d'emplois pour plus de 40 familles», a conclu Mohamed Arbi Haji, secrétaire général de l'Ugtt à Thala.