La Banque Centrale de Tunisie a annoncé tout récemment le relèvement du taux d'intérêt directeur de 100 points de base pour s'établir à 7,75%. Il s'agit de la première augmentation en 2019 alors que l'année 2018 a connu des hausses à deux reprises aux mois de mars et juin. Marouane Abassi, gouverneur de la BCT, a soutenu dans une conférence de presse tenue hier la sagesse de cette décision. Elle permettra, selon lui, de maîtriser davantage le taux d'inflation avec l'objectif de le ramener au-dessous de 7% pour l'ensemble de l'année 2019 La nouvelle a été accueillie avec amertume que ce soit de la part des citoyens ordinaires ou des professionnels. L'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) a même publié un communiqué exprimant son indignation, estimant que « la décision de la BCT de porter le TMM à 7,75% relève de la fuite en avant et non d'une recherche de solutions sérieuses pour maîtriser l'inflation ». Elle a indiqué que cette mesure engendrera une augmentation du coût du financement pour les entreprises, soit un accroissement de 15% du coût des crédits. Pour le gouverneur de la BCT, l'augmentation du TMM est inévitable, bien qu'une baisse ait été constatée au niveau du taux d'inflation. « Le coût de l'inflation aurait été très élevé. On aurait dû augmenter encore plus le taux d'intérêt directeur. Si nous n'avions pas anticipé, nous aurions fini par avoir une inflation à deux chiffres », a-t-il soutenu. Il a ajouté que la remontée de l'inflation enfonce les taux d'intérêt réels encore plus dans un territoire négatif. Impact sur l'économie D'ailleurs, la BCT indique que l'affermissement de la demande de consommation des produits importés mènerait à une aggravation du déficit de la balance courante et accélérerait l'érosion des réserves en devises en attisant les pressions sur le taux de change, le refinancement et l'inflation. Egalement, a-t-il expliqué, les rémunérations des dépôts se ressentiraient de la remontée de l'inflation, affectant négativement les ressources bancaires. Ceci se traduirait par un recours de plus en plus important à la monnaie centrale pour satisfaire la demande et induirait une forte hausse du volume global de refinancement. M. Abassi a mis en exergue le poids de l'inflation sous-jacente qui s'est établie à 8% en 2019 sur la reprise économique encore fragile. Ainsi, il a précisé que le déficit commercial et surtout le déficit de la balance courante, a atteint, en 2018, 11,2% du PIB. L'impact sur le dinar est prévisible, d'après lui, perdant 12,9% de sa valeur par rapport à l'euro et 8,6% de sa valeur par rapport au dollar, affirmant que ceci a un effet direct sur l'inflation. De même, il a précisé que les augmentations salariales ont également affecté le taux d'inflation, puisqu'elles confèrent un pouvoir d'achat additionnel. Maîtrise des équilibres Ainsi, le gouverneur de la BCT a insisté sur la responsabilité de la Banque Centrale dans la prise de telles décisions. Il a affirmé que l'augmentation du taux d'intérêt directeur n'est pas la seule mesure qui peut être prise pour contenir l'inflation. D'autres mesures à d'autres niveaux sont très importantes pour mieux gérer la situation. Il a cité la maîtrise des circuits de distribution et la planification prévisible des prix par la coordination entre les autorités publics et les structures professionnelles. Il s'agit aussi de l'affirmation du rôle du secteur agricole et la maîtrise des ressources hydriques. La récupération de certains marchés porteurs comme la Libye est aussi essentiel. Le regain de la production du phosphate et la reprise du secteur touristique sont également importants pour mieux générer de la devise. Il a appelé à l'adoption de la loi sur l'amnistie de change pour améliorer l'attractivité de la Tunisie pour les Tunisiens à l'étranger. Il est à noter que le Conseil d'administration de la BCT, qui s'est tenu les 16 et 19 février 2019, a examiné et approuvé le premier Plan Stratégique triennal de la Banque centrale de Tunisie (2019-2021). L'objectif est de mettre en place un cadre de gouvernance clair et transparent pour la conduite de la politique monétaire et d'implémenter un dispositif opérationnel macro-prudentiel permettant de prévenir les risques. On vise aussi à renforcer le pilotage de l'écosystème des paiements afin de réduire l'utilisation du cash dans l'économie, œuvrer à une levée progressive des restrictions de change et améliorer les systèmes de collecte et d'utilisation des données.