Le Club de la Francophonie de l'Association Ibn Arafa, présidé par la dynamique Fethia Brouri, écrivaine et poétesse renommée, poursuit pour la troisième année ses activités culturelles qui consiste en l'invitation d'écrivains et de poètes tunisiens d'expression française pour débattre de leurs œuvres respectives et intéresser de plus en plus les amoureux de la langue de Molière à ce genre des débats auxquels participent d'éminents professeurs de langue françaises ainsi que des écrivains tunisiens francophones. La dernière invitée à ce Club fut Nefissa Wafa Marzouki pour la présentation et la discussion de son dernier ouvrage : « L'instituteur de la République » N.W.Marzouki a à son actif un nombre de productions littéraires, ayant publié plusieurs nouvelles entre 2004 et 2009 ainsi qu'un recueil de poèmes en 2011. Originaire de Jendouba, elle est titulaire d'une maîtrise en lettres françaises. Elle a enseigné le français au secondaire et à l'université et fut députée à l'ANC entre 2011-2014 et membre actif de la société civile. « L'Instituteur de la République » est un livre biographique d'environ deux cent pages. La narratrice a essayé de relater la vie de Si Touhami qui s'étale sur presque un siècle. Le tout agrémenté d'un tas de récits, surtout des témoignages poignants et des citations intéressantes. Elle nous présente dans ce livre un être cher, son père, qui a lutté de toutes ses forces pour défendre des principes universels: la liberté, la dignité et la justice pour tous, dans un langage fin, attrayant et varié. Après avoir présenté sommairement l'écrivaine au public, Madame Fethia Brouri, présidente du Club de la Francophonie, a annoncé le livre à discuter en ces termes : « Ce livre est d'une écriture singulière dans la mesure où il est construit à partir des détails anatomiques du corps du père: de sa tête, de ses yeux, de ses pieds et de tout son univers que la narratrice a revisité à plusieurs reprises, pour nous raconter l'histoire non seulement d'un instituteur, mais de tout un pays avec passion. » Poursuivant son analyse, en indiquant à chaque détail les pages de référence, elle a indiqué concernant le portrait moral du personnage : «Si Touhami est honnête, intelligent, tenace et amoureux de savoir. Il est affectueux, sérieux et travailleur. Il réussit en peu de temps à avoir une classe remplie d'élèves à l'école primaire d'Oued Zarga, région rurale. Il réussit à défier toutes les difficultés... Bien qu'il rejoignît l'école à un âge tardif, Si Touhami réussit avec brio ses études et obtient trois diplômes... ». Relevant parfois, à travers les pages, certains événements qui ont marqué la vie du personnage, elle a cité cette anecdote : « En novembre 1942, lors de la Seconde Guerre Mondiale, les armées alliées débarquèrent en Tunisie pour combattre les forces de l'axe. Et sur ordre ministériel, le Collège Sadiki où Si Touhami était élève interne, fut fermé. Alors Si Touhami et d'autres de la même région que lui se trouvèrent obligés de rentrer chez eux à pieds parce qu'ils n'avaient pas suffisamment d'argent. Ils ont marché nuit et jour, bravant toutes sortes de difficultés, faisant contre vents et marées cent soixante-dix km pour arriver à destination... » Enumérant quelques actions menées par Si Touhami dans sa profession en tant qu'instituteur, elle a indiqué : « Il était toujours à l'écoute de ses apprenants auxquels il offrait son aide sans réserve. Il réussit à installer une cantine pour les élèves nécessiteux et à bien la diriger en dépit du budget limité du ministère de l'éducation à l'époque ; il était loyal, ouvert d'esprit. C'était un disciple d'Habib Bourguiba et de Kamel Atatürk. Il admirait la diversité culturelle. Tout en étant autoritaire, il a élevé ses enfants, filles et garçons, sans préférence ni pour les uns ni pour les autres... Sa devise était le travail et il l'accomplissait avec abnégation comme il se doit. Si Touhami était un citoyen au vrai sens du mot. Il était sociable et très évolué par rapport à son époque. Il avait un esprit solidaire très développé. Il ne lésinait pas sur les efforts pour rendre son entourage heureux aussi bien familial que professionnel. Comme dans tout récit, il y a des péripéties et des drames, la vie de Si Touhami a été bouleversée, puisqu'il ne sortait plus, une fois atteint d'Alzheimer, son tempérament a changé. Son handicap moteur l'a rendu taciturne et songeur jusqu'à ses derniers jours. Cet événement douloureux a sans doute marqué la vie de sa fille, l'auteure du roman, qui éprouve de l'amertume de ne pas l'avoir assisté dans son agonie, ce sentiment exprimé dans un monologue très émouvant, où elle évoque ses regrets d'avoir laissé son père affronter les affres de la mort tout seul, cherchant à en trouver des explications apaisantes pour sa conscience qui la tourmente bien fort. La présidente Fathia Brouri est de terminer son exposé en disant : « La narratrice achève son récit par des questions percutantes sur la portée de l'écriture biographique et ses limites. A travers cet écrit, la narratrice a essayé de ressusciter Si Touhami, en puisant dans la mémoire, en se basant sur des faits et des témoignages. Elle a réussi à produire un récit si sincère, si émouvant. » Enfin, elle a donné la parole aux assistants pour débattre de l'ouvrage à l'étude.