L'élite arabe est-elle responsable du malheur de son peuple et de son sous-développement ? A-t-elle échoué dans le déclenchement d'une vraie révolution culturelle arabe ? C'est à travers des interrogations sur le rôle de l'élite dans la société syrienne que la pièce «Etalonnage», du metteur en scène Samer Mohamed Ismaïl, a voulu aborder la crise culturelle et la crise des valeurs dont souffrent les sociétés arabes actuelles. Jouée, dans le cadre de la compétition officielle de la 20e édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC), à la salle Le Rio à Tunis, «Etalonnage» du Syrien Samer Mohamed Ismaïl raconte l'histoire d'une jeune journaliste (Miryana Maalouli) qui décroche un entretien avec un écrivain célèbre qui vient de remporter un prix prestigieux pour son dernier roman. Au fil de la rencontre, le spectateur découvre que la journaliste, en quête de vérité, veut venger son père, mort après avoir passé 20 ans dans la prison suite à un acte de trahison effectué par son ami l'écrivain célèbre (Youssef Al Mokbil). Munie de cassette portant la voix de son père (Aymen Zidane), la journaliste tente de confronter l'écrivain pour qu'il dévoile sa double trahison. En effet, il est à la fois la cause de l'emprisonnement de son père et le voleur d'un vieux manuscrit écrit par son père. Le manuscrit volé s'avère être le roman primé que l'écrivain s'est approprié après la mort du père de la journaliste. Au fil de la confrontation, la journaliste découvre que sa mère a été vingt ans durant l'amante du pseudo-auteur et que pour prouver son amour, elle lui a offert non seulement le manuscrit, mais aussi une précieuse œuvre d'art. En abordant la trahison, l'absence de valeurs et la jalousie, le metteur en scène et le dramaturge, Samer Mohamed Ismaïl, a tenu à décortiquer les travers de l'élite arabe des années 80 afin de mieux comprendre la crise culturelle actuelle qui touche les sociétés arabes où «un jeune lit par moyenne une page et demie par an». Dans une déclaration à l'agence Tap, le dramaturge syrien a précisé que face à l'extrémisme et l'intégrisme qui rongent les sociétés arabes, en particulier la Syrie, la question du rôle et la responsabilité de l'élite au sein de la société s'est imposée. Au-delà de la beauté du texte où Samer Mohamed Ismaïl a tenu à rendre hommage à son compatriote le poète et dramaturge Mohamed Al Maghout en le citant, «Etalonnage» tient en haleine son public par ses rebondissements successifs et le dénouement inattendu de l'intrigue. Loin d'une approche traditionnelle des maux de la société arabe abordant la politique ou les problèmes sociaux, «Etalonnage» pointe les travers de la société en questionnant ceux qu'il devrait être le modèle : l'élite.