Chronique d'une agonie, projeté jeudi dernier au Colisée, est le troisième film tunisien en compétition officielle de cette 23e édition des Journées cinématographiques de Carthage, après Les palmiers blessés de Abdellatif Ben Ammar et Fin décembre de Moez Kammoun. Pendant les présentations, l'équipe (au complet) du long métrage transpirait de bonne volonté. Nous aussi. Notre amour pour le cinéma tunisien est toujours aussi vif et aussi passionné. Nous voulions surtout découvrir l'auteure de ce film, Ayda Ben Alaya, quasiment inconnue, qui vise le Tanit. Le drame, comme souvent dans le cinéma tunisien, penche du côté de la femme, cette espèce en voie de disparition, victime de l'homme, prédateur, tyran et obsédé sexuel. Donia, le personnage principal (alias Amira Chebli), ne sait plus à quel saint se vouer. Le grand-père hémiplégique, mais en superforme, ne cesse de la traiter de «P…», non respectueuse. «Tu ressembles à ta mère !», lui dit-il tout le temps. Cette dernière a (semble-t-il) quitté le domicile parental pour vivre sa vie ailleurs. L'amant de Donia, quant à lui, l'engrosse et se dégage de toute responsabilité. Mais le comble, c'est que cette fille instruite (puisqu'on nous montre souvent ses livres de chevet), est également harcelée par son patron de l'usine (c'est peut-être un supermarché puisqu'il y a des chariots) qui essaye même de la violer. La pauvrette n'a pas non plus de père sur lequel elle peut compter pour la protéger contre tous ces monstres. Lui aussi l'a quittée lorsqu'elle était dans le ventre de sa mère. Que de malheurs pour une seule personne ! Rien que du gâchis ! Pour oublier ses déboires, Donia s'en va chaque soir au théâtre pour danser. Elle est tout le temps accompagnée par un homme au visage de nounours, tendre et attentionné, mais muet. Qui est-il ? Un ami imaginaire ? Mais la danseuse, ouvrière et intellectuelle, finit par être attrapée en flagrant délit de chorégraphie contemporaine, par le gardien du théâtre qui la jette dehors. Trop c'est trop ! Donia décide de se venger de tous ces mâles qui lui font du mal. Avec sa main, elle écrase la partie la plus sensible de ces hommes après leur avoir chuchoté des mots sucrés sur un ton hypnotique( !) Emmanuelle en aurait été jalouse. L'actrice s'est défoncée. Elle a intériorisé un max, gardant son sourire au placard, jusqu'à ces fameux plans. Mais le jeu tombe à l'eau tant la finalité est obscure du début à la fin. Ni le traitement, ni le sens dramatique, ni la mise en scène, ni les codes, ni les cadrages, ni le luth sanglotant, ni les clichés trop clichés ne nous ont aidés à digérer le film et la lourdeur générale du propos. Nous sommes sortis de la salle avec cette haine du temps qui ne passe pas trop vite et avec la furieuse envie de glisser sous la couverture et de zapper sur MBC2 pour voir un film américain série B.