B7L9 est une «station» comme on l'appelle, faute de trouver meilleure définition, qui est offerte aux artistes et aux habitants du quartier, plate- forme dédiée à la création, sans programme, sans agenda, qui sera ce qu'ils voudront bien en faire. Adam, Kayan et Zaha couraient dans tous les sens. Les petits garçons de Lina Lazaâr avaient tenu à être de la fête eux aussi. Et dans ce lieu étrange où celle-ci avait décidé d'expérimenter ce nouveau concept, leurs courses et leurs rires donnaient une joyeuse familiarité à ce qui n'avait rien de familier. Au cœur de Bhar Lazreg, lieu hybride d'habitat spontané, de petits commerces et artisans quelque peu anarchiques, construit à la va comme je te pousse, sans plan directeur apparent, sans espaces verts, mais où se trouve la plus grande école du pays, un immeuble à la façade cinétique, zébrée de noir et blanc, artistiquement éclairé, attirait grand monde ce soir-là. Un monde hétéroclite lui aussi, mêlant démocratiquement directeurs de fondations toujours là où il faut être, ténors de la politique, tycoons des finances, vedettes de la télévision, critiques d'art, artistes connus ou en voie de l'être, collectionneurs pointus sentant d'où le vent allait venir, voisins curieux et bienveillants. Là, dans ce qui était, il n'y a guère longtemps une usine de textile, un nouveau modèle d'action artistique est en train de naître. Une « station » comme on l'appelle, faute de trouver meilleure définition, qui est offerte aux artistes, et aux habitants du quartier, plate- forme dédiée à la création, sans programme, sans agenda, qui sera ce qu'ils voudront bien en faire. Un magnifique espace d'exposition modulable de quelque 500 mètres carrés, des ateliers d'artistes, des bibliothèques, filmothèques, espaces de co-working et lieux de convivialité structurent cet OVNI que l'on a baptisé B7L9 pour se plier au langage actuel des chiffres et des lettres. Le lieu est accueillant et mis à la disposition de tout artiste ayant un projet à soumettre. Des résidences sont offertes, des ateliers mis à disponibilité, des sites d'exposition proposés, loin des contraintes habituelles aux galeries commerciales. Pour inaugurer ce lieu où l'on espère que les artistes seront heureux, on a frappé fort : une quarantaine d'artistes plasticiens tunisiens et étrangers issus d'une vingtaine de pays ont été invités à exposer : dessins, peintures, vidéos, installations, performances dessinaient un circuit fait de correspondances, échos et résonnances. A côté, sous une tente dressée dans un jardin qui, lui aussi, est un lieu d'expérimentation artistique, où on fait pousser ces graines «extrêmophiles» que les instituts d'agronomie recherchent comme le Graâl, on partageait le pain et le sel en une chaleureuse et toujours artistique convivialité. B7L9 ? Courez- y, vous n'avez vu cela nulle part ailleurs