En ce mois de mars,mois des femmes par excellence, nous avons tous plaisir à rendre hommage à ces Tunisiennes qui, à un moment ou un autre de notre Histoire, ont su marquer leur temps par leur action. Que ce soit dans l'action sociale, politique, artistique ou culturelle, elles ont su se distinguer, faire œuvre de civilisation, donner l'exemple, briser des tabous, repousser les lignes, changer le cours des choses. Nabiha Ben Miled est l'une d'elles, militante nationaliste, première présidente de l'Union des Femmes de Tunisie. Khedija Ben Miled, sa fille, historienne de formation, lui rend un hommage filial à travers un livre qui lui est dédié, et qui paraissait récemment aux éditions Arabesques : «Nabiha Ben Miled et l'Union des Femmes de Tunisie» L'auteur donne le ton dès l'ouverture du livre : «Cet ouvrage est dédié à toutes les pionnières du mouvement féministe en Tunisie dont l'action est souvent méconnue. Leur action nationaliste, sociale et féministe a créé un terrain favorable à la promulgation du code du statut personnel. L'Histoire ne les oubliera pas». Et il est vrai que si l'on parle beaucoup des femmes aujourd'hui, de leurs combats, de leurs victoires, on oublie un peu ce mouvement précurseur, courageux, structuré, avant-gardiste que fut celui de l'Union des Femmes de Tunisie». L'UFT a été créée en 1944, par un groupe de femmes d'origines et de religions diverses, proches du mouvement communiste de l'époque. Elle avait déjà pour objectif de « regrouper les femmes pour la défense de leurs foyers, pour la liberté, la paix, la démocratie… ». Il n'est pas encore question de lutte pour l'Indépendance. Ce n'est qu'en 1958, sous la présidence de Nabiha Ben Miled qu'est ajouté aux statuts : «pour la sauvegarde de l'indépendance de leur pays». Et que l'on complète, un an plus tard, les objectifs de l'Union : Eduquer la femme tunisienne en tant qu'épouse, mère, patriote…, lutter contre l'analphabétisme , développer des institutions en faveur de l'enfance et organiser la solidarité en faveur de l'enfance déshéritée. Tout a commencé là, et tout ce qui s'est fait par la suite a été rendu possible par l'action de ces femmes, ces pionniers audacieuses dont l'action ne fut pas toujours aisée. En effet, considérée comme «politiquement non correcte», l'Union vit ses statuts refusés par la sûreté nationale, et travailla sans visa jusqu'en 1966, date à laquelle elle fut contrainte de se dissoudre. C'est cette épopée d'une époque foisonnante et difficile, époque où tout était possible, où ces femmes ont pris leur destin en main, qu'entreprend de raconter Khedija Ben Miled. Sa mère, Habiba Ben Miled, en fut une des images emblématiques, aux côtés de Gladys Adda, Cherifa Saadaoui, Neila Haddad, Fatma Ben Romdhane, Zohra Ben Slimane ou Gilda Khiari auxquelles l'auteur rend également hommage. Le travail réalisé est un remarquable travail de recherche, d'analyse, de recoupement d'archives, d'interviews, de témoignages. Abondamment illustré, il nous permet de revivre ces temps précurseurs.