Le siège de l'UGTT fin prêt pour le 1er mai    La Tunisie, 2e pays à l'échelle arabe en nombre de chercheurs    AGO 2024 : Kamel Neji résolument confiant pour l'avenir de l'UIB    Moez Soussi : nous figurons, officiellement, sur la liste noire du FMI    Le gaspillage alimentaire, comprendre pour agir    Le SRS lance son académie de basket Ball : Une tradition restaurée !    Joueurs agressifs sur les terrains : Pourquoi pas un contrôle antidopage ?    Au fait du jour | Un mal nécessaire    Moez Ben Salem à la tête de la Société africaine de dermatologie et de vénérologie    Une caravane de santé au profit de 200 bénéficiaires à Mhamdia    Météo : Temps nuageux et températures entre 20 et 32°C    Météo de ce début de semaine    Une première en France : Le gouvernement annonce une plainte contre Mélenchon    Suspension de plusieurs médias occidentaux au Burkina Faso    France – Renationalisation partielle d'Atos : Les technologies clés !    Quelles sont les raisons de l'ouverture d'un bureau du FMI à Riyad en Arabie Saoudite ?    Ambassadeur italien, Jaouhar Ben Mbarek… Les 5 infos du week-end    Elections de la FTF : rejet de l'appel de Wassef Jlaiel, réexamen des listes de Ben Tekaya et Tlemçani    Netanyahu et son gouvernement embêtés par la menace de mandats d'arrêt délivrés par la CPI    Pénalisation de l'homosexualité et de la transsexualité en Irak... Les américains se disent inquiets !    Tunisie – METEO : Quelques passages nuageux et brouillard en fin de nuit    L'hommage d'un professeur à une élève ayant décidé de porter le hijab suscite la controverse    Tensions à Sciences Po : Quand la politique s'immisce dans l'expression étudiante    11e session de la commission mixte Tuniso-camerounaise à Yaoundé: Consolider la coopération dans divers domaines    Trois questions à Samir Meddeb, président de l'association Racines et Développement Durable: "Nos pratiques de consommation ne sont pas durables"    DECES ET FARK: Kamel SAMMARI    Tunisie-Canada: Un don de 185 ouvrages à la Bibliothèque nationale Tunisienne    La Kasbah—Activités du Chef du gouvernement durant la quatrième semaine d'avril 2024: Une batterie de mesures pour faciliter le retour des Tunisiens à l'étranger    Affaire présumée de trafic de psychotropes: Médecins et pharmaciens sous le joug de la caducité de la loi    Chroniques de la Byrsa: Circulez (sur le bitume), il n'y a plus rien à voir !    ECHOS De la FILT: Le ministre italien de la Culture au pavillon de l'Italie    La ligne d'or: Parler avec passion et amour : l'art de captiver son auditoire    Coopération bilatérale: Signature d'une convention de jumelage tuniso-italienne dans le secteur du patrimoine    Que nous révèlent les prix des matières premières sur l'économie mondiale ?    Volley – Play-offs Nationale A (SF) : CSS 3-0 EST, résultats de la J3 (vidéos)    Salon du livre : l'ambassadeur italien « dégagé » par des militants de l'Action pour la Palestine    Ons Jabeur en huitième de finale du tournoi de Madrid    Miss Buenos Aires 2024 : Une femme de 60 ans brise les barrières de l'âge    Après sa qualification, 7 millions de dinars pour l'EST    Gianni Infantino félicite l'EST pour sa qualification à la coupe du monde des clubs 2025    Malgré les restrictions sionistes : 45 000 Palestiniens assistent à la prière du vendredi à Al-Aqsa    Omar El Ouaer Trio et Alia Sellami au Goethe Institut Tunis pour célébrer la journée internationale du Jazz    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    L'Office des phosphates marocain lève 2 milliards USD sur les marchés internationaux    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mal de mère et tempêtes intérieures
« Madame M », d'Essia Jaibi à la Salle Le 4e Art
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 03 - 2019

Démarrage hier soir, aujourd'hui et demain, d'un premier cycle de représentations de « Madame M», une pièce créée et mise en scène par Essia Jaïbi et interprétée par la grande Jalila Baccar, Mouna Belhaj Zekri, Mouïn Moumni, Imène Ghazouani et Hamza Ouertatani, et produite par Familia Production.
