Un acte de résistance face au récit officiel et un témoignage sur une Egypte qui fut et qui n'est plus. Après son documentaire «Salata baladi» (Salade maison), sorti en 2007, la cinéaste et écrivaine égyptienne revient sur le récit de la vie de sa mère dans son livre «Al mawlouda» (la nouveau-née). En présence de son auteure, le livre a été présenté vendredi dernier au local de la fondation Rosa Luxemburg. Un événement organisé en collaboration avec l'association Nachaz et animé par le militant politique, écrivain et traducteur Fathi Belhaj Yahia. Essayant de rapprocher le plus les présents de l'univers du livre qui a été en vente en Tunisie pour la première fois lors de l'événement, le coordinateur du débat a commencé par une mise en contexte suivie d'un survol des principaux événements du livre. Son personnage principal, Marie Rosenthal, et plus tard Neïla Kamel, a, en effet, vécu une vie pleine de rebondissements. Elle a été témoin d'une époque cruciale de l'histoire de l'Egypte et du monde arabe qu'elle raconte de son point de vue de femme, de mère et de militante politique. Les témoignages récoltés par sa fille Nadia Kamel sur plusieurs années, jusqu'au décès de sa mère en 2012, sont relatés par les mots de Neïla et à travers le regard de Nadia sur elle. C'est ce qu'a expliqué l'auteure lors de sa rencontre avec le public, à propos de sa démarche lors de la rédaction de «Al Mawlouda». Un exercice qui n'a pas été des plus simples, mais dont le résultat est passionné et passionnant. La manière de raconter de Neila Kamel est à la rencontre du personnel et de la grande histoire. Un récit qui relève du conte populaire ou «haddoutha», que sa fille relate en dialecte égyptien pour plus de fidélité. Sa force est dans le fait que le récit du personnage évolue avec son évolution dans le temps. Neïla Kamel parle de son enfance comme une enfant, de son adolescence comme une adolescente et ainsi de suite. Elle fait également preuve d'un extraordinaire recul par rapport à son histoire. Celle-ci, comme l'a qualifiée Fathi Belhaj Yahia, relève de «l'histoire du quotidien», qui rend hommage et donne la parole aux petites gens, des gens qui donnent la plupart du temps le pouls de la vraie histoire. Quant à Nadia Kamel, l'acte de raconter et faire raconter sa mère est un acte de résistance face à l'effacement de ce genre de parcours et son absence de l'histoire officielle. C'est également un témoignage sur une Egypte qui fut et qui n'est plus. Une Egypte cosmopolite et accueillante, qui se revendique à travers «Al Mawlouda». Un très beau récit qui mérite lecture.