Dr Jed Henchiri appelle à rompre avec la politique des mains tremblantes. Tout fautif doit assumer ses torts pour servir d'exemple et pour arrêter la vague de corruption et de chaos qui règne dans le secteur. Lors du Forum national sur la santé qui s'est tenu la semaine dernière et qui a vu la participation de plus de 400 intervenants dans le secteur, le chef du gouvernement Youssef Chahed avait regretté que 4.000 départs volontaires sans remplacements ont eu lieu dans le secteur de la santé en 2017 et en 2018 alors que 2019 verra le départ de 1.500 médecins, promettant au moins 2.000 recrutements pour compenser ce déséquilibre annoncé. Pour recueillir le sentiment des praticiens sur ce sujet, La Presse a interrogé Dr Jed Henchiri, président de l'Organisation des jeunes médecins. Selon lui, les 2.000 recrutements programmés par le gouvernement ne concernent pas seulement les médecins : ‘'Cela concerne seulement 170 jeunes médecins et 500 seniors. Le reste est composé de paramédicaux et de techniciens. Ces recrutements vont se faire sur la base de contrats !'' Nous avons également interrogé Dr Henchiri sur l'initiative du gouvernement qui prévoit de lancer le mode PPP (partenariat public-privé) pour compenser les départs. Il nous apprend que ce n'est rien de moins qu'une pratique qui ouvre la porte aux détournements de patients, même s'il reconnaît que l'idée en elle-même n'est pas mauvaise. ‘'Nous avons connu une expérience similaire avec les activités publiques complémentaires (APC). Cela s'est traduit par des détournements en plus des déséquilibres dans les spécialités de pointe'', affirme-t-il sur un ton désabusé. ‘'Ce que nous voulons c'est le lancement effectif du Fonds d'appui à la santé publique maintenant ainsi qu'un recrutement ciblé qui nous fasse oublier le chaos des recrutements de 2011. Le ministère doit se lancer également dans la numérisation des CHU et des hôpitaux régionaux ainsi que des hôpitaux de circonscription et mettre un terme à la politique des mains tremblantes au ministère de la Santé qui doit lutter contre la vague de corruption et de chaos qui règne dans le secteur. Tout fautif doit assumer ses torts pour servir d'exemple'', s'insurge-t-il. Les 5 urgences Rappelons que les constats des médecins durant le débat du 22 mars ont exposé la gravité de la situation quand ils ont évoqué le départ massif des spécialistes, les disparités du corps paramédical et son déséquilibre à l'échelle régionale, la suspension des recrutements, la mauvaise répartition des agents, l'absence des normes par lit d'hospitalisation, le faible taux d'encadrement, l'absentéisme et la prolifération des congés de maladie, la répartition inéquitable de la charge de travail, l'absence de sécurité… C'est au cours du forum national sur la santé que des solutions urgentes ont été proposées par l'Organisation des jeunes médecins avec à sa tête le Dr Jed Henchiri. Le tout en 5 niveaux : accès aux soins, gestion des ressources humaines, aspects juridiques, numérisation des hôpitaux et budget du ministère de la Santé. Au niveau de l'accès aux soins, il s'agit de renforcer les effectifs, les équipements et les médicaments ; de réaménager les horaires de travail ; de rendre aux CHU leur vocation de formation, de garantir la sécurité et de recruter des équipes pluridisciplinaires. Au niveau des ressources humaines, Dr Henchiri appelle à adapter les recrutements, revaloriser les salaires et recruter des spécialistes. Côté juridique, il propose d'adopter la loi sur la responsabilité médicale, d'appliquer le statut des internes et des résidents, d'introduire un nouveau statut