Attirer l'attention à l'échelle internationale sur la valeur du site Tozeur qui a avec le cinéma une histoire très ancienne Rarement, très rarement, on entend parler du Jérid en termes de contestation véhémente, de désordres sociaux et encore moins de violences. Ce n'est pas que tout va pour le mieux, là-bas ; loin s'en faut. Mais leurs protestations à eux, les Jéridis les expriment en termes d'humour acide ou sous forme d'actions inattendues comme la fois où — il y a trois ou quatre ans de cela —, pour faire part de leur mécontentement devant l'incurie des autorités face à la précarité de leur condition, ils ont envoyé dans la capitale une forte délégation qui s'est installée sur les marches du Théâtre municipal, jouant des airs du pays et distribuant des dattes aux passants auxquels ils ont exposé leurs griefs contre les autorités. C'est peu dire que le Jérid, comme tout le Sud-Ouest, et, plus généralement, les régions dites «enclavées» du pays n'ont recueilli que des miettes des fruits de l'Indépendance. Mais si, aujourd'hui, et de l'aveu de tous ceux qui s'y rendent, Tunisiens et étrangers, le Jérid est une région où il fait bon vivre en dépit des difficultés partagées par l'ensemble de la nation, c'est, il faut le rappeler et le souligner avec force, grâce à l'engagement des siens, à leur inventivité et à leur obstination dans la poursuite de leurs objectifs. Car, quand les Jéridis ne sont pas dans la protestation, ils sont dans la proposition. Ainsi sont-ils faits. Le mouvement a été amorcé dans la dernière décennie du siècle passé à la faveur de facteurs objectifs et subjectifs qui ont permis à Abderrazak Chéraït de littéralement ressusciter la ville de Tozeur et, par effet d'entraînement, de faire revenir toute la région au-devant de la scène nationale sur le plan touristique et culturel. Sur les pas du précédent, Hassen Zargouni est en train de redonner à la localité de Nefta son lustre de toujours et au Jérid un surcroît d'éclat. Ces acteurs, et d'autres, moins médiatisés, conjuguent leurs efforts depuis 2011 dans le cadre d'une association qu'ils ont fondée sous l'appellation des Amis du Jérid (pour faire court !) afin de contribuer au redressement de la région. Ils ont organisé dans ce sens de multiples événements dont les retombées se font progressivement sentir à divers niveaux. Et ils continuent cette semaine (du 5 au 8 décembre) avec l'organisation de la première édition du Tozeur International Film Festival (TOIFF). Diplomatie et paradoxe Au cours d'un entretien avec la presse, Hamida Mrabet, ancienne ambassadrice et présidente du comité directeur du festival que pilote au quotidien Sami Mhenni, a révélé que l'idée de ce festival est venue de milieux cinéphiles de Tozeur et de Tunis et qu'elle a été adoptée par les Amis du Jérid. Les uns et les autres entendent attirer l'attention à l'échelle internationale sur la valeur du site Tozeur qui a avec le cinéma une histoire très ancienne, d'où l'adjonction du qualificatif « international » à l'intitulé du festival ! Ne reculant pas devant le paradoxe (qui n'en est pas un), Kamel Labidi, président de l'association des Amis du Jérid, insiste sur la dimension internationale de la manifestation car, précise-t-il, les autres festivals ont une portée exclusivement régionale, y compris le grand «JCC», qui a opté pour une vocation arabo-africaine ! Trop ambitieux, les organisateurs ? Hamida Mrabet répond placidement que, pour cette première session, et en dépit de l'étroitesse des délais, on enregistre déjà la participation au concours officiel d'une trentaine de pays. Mais, ajoute-t-elle, international ne veut pas dire tapis rouge, stars, exhibition, strass et paillettes. Cela veut dire pour les promoteurs de l'initiative la présence d'acteurs d'un autre genre, de ceux qui font l'industrie cinématographique, tel Location Guide, qui dispose de la plus importante base de données sur le secteur dans le monde à l'usage des professionnels du cinéma à l'échelle internationale et qui est de la partie pour couvrir l'événement mais surtout pour entrer en contact avec tous les professionnels tunisiens ainsi que pour découvrir, une semaine durant, nos sites naturels et culturels. Il le fera en compagnie de 3 confrères américains, 6 Britanniques et 3 Australiens. Un levier de développement A partir de jeudi prochain, la ville de Tozeur va s'immerger dans le monde de la lanterne magique. 3 salles de conférences de grands hôtels de la ville seront mises à la disposition des organisateurs pour la projection des films à l'intention du jury et du public pour un tarif symbolique (1 dinar). Parallèlement, des workshops réuniront les professionnels par sections tandis que des master class permettront aux jeunes de s'initier aux divers rayons de la production cinématographique. Bref, Tozeur s'apprête à vivre intensément la fête du cinéma avec des projections en plein air et une animation musicale. Et après ? Après, annonce Kamel Labidi, on entrera dans la préparation de la session suivante avec, dans la tête, l'objectif de faire de ce festival, qui prend son élan avec des moyens financiers et infrastructurels plus que modestes, un événement majeur, surtout parce qu'il aura réintroduit dans le Jérid la tradition cinématographique, favorisé l'émergence dans ce milieu d'infrastructures, de talents et de compétences de valeur dans tous les domaines de cette industrie, créé de l'emploi et la richesse. Et, pourquoi pas, finalement, concurrencer Marrakèche ou Le Caire ?