De tous les arts, le cinéma reste le plus populaire et continue à jouir d'un engouement planétaire. En effet, le 7ème art constitue un pont entre les cultures et les peuples. C'est ce qu'a prouvé la 12ème session du Festival International du Film de Marrakech qui a eu lieu du 30 novembre au 8 décembre. L'Etoile d'Or a été remportée par « L'attentat » d'après une adaptation du livre de Yasmina Khadra, réalisé par le libanais Zied Douari. Mais au-delà des prix, le FIFFM a été un grand moment de partage et de rencontres entre les cinéastes et le public. « C'est la compréhension de l'Autre que communique le cinéma » estime le philosophe Edgar Morin, grand ami du Maroc, qui a été, l'an dernier, président de jury du festival du film national de Tanger. Le Temps : en 1961, vous avez coréalisé avec Jean Rouch le documentaire « Chronique d'un été », quel souvenir en gardez-vous ? Edgar Morin : le film « Chronique d'un été » que j'ai réalisé avec mon ami Jean Rouch est du genre « cinéma vérité ». Autrement dit, nous avons porté Jean et moi un regard sociologique et ethnographique sur les gens. Le cinéma qu'il soit de fiction ou documentaire nous révèle l'homme dansson humanité. J'ai d'ailleurs écrit un livre sur ce thème qui s'intitule « Le cinéma ou l'homme imaginaire » publié en 1956. *Vous avez évoqué « le cinéma vérité » qui montre une certaine réalité du monde. Préférez-vous voir le monde par le biais de la petite lucarne en suivant les journaux télévisés ou à travers le point de vue d'un réalisateur ? -Le cinéma est à l'image d'une symphonie du fait qu'il a la capacité de réunir toutes les autres expressions artistiques comme la musique, la danse, le théâtre, le langage etc. C'est un art total. Il est donc pour moi un puissant moyen d'observation du monde. Cela étant dit, la télévision occupe une place importante dans ma vie. Une série comme « Dallas » excite ma curiosité de philosophe qui veut prendre connaissance d'une certaine Amérique en l'occurrence le Texas et son rapport avec l'argent. Toutefois, je reste impressionné par le côté émotionnel du cinéma. *Vous participez à cette 12ème édition du FIFFM à une rencontre autour du cinéma. Vous qui êtes sociologue et philosophe, quel regard portez-vous sur le cinéma ? -Longtemps, on a jugé que le cinéma mettait le spectateur dans un état hypnotique parce qu'il le fascinait à tel point qu'il était capable de perdre sa liberté de jugement et de discernement. Il s'agit là d'une attitude passive donc négative. Pour ma part, je pense le contraire ; que le cinéma nous rend actif par la participation subjective de chacun dans la mesure où nous nous identifions aux personnages même lorsqu'ils sont équivoques à l'instar du « Parrain » de Francis Ford Coppola, même s'il est criminel, il reste un père affectueux qui ne manque pas d'humanité. Le cinéma nous permet donc d'être plus compréhensif avec l'autre et de comprendre et d'accepter la complexité humaine, ce qui n'est pas toujours le cas dans la vie réelle. *Vous êtes un fidèle ami du FIFFM, qu'est-ce qui vous fait revenir à ce festival ? -D'abord, parce que j'ai beaucoup d'amis marocains, ensuite, parce que ce festival prône la diversité culturelle et la rencontre entre les cinématographies des quatre coins du monde et surtout comprendre ce que les hommes partagent en commun. * Vous avez-un rapport particulier avec la Tunisie. C'est un pays qui vous tient à cœur. -Absolument. Mon épouse est tunisienne, de Sousse plus précisément. J'ai donc une relation intime avec ce pays. Propos recueillis par Inès Ben Youssef