Une première œuvre de Essia Jaïbi, maîtresse à bord pour la mise en scène et la scénographie, qui partage démocratiquement l'écriture du texte avec les acteurs Jalila Baccar, Mouna Belhaj Zekri, Mouïn Moumni, Imène Ghazouani et Hamza Ouertatani. Un texte collectif, une écriture presque « en plateau » où l'idée primitive de Essia Jaïbi s'est enrichie et déployée au fil des mois de travail. Les personnages se sont sculptés à même les corps des acteurs faisant de la pièce un spectacle vivant, d'une profondeur contagieuse qui n ‘épargne, ne pardonne ni les acteurs ni le spectateur.
«L'histoire est tirée de faits réels», nous dit la voix… Avant de nous plonger dans les abysses du vrai dans toute sa complexité, tous ses mensonges, dans nos propres angoisses et nos désillusions.
Portrait d'une famille en or et en douleur
Une famille, la mère Madame M fête ses 65 ans, a cinq enfants brillants, une belle maison et une retraite paisible. Hager, une journaliste ambitieuse, croise le chemin de cette famille et y cause des dégâts irréparables suite à un article, vite et mal écrit, sans conscience ni recul ni aucun souci de la vérité.
La pièce s‘ouvre sur un air de fête : quatre enfants unis pour célébrer l'anniversaire maternel. Sourires, bougies de joie, visages heureux, magnifiés d'or et de musique baroque vernie de strass... Mais un orage secoue le groupe, le tord et le disloque. La fine couche de dorure de leurs habits et bijoux se disloque, craque et révèle l'indicible… La mort, la douleur, les meurtrissures…. Chacun d'eux, piégé dans ses convulsions, refuse, crie et essaye de rompre le lien... mais qui y arrivera ?
C'est à la Cité des Jasmins que Madame M a planté ses racines et ses cinq enfants. Une forteresse, entourée d'un jardin fleuri, qui brille, d'un bonheur presque provocant, inquiétant, au milieu de la ville sale et infestée de rongeurs. Une utopie qu'elle a payé cher, et qui se trouve attaquée de toutes parts, journaliste ratée spécialisée dans les fake news, voisins envieux haineux et un ordre public inquiété par toute manifestation du beau.
La famille se trouve lynchée, le royaume de Madame M livré aux quatre vents et son jardin d'Eden réduit à néant. Le feu de la haine ampute l'empire de Madame M d'un être vital et nécessaire, le dernier homme… Le cadet des fils.
Face à la mort, à l'altérité assassine personnifiée par une journaliste arriviste, sans talent ni scrupule, avide d'or et de reconnaissance, le clan se soude, animé d'un désir maternel dévastateur de vengeance… Mais la lutte se déplace, devient centripète. «La bête immonde», comme la nomme Hager la journaliste faussaire, se retourne contre elle-même, autophage, sans pitié. La famille implose, et chacun va au bout de sa déchirure, en mutilant tout ce qui constitue son être et sa mémoire : frères, sœurs, père, connu ou inconnu…Et Madame M, mère de tous les maux.
Brillante noirceur et lumière d'humour
Le texte, somptueusement noir, est éclairé, à la tunisienne par un humour corrosif, drôle comme une tragédie, dramatique comme une comédie, il colle à ses personnages, eux-mêmes auteurs, et passe d'une vertigineuse noirceur à un éclat doré, dans une langue libérée parfois dure et même crue, totalement vraie et vivante.
La mise en scène décalée mi-immersive
Plateau nu, mobile, tanguant en pleines tempêtes internes, des chaises et une table, un carré comme un ring de boxe accueille les huis clos de lutte et de déchirement familial, mais aussi les déclarations d'amour et les règlements de comptes. Avec sa mise en scène et sa scénographie, Essia Jaïbi fait bouger les lignes et les limites d'une représentation théâtrale. Loin d'une vision consumériste de la culture, elle ne livre pas une pièce comme on livre un produit à consommer sur place, ni un théâtre formaté, figé, monofrontal et prémaché. Le public est sollicité émotionnellement et sensoriellement, il sera déstabilisé, interpellé, et même troublé. Le texte, même s'il est au centre du jeu, laisse une large place à la lumière qui témoigne d'une écriture propre à elle. Danses macabres ou hymnes à la joie, les tableaux se suivent parfois haletants et intenses. Le mouvement est rapide par intermittence mangeant quelques instants de lenteur, qui permettent au spectateur de souffler.
Spectacle inédit par sa mise en scène, et sa scénographie, dont on sort enrichi, libéré, mais avec des interrogations silencieuses ou criantes. Humour, sarcasmes, incompréhensions et silences, c'est une catharsis dense, mais agréable : «N'y voyez aucune morale», nous dira la voix ! « Après tout, ce n'est qu'une pièce de théâtre rien de plus, n‘est-ce pas»?


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.