Par Kamel GHATTAS La décision prise à l'encontre du «public des virages» a coïncidé avec deux événements qui auraient dû influencer cette prise de position qui nous a semblé quelque peu hâtive. En effet, les deux seuls publics qui auront vraiment à souffrir de cette décision sont ceux des deux grands clubs de Tunis. Les autres stades ne possèdent pas de «virages», dans l'attente de celui de Sousse. Néanmoins, le lendemain de cette décision, le ministre du Tourisme a déclaré qu'il «voulait vider les cafés et a appelé les jeunes à rejoindre un certain nombre d'hôtels qui manquent de personnel». Voilà du concret. Il n'en demeure pas moins que cette clientèle ira en augmentant par la force des choses. Où ces milliers de jeunes iront-ils pour voir leurs équipes ? A la maison, c'est la loi des feuilletons et voir un match, c'est aussi deviser avec ses amis et ses camarades. Faute de stades, on ira sur les terrasses de cafés. De fil en aiguille, il y aura peut-être un mauvais coup à jouer pour s'associer à ceux qui ne sont là que par désœuvrement. Deuxième coïncidence, le chef du gouvernement qui reçoit le comité directeur du Club Africain. Monsieur Chahed avait largement les moyens de se payer une loge, mais aimait se mélanger au public des virages. Parce que tout simplement l'ambiance est exceptionnelle. C'était aux temps où les artistes laissaient libre cours à leurs inspirations avec des «dakhla» mémorables dans les deux camps. Chants, couleurs, tableaux et foules d'autres initiatives transformaient ces bouts de stades en des fresques incomparables. Qu'est-ce qui a changé ? Tout simplement l'ambiance qui a été littéralement viciée par des agitateurs professionnels qui venaient dans le seul et unique but de transformer les virages en champs de bataille. C'est l'image que véhiculent nos TV chaque semaine. Tous ceux qui n'aiment pas ce pays, ses jeunes, sa joie de vivre s'en donnent à cœur joie en poussant des individus complètement sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants à bon marché pour s'attaquer à leurs camarades d'abord puis à la …police ! L'exemple nous est venu d'Angleterre et de France et d'Allemagne. Les Anglais ont tout fait pour mettre à l'écart leurs «hooligans». Les Français et les Allemands n'ont pas mis de gants pour que les «ultras» soient déclarés persona non grata. Tous ces agitateurs ont été fichés et interdits de stade. A l'heure des matchs, ils sont tenus de se présenter aux commissariats les proches de leurs domiciles, sous peine de se faire coffrer pour un bout de temps. Nous sommes sûrs que notre police est parfaitement capable de faire aussi bien. Pourquoi a-t-on agi en optant pour une solution de facilité qui privera des milliers de jeunes et de moins jeunes de stade, de sport, d'un loisir qui est, pour bien des régions, le seul ? Le fait que le département des sports n'ait pas défendu ce point de vue est regrettable. En privant ces jeunes, parce qu'une poignée de voyous veut faire la loi, nous plions et faisons le jeu de ceux qui ne souhaitent que dresser les jeunes contre «l'autorité». Messieurs et mesdames, vos enfants vous ont-ils demandé ne serait-ce qu'une fois pourquoi les enfants anglais, français, italiens vont au stade avec leurs parents ? Et qu'avez-vous répondu ?