Il fallait agir, impérativement, pour éviter de subir «le coût de l'inaction» Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouène Abbassi, a été auditionné, hier, en séance plénière à l'Assemblée des représentants du peuple afin de s'expliquer devant les élus à propos de la décision d'augmenter de 100 points le TMM mais également à propos de la poursuite de la chute du dinar tunisien face à l'euro et au dollar. Marouène Abbassi s'est livré à une véritable radioscopie de l'économie tunisienne pour expliquer sa politique. Il a affirmé qu'il assume sa décision de relever le taux directeur. "Nous aurions peut-être mieux fait d'augmenter encore davantage ce taux", a-t-il dit devant les parlementaires. "Tout sauf l'inflation", a encore déclaré Abbassi, faisant savoir que la lutte contre l'inflation était sa principale bataille. Pour lui, il fallait impérativement agir pour éviter de subir, encore une fois, ce qu'il appelle le «coût de l'inaction». La hausse du taux d'intérêt directeur aurait pour but de s'attaquer à la consommation pour calmer la hausse vertigineuse du taux d'inflation. "Le problème est que l'augmentation de la consommation ne profite pas à l'économie nationale, mais plutôt aux économies auxquelles nous importons les produits manufacturés", a précisé le gouverneur de la BCT. Le député de l'opposition Ghazi Chaouachi (Al-Tayar), comme d'autres députés de l'opposition, semble n'avoir pas été convaincu par ces arguments. "Je rappelle que la hausse du taux directeur n'est pas une politique nouvelle, elle a été adoptée il y a deux ans, mais sans aboutir à une baisse de l'inflation", a clamé Ghazi Chaouachi. Dans ses propos liminaires, Marouène Abbassi a promis une baisse progressive de l'inflation. De son côté, le gouverneur de la BCT a indiqué que malgré une légère amélioration, le taux de croissance reste insuffisant, en raison notamment de la baisse de la croissance des industries manufacturières. "L'investissement est en berne, nous n'investissons plus, nous importons, nous sommes quasiment en phase de désindustrialisation", a affirmé Marouène Abbassi. Chiffres à l'appui, le gouverneur de la BCT rappelle que la balance courante accuse un déficit de plus de 11%. "Un déficit alarmant", commente-t-il. Un déficit creusé notamment par un énorme déficit de la balance énergétique. Même l'embellie du secteur touristique est vite tempérée par le gouverneur de la Banque centrale. Selon lui, les recettes du tourisme n'ont pas vraiment évolué si l'on fait des calculs sur la base du dinar. «La structure des touristes a bien changé, nous avions plutôt des ressortissants de l'Union européenne, mais aujourd'hui, ce sont plutôt des Algériens et des Libyens qui utilisent le dinar et font appel aux réseaux parallèles de change», a déclaré Marouène Abbassi pour expliquer en partie la dépréciation du dinar tunisien. Et puisque tout est lié, le gouverneur de la BCT a démontré qu'il existe un lien mécanique entre la hausse du déficit courant et le taux de change. "Si vous voulez que le taux de change s'améliore, c'est simple, il faut réduire le déficit courant", a-t-il expliqué. Selon lui, la dépréciation a commencé en 2016, conséquence logique de la vague d'attentats de 2015. "Le tourisme en a pris un coup, les agences de notation ont baissé les notes de la Tunisie et, par voie de conséquence, les marchés nous proposent des financements à des taux d'intérêt très élevés. Cette économie fragile a eu par ricochet un effet sur les réserves en devises qui ont atteint des niveaux sans précédent. "Nous sommes aujourd'hui à 84 jours d'importation, cela aurait pu être pire, nous essayons de le maintenir à ce niveau". Le gouverneur de la Banque centrale a déploré à plusieurs reprises l'informalisation progressive de l'économie tunisienne. Seules 9% des transactions passent par le circuit bancaire, selon une étude faite par la BCT. Toutefois, Marouène Abbassi a indiqué que 2019 sera l'année du decashing. En d'autres termes, la banque des banques déploiera davantage d'efforts pour éviter l'utilisation massive de cash dans les transactions. Il fallait éviter un taux à deux chiffres « L'inflation reste l'ennemi numéro un de la stabilité économique », a affirmé le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) Marouène Abbassi, ajoutant que « si le gouvernement ne prend pas la décision à temps, au moment opportun, les impacts économiques seront désastreux ». Répondant à deux questions qui ont retenu l'attention de l'opinion publique et qui concernent le recours de la Banque centrale de Tunisie (BCT) à l'augmentation du taux d'intérêt directeur et au glissement du dinar, il a expliqué la décision relative à l'augmentation du taux directeur de 100 points de base par l'amplification des pressions inflationnistes. «A cause du rythme ascendant de l'inflation au cours de la période 2015/2016, nous nous sommes retrouvés dans une zone négative », a indiqué Abassi, ajoutant que le conseil d'administration de la BCT a, justement, pris la décision d'augmenter le taux directeur afin d'éviter une inflation à deux chiffres ». Le gouverneur de la BCT a également évoqué le lien étroit entre l'inflation et la consommation des produits importés, ajoutant que « les pays exportateurs sont les bénéficiaires et non pas la Tunisie, d'où la nécessité de maîtriser la consommation de ces produits importés ». S'agissant de la dégradation de la valeur du dinar par rapport aux devises étrangères, le gouverneur de la BCT l'a expliquée par la baisse des exportations (industries mécaniques et électriques, énergie, phosphate et dérivés). Il a, dans le même cadre, rappelé que la production de phosphate a diminué à 3.300 tonnes en 2018, contre 8.000 tonnes en 2010. Du coup, le déficit de la balance énergétique s'est dégradé de 605 MD à plus de 5 mille millions de dinars, sans omettre l'amplification du déficit de la balance commerciale à plus de 19 milliards de dinars. Pour ramener l'inflation à des proportions raisonnables, il faudrait adopter des politiques économiques axées sur l'économie productive et la consommation des produits «made in Tunisia», a souligné le gouverneur de la BCT.