Par Jalel Mestiri On le connaît comme entraîneur de clubs, mais pas suffisamment comme sélectionneur. Mais au-delà des systèmes de jeu qu'il préconise, des schémas offensifs ou défensifs qu'il est susceptible de mettre en place, de ses choix des joueurs et des associations qu'il «dessine», que vaut Benzarti comme sélectionneur ? Voici l'inconnue qui demeure dans l'équation. Deux remarques nous interpellent à propos de la liste des 23 qu'il a communiquée récemment : 1. Les joueurs retenus doivent respirer le même jeu, la même ligne de conduite. Le projet de jeu et les principes collectifs devraient aussi être identifiables, quels que soient les choix des hommes. 2. Leur utilisation et leur complémentarité (technique, physique, tactique) devraient favoriser le registre de jeu le plus adéquat. Au fait, il y a des entraîneurs dont le travail est fondé aussi bien sur l'aspect technique de jeu que sur l'établissement des relations humaines avec les joueurs, ainsi que tout le staff. C'est une question de complémentarité et jamais d'exclusion. Quand ils s'expriment, c'est qu'ils ont quelque chose à dire. Sinon ils n'auraient pas besoin d'élever la voix. Ils font jouer aussi un football que les joueurs aiment pratiquer et que les gens aiment regarder. Cela nous rappelle l'épopée de l'Argentine, l'apport de Chetali, mais aussi le talent, l'étoffe et la classe des joueurs dans les différents postes dans lesquels ils évoluaient. L'idée est là : il y a des entraîneurs qui ne sont pas peut-être des stratèges, mais on les voit cependant capables d'insuffler à leurs hommes une énergie débordante. Un sélectionneur qui galvanise peut forcément rivaliser avec un sélectionneur qui analyse… La vocation et le profil d'un sélectionneur différent de ceux qu'on trouve chez un entraîneur de club. Il ne doit jamais se cacher derrière l'équipe. Tout ce qui s'y fait, ou presque, découle de ses choix, de ses actes et de ses convenances. Il en assume l'entière responsabilité et il n'est pas censé polémiquer sur l'apport de tel ou tel joueur. S'il doit donner la priorité à quelque chose de particulier, ça sera l'esprit qui règne au sein de la sélection. Un sélectionneur se définit aussi comme un «homme de résultat» que comme entraîneur. Certes, on prend les bonnes décisions quand les joueurs sont excellents. Mais aussi quand le sélectionneur fait les bons choix et connaît suffisamment leurs dispositions. Une sélection, c'est le rassemblement des joueurs les plus costauds, avec notamment une expression collective à base de talents individuels et collectifs additionnés. En ce domaine, Benzarti a-t-il le savoir-faire nécessaire? Dans la réussite ou dans l'échec, sa responsabilité sera évidente. Mais ici et là, ce sont ses rapports avec les joueurs qui intepellent le plus. Dans ce registre, il y a beaucoup de choses à dire… Indépendamment des noms, l'important aujourd'hui pour la sélection, pour les joueurs et pour le sélectionneur est de mettre les choses en perspective, et surtout chacun à sa place. La sélection aurait besoin d'un projet de reconstruction, charpenté autour de réflexions portées par de grandes idées. Cela devrait se traduire dans tout ce qui sera entrepris sur le terrain. Dans le monde «merveilleux» de beaucoup de sélectionneurs qui se sont succédé à la tête de l'équipe nationale, on était rarement convaincu des raisons des choix des uns et des autres. Leur impact était négligeable et leur rôle sonnait faux. Pas dans le ton, pas dans les matches. Pas bien dans leur peau aussi. Et trop tourné vers eux-mêmes. Les options tactiques et les choix des joueurs avaient souvent leurs revers, car ils n'ont jamais éliminé tous les risques. De quoi aurait besoin aujourd'hui l'équipe de Tunisie ? D'un sélectionneur qui favorise le jeu défensif ou bien celui qui donne la priorité aux options offensives? D'un côté comme de l'autre, il y a beaucoup de facteurs à prendre en considération. Mais, de façon générale, nous dirons que la sélection aurait besoin d'un sélectionneur qui prend des décisions et qui joue pour gagner et non pas pour se justifier, encore moins pour se faire pardonner. Il doit comprendre qu'un nouveau monde devrait naître en sélection. Le modèle souhaitable, et forcément espéré par tous, devrait confirmer l'idée selon laquelle les joueurs sont interchangeables, remplaçables sans que le rendement de l'équipe ne se trouve affecté. Le profil et la vocation des joueurs devraient être aujourd'hui remis au centre des débats pour signifier que chacun a une part capitale et déterminante dans les performances de l'équipe. Nouvelle étape donc, mais aussi nouvelles exigences pour une sélection et pour un sélectionneur qui entament une nouvelle ère, avec tout ce qu'elle comporte de priorités et de primeur. Le temps de passage moyen, ainsi que l'impression qui devrait se dégager des prochaines prestations, devraient en effet accréditer la thèse d'une marge de manœuvre plus éclairée, plus étendue.