Le président Caïd Essebsi a proposé, hier, l'institution d'une loi garantissant l'égalité dans l'héritage et la révision du Code du statut personnel (CSP) afin de l'adapter à l'évolution de la société et à la législation en vigueur, conformément aux dispositions de la Constitution de la IIe République. Le projet de loi sera déposé à l'ARP dès le démarrage de la prochaine session parlementaire Pendant des décennies, le Code du statut personnel (13 août 1956) était considéré intouchable, les frontières de l'interdit s'assimilant avec les préceptes islamiques, avec les commandements du Coran et de la Charia, telle l'égalité dans l'héritage entre l'homme et la femme. Hier, lors de la cérémonie marquant la célébration de la fête nationale de la Femme (13 août), au Palais de Carthage, le président Caïd Essebsi a franchi le pas en proposant aux Tunisiens un projet de loi qui institue l'égalité fille-fils lors de la répartition de l'héritage. La loi islamique basée sur la Chariâa garantissant à l'homme le double de la part qui revient à la femme, loi en vigueur dans la plupart des pays musulmans dont la Tunisie, devient ainsi l'exception. L'égalité inscrite dans la Constitution de 2014 Dans son discours, le président de la République a tenu d'emblée à souligner son rôle de chef de l'Etat en tant que garant de la Constitution et de son application, rappelant à ce titre que l'égalité est inscrite dans la Loi organique de 2014 (Article 21 de la Constitution). Il fera remarquer que ses prérogatives de président de la République lui donnent le droit de lancer des initiatives juridiques comme ce projet de loi sur l'égalité successorale et qu'il a décidé de transférer devant l'Assemblée des représentants du peuple, dès le démarrage de la prochaine session parlementaire. Béji Caïd Essebsi répond ainsi à ses détracteurs qui refusent le principe de l'égalité devant l'héritage et l'accusent d'outrepasser ses prérogatives. Dans son discours, BCE rappellera également la civilité de l'Etat tunisien, invitant les citoyens à faire la distinction entre la religion de l'Etat, qui est l'Islam, et un Etat religieux. « L'amalgame est une faute très grave », lance-t-il, sans doute, aux milliers de manifestants islamistes qui sont descendus dans la rue, au Bardo, devant le siège de l'ARP, samedi dernier, pour crier leur colère contre le rapport de la Commission des libertés et de l'égalité qui a travaillé, à la demande du chef de l'Etat une année plus tôt, sur les moyens de faire avancer juridiquement les libertés individuelles et les droits des femmes en Tunisie. Tout en soulignant son devoir, en vertu de la Loi suprême (article 72), de faire respecter ses dispositions, le président Caïd Essebsi a également insisté sur sa responsabilité de rassembler tous les Tunisiens et de ne pas les diviser. « C'est la raison pour laquelle, nous avons décidé, dans le cadre de ce projet de loi, de laisser le choix aux légataires d'appliquer le droit islamique s'ils le veulent », a-t-il précisé sans omettre de souligner auparavant avec insistance que la Constitution de 2014 a été élaborée par la Troïka au sein de laquelle Ennahdha, parti majoritaire, avait pesé de tout son poids. BCE met ainsi le mouvement Ennahdha devant ses responsabilités historiques au moment où le projet de loi sur l'égalité successorale sera entre les mains des députés pour l'examiner et le discuter en vue de l'adopter. Débat plus large et plus approfondi sur les libertés Le président de la République a interpellé Ennahdha à maintes reprises dans son discours, notamment pour mettre en exergue l'importance de son poids politique et de son influence sur le cours des choses. Il notera à ce propos qu'Ennahdha a exprimé par le passé sa volonté de devenir un parti politique civil, des pas importants ont été franchis, l'adoption du projet de loi sur l'égalité sera une autre occasion pour le mouvement d'avancer dans ce sens. A noter que le mouvement Ennahdha a exprimé sa position et surtout ses réserves vis-à-vis du rapport de la Colibe, surtout à l'égard de l'égalité successorale, dans une lettre qui a été soumise au président de la République. BCE, qui s'est félicité de l'adhésion d'Ennahdha à certaines propositions « positives » en matière de libertés, a invité le mouvement à publier cette lettre pour plus de transparence, nécessaire par ailleurs au débat « plus large et plus approfondi » qui va être lancé à l'échelle nationale sur les libertés individuelles et le code qui va en résulter.