Qu'y a-t-il après l'IVD ? La question mérite d'être posée d'autant plus que lors de sa dernière apparition à la télé, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a promis l'élaboration d'une nouvelle proposition de loi avec pour but d'arriver enfin à la réconciliation. C'est, d'ailleurs, le principal reproche fait à l'IVD, celui de n'avoir pas réussi à réaliser la réconciliation des Tunisiens avec leur passé et entre les victimes et ceux qui ont commis des abus Créée par la loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013 pour conduire le premier volet de la justice transitionnelle, l'Instance Vérité et Dignité a annoncé lundi dernier, officiellement, la fin de son mandat. "Au-delà de la date du 31 décembre, l'IVD n'est plus en mesure d'émettre des décisions», a précisé la présidente de l'instance Siheme Ben Sedrine, lors d'une conférence de presse tenue le jour même, ajoutant que l'IVD a transféré à la justice un total de 72 actes d'accusation et 80 autres dossiers. La présidente de l'instance admet partiellement un échec, puisque sur un certain nombre de dossiers, qui n'ont d'ailleurs pas atterri dans les tribunaux des juridictions spéciales, l'instance n'a pas réussi à retrouver la trace de la vérité. Cependant, le président de la commission d'arbitrage et de réconciliation a tenu à rappeler que 745 millions de dinars ont été récupérés en faveur du Trésor de l'Etat grâce à un travail d'arbitrage dans 8 affaires liées à la corruption financière. "L'IVD ambitionne de démanteler le système autoritaire et de faciliter la transition vers un Etat de droit en révélant la vérité sur les violations du passé, en déterminant la responsabilité de l'Etat dans ces violations, en demandant aux responsables de ces violations de rendre compte de leurs actes, en rétablissant les victimes dans leurs droits et leur dignité, en préservant enfin la mémoire et en facilitant la réconciliation nationale", voilà ce qu'était la mission de l'IVD lorsqu'elle est entrée en fonction. Depuis sa création l'IVD essuie quotidiennement les tirs de ceux qui ne souhaitent pas voir aboutir la justice transitionnelle, mais la personnalité atypique de la présidente ainsi que les conflits internes ont également contribué à rendre difficile voire compliqué le travail de sape qui consistait à élucider des énigmes de presque 60 ans d'histoire (1er juillet 1955 jusqu'à décembre 2013). La présidente de l'IVD a en tout cas remis une copie du rapport final à la présidence de la République, et s'apprête à rendre ce rapport public dans les jours qui viennent. Qu'y a-t-il après l'IVD ? La question mérite d'être posée d'autant plus que lors de sa dernière apparition à la télé, le chef du gouvernement Youssef Chahed a promis l'élaboration d'une nouvelle proposition de loi avec pour but d'arriver enfin à la réconciliation. D'ailleurs, c'est le principal reproche fait à l'IVD, celui de n'avoir pas réussi à réaliser la réconciliation des Tunisiens avec leur passé et entre les victimes et ceux qui ont commis des abus. Bien évidemment ces accusations sont souvent mélangées à de la mauvaise foi, mais ce grief est aussi partagé par un certain nombre de militants notamment de gauche. D'abord, la mauvaise foi est celle exprimée par celles et ceux qui ne font pas la différence entre justice transitionnelle et amnistie. En effet, la justice transitionnelle ne veut pas dire impunité. Penser que l'on puisse passer directement à la réconciliation sans que les coupables rendent des comptes, n'ont au final rien compris à la justice transitionnelle. Ensuite, l'accusation peut être légitime car les travaux de l'IVD et les auditions publiques, au lieu de créer une adhésion totale des citoyens, une sorte de gigantesque thérapie pour les victimes et les bourreaux, ont finalement contribué à créer une fracture. Le processus de justice transitionnelle est long. Il a permis de révéler des vérités et de ressortir ce qui était enfoui, mais il reste comme un goût d'inachevé. La page des années sombres de notre histoire contemporaine ne semble pas près d'être tournée.