Passer de l'exportation des produits classiques et traditionnels (huile d'olive, dattes, phosphate, artisanat...) aux produits hautement technologiques dans les domaines de la nanotechnologie, de la micro-électronique et de l'intelligence artificielle (robots, puces, domotique ou maison intelligente, télé-médecine...). Walid Koôli, titulaire en 2002 d'un master en sciences du commerce électronique de l'Ecole des hautes études commerciales de Montréal, est actuellement enseignant de marketing digital et de commerce électronique à l'Iset de Sousse et directeur du département des sciences économiques et de gestion à ladite institution supérieure. Afin d'en savoir plus sur le commerce électronique susceptible de contribuer à l'équilibre de la balance commerciale, il nous a accordé un entretien concernant le commerce électronique en tant que levier aux exportations tunisiennes et dynamo de l'économie nationale. Interview. Comment présentez-vous le commerce électronique en général? Le commerce électronique est l'ensemble des opérations d'achat et de vente de biens et services effectués au moyen des technologies de l'information et notamment sur internet. Pour parler du commerce électronique, il doit y avoir 3 points essentiels, à savoir : «l'échange à finalité commerciale», «la multiplicité de la nature de l'échange» et «l'utilisation des technologies de l'information dans tout ou une partie du processus transactionnel». Quel est l'état actuel des lieux du commerce électronique en Tunisie ? Actuellement, on compte 1.518 sites web de commerce électronique en Tunisie utilisant les 2 solutions de paiement en ligne, à savoir le paiement par carte bancaire de la Société monétique de Tunisie (SMT) et la carte e-dinar de la Poste. Le chiffre d'affaires du commerce électronique tunisien a atteint 200 MD pour l'année 2018 avec un taux de croissance de 30% par rapport à l'année précédente 2017. La Tunisie est classée 4e pour l'année 2018 sur le continent africain en matière de commerce électronique, et ce, selon le rapport de l'organisation des Nations unies pour le développement et relatif à l'index du commerce électronique (l'index étant l'ensemble des indicateurs compilés dont on cite notamment la connectivité, l'infrastructure technologique et les solutions de paiement). Selon les derniers chiffres du baromètre du commerce électronique en Tunisie, il y a lieu de mentionner que 58% des internautes ont effectué un achat sur un site tunisien au cours des 12 derniers mois. Le Tunisien achète des biens et services sur internet à une fréquence élevée (49% des internautes achètent des biens et services une fois/mois). En outre, 50% des internautes tunisiens ont pris l'habitude de payer en ligne certains services importants (billetterie, factures de Sonede, Steg, de téléphonie...). Comment le commerce électronique peut-il booster les exportations tunisiennes ? Le commerce électronique peut être considéré comme un excellent levier à l'export puisqu'il permet aux opérateurs économiques d'aller au-delà des marchés naturels (marché local, régional ou national) pour s'ouvrir sur l'international en profitant de la puissance de l'internet. L'entreprise économique, grâce à sa composante digitale sous forme d'un site web ou même sa présence sur les médias sociaux , peut inter-réagir avec de nouveaux clients à la recherche de produits à forte valeur ajoutée (une proposition de valeur différente de l'offre classique). Les entreprises tunisiennes sont riches en compétences dans le domaine des télé-services (informatique, robotique...), ce qui les prédispose à réussir sur les marchés internationaux à condition d'aller rapidement vers le digital (outils de marketing digital dont on cite notamment les vitrines virtuelles des entreprises, les places de marché électronique...). D'ailleurs, la Chine — grâce à sa stratégie de commerce électronique — a conquis l'économie mondiale, et ce, en s'appuyant sur les places de marché électronique comme «alibaba.com» ou «made in China». Quels sont les obstacles et les freins quant à l'adoption du commerce électronique en Tunisie? Le principal obstacle est certainement le manque de confiance dans le commerce électronique, soit au niveau des partenaires, soit au niveau du processus (paiement, livraison...). Cette confiance est indispensable pour toute activité commerciale d'autant plus qu'il ne faut pas oublier que le commerce électronique est du commerce tout court avant tout. La loi tunisienne en matière de commerce électronique permet une forte protection du consommateur contre tout acte de fraude sur internet (loi d'août 2000 concernant le commerce électronique et la preuve du document électronique). Le commerce électronique ouvre-t-il de nouvelles opportunités aux exportateurs dans le domaine des technologies émergentes ? Le commerce électronique permet d'ouvrir l'offre des entreprises tunisiennes à de nouveaux marchés et besoins. Les marchés internationaux sont à la recherche permanente d'offres innovantes et c'est dans ce sens que les entreprises tunisiennes doivent se positionner. En étant présentes sur internet, les entreprises tunisiennes peuvent mettre en valeur leurs offres à haute valeur ajoutée dans le domaine de la nanotechnologie, de la micro-électronique, de la robotique, de l'intelligence artificielle... Elles peuvent entrer en contact direct avec les donneurs d'ordre étrangers. Il est temps de penser aujourd'hui à diversifier l'offre tunisienne à l'export, et ce, en passant de l'exportation des produits classiques et traditionnels (huile d'olive, dattes, phosphate, et artisanat) aux produits hautement technologiques (robots, puces, domotique ou maison intelligente, télé-médecine…).