Après avoir fermé ses portes pendant deux jours, l'Institut supérieur des sciences humaines Ibn-Charaf, dirigé par Noureddine Ennaïfer, a certes repris les cours, mais un groupe d'étudiants y est encore en sit-in de contestation contre le renvoi définitif de l'étudiante Rahma Khachnaoui, membre de l'Union générale des étudiants tunisiens (Uget), et d'une autre étudiante pour cause d'échange de violence. Le plus grave, ce n'est pas tant la violence en elle-même que le climat général dans lequel s'affrontent les étudiants entre eux et contre la direction à l'Institut supérieur des sciences humaines Ibn-Charaf. Car ces événements ne sont que la culmination de nombreux dépassements qui ont entraîné l'établissement dans une spirale de laxisme et de pagaille qui a fini par se répercuter négativement sur le déroulement normal des cours et, par conséquent, sur le niveau académique des étudiants. Un dialogue de sourds semble ainsi s'être installé à l'institut, alors que les deux parties en cause ; les étudiants (représentés par l'Uget) et la direction, présentent des versions diamétralement opposées. Selon la direction, Khachnaoui a mené un groupe d'étudiants dans une bataille rangée contre d'autres parties, le 17 octobre dernier ; ce qui a obligé le conseil scientifique à fermer les portes de Ibn-Charaf pour éviter toute escalade, alors que les agents de la sécurité de l'établissement ont été parmi les victimes de la violence. Entre-temps, le conseil a aplani tous les sujets de controverse à l'exception du système des absences, puisque l'institut, qui est sous le régime école, pratique la présence obligatoire. Il faut dire que les absences à répétition ont eu pour effet de ramener les groupes d'étudiants d'une vingtaine à une demi-douzaine et, devant un si petit nombre d'étudiants, les profs ont déserté les salles de classe. Sans encadrement, certains étudiants ont transformé les salles en lieu de beuverie, des climatiseurs ont disparu et la fenêtre de la bibliothèque a été forcée pour subtiliser cinq ordinateurs. Aujourd'hui, alors que le sit-in se poursuit, des groupuscules étrangers à Ibn-Charaf circulent en toute liberté pour soutenir les membres de l'un des syndicats d'étudiants contre les autres. Risques de déclassement de Ibn-Charaf De l'autre côté de la barrière psychologique qui s'est installée entre les deux parties, l'Uget a publié un communiqué où il s'inscrit en faux contre la décision du conseil scientifique de Ibn Charaf de fermer les portes de l'établissement à cause des violences qui ont touché les étudiants, les administratifs et les employés, en plus des équipements et du directeur de l'institut lui-même. L'Uget affirme qu'elle a manifesté de manière pacifique pour le moment, et accuse la direction de l'institut d'avoir refusé la négociation et d'avoir tout tenté pour entraîner les étudiants vers la pagaille en posant des caméras de surveillance, faire appel à la police, menacer d'exclusion et de mesures disciplinaires. Elle a également soutenu qu'il n'y avait pas eu de violence physique comme le dit la direction, mais seulement des joutes oratoires. Le dialogue de sourds semble donc s'être installé durablement avec, en définitive, deux seuls perdants. D'abord, les étudiants évidemment. Ensuite, cette spirale de violence, de laxisme et de dépassements en tous genres est en train de tirer le classement de Ibn-Charaf vers le bas, avec tous les risques conséquents sur la valeur des diplômes et sur les chances de coopération avec les instituts européens à l'horizon 2020.