Dans le cadre du forum international sur le PPP, organisé à Tunis la semaine dernière, La Presse a donné la parole à M. Mouayed Makhlouf, directeur IFC Mena, une des institutions clés dans le déploiement du PPP dans le monde Est-ce que les 33 projets sont tous réalisables ? Il est certain que beaucoup de ces projets sont réalisables. Il est certain également qu'ils ne sont pas tous réalisables. Je dirais que si nous arrivons à réaliser 5 à 10 projets en PPP, ce serait un pas important. L'objectif de ce congrès n'est pas de réaliser 33 projets. L'idée est de commencer, l'idée est d'amorcer un processus. A titre d'exemple, en Jordanie, les choses ont commencé avec quelques projets de manière relativement lente. Ce sont les succès des premiers projets qui vont faire en sorte que l'on puisse avancer. D'ailleurs nous espérons qu'à l'avenir, nous pourrons même aller au-delà de 33 projets. Quel est le projet qui vous a séduit ? Depuis deux ans nous discutons avec le gouvernement tunisien de projets sur les énergies renouvelables. Les projets qui se déclinent le mieux en PPP sont ceux relatifs aux énergies renouvelables. En effet, dans ce domaine, le PPP est devenu un standard et même un modèle pour les autres PPP. En Afrique, nous avons un programme appelé Scaling Solar. C'est une sorte de package de projets en relation avec l'énergie solaire, que les investisseurs proposent à plusieurs pays quels que soient les besoins en termes d'énergie. Le plus important est de ne rien réinventer, ne pas repartir de zéro. Les investisseurs ont aujourd'hui une expertise suffisante en matière de projets relatifs à l'énergie. Le marché tunisien est un marché relativement petit, est-ce que c'est dissuasif pour les investisseurs dans le cadre du PPP ? Les marchés jordanien et tunisien sont semblables à quelques différences près. La taille du marché n'aura pas un impact sur les projets en PPP. Bien au contraire, c'est lorsque le marché est restreint qu'il est préférable d'opter pour un modèle PPP, parce que les moyens à disposition de l'Etat sont limités. Il est donc nécessaire de faire appel à des investisseurs privés. Les grands pays et les pays riches ont la capacité d'investir sans l'aide du secteur privé. Or ce n'est pas le cas de pays comme la Tunisie ou la Jordanie qui font face à des difficultés économiques. Certains craignent que cette ouverture du PPP à des entreprises internationales ne profite pas aux entreprises locales, qu'en pensez-vous ? Quand il fournit une prestation de service, l'Etat enregistre également un coût. Ce coût s'avère bien plus économique dans le cadre d'un PPP. Le but du PPP est de faire en sorte de présenter un service à un coût moindre. La crainte d'une domination des entreprises mondiales n'est pas fondée. Le but de l'Etat est de présenter une prestation à moindre coût aux citoyens pour une meilleure qualité de service. Peu importe le prestataire, local ou international. Il faut aussi comprendre que l'Etat reste seul maître à bord. Les citoyens ont souvent peur de perdre la gratuité de l'accès à certains services, la crainte est-elle fondée ? Il y a une culture qui fait que dans le monde arabe on pense que certains services doivent être gratuits. Ce modèle n'est pas pérenne. Les citoyens doivent participer à financer ces services qui coûtent de l'argent à l'Etat. Il est important toutefois de faire la différence entre privatisation et PPP. Dans le cadre du PPP, l'Etat garde le contrôle et fixe les règles du jeu, en termes tarifaires notamment. Il faut qu'il y ait une bonne compréhension du modèle PPP. Un travail de pédagogie est nécessaire. Le modèle actuel basé sur la subvention des services n'est plus tenable et il faut que cela change. Mon sentiment est qu'en Tunisie, beaucoup confondent PPP et privatisation. De toutes les manières, un PPP ne se fera qu'en concertation avec les partenaires sociaux, et notamment avec les syndicats. Combien est-ce que l'IFC est prête à mettre sur la table dans le cadre du PPP ? Depuis que nous intervenons en Tunisie nous avons investi 1 milliard de dollars. Ce n'est pas énorme par rapport à l'enveloppe que nous consacrons à la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Notre objectif est d'arriver à une phase où nous investissons de 300 à 500 millions de dollars chaque année, comme nous l'avons fait en Jordanie. Nous sommes même prêts à aller au-delà de 500 millions de dollars par an. Mais pour que cela se fasse, il est important de mettre en place des réformes économiques et lever l'ensemble des obstacles qui se dressent devant les investisseurs étrangers et locaux. Tous les projets en PPP doivent être présentés de manière transparente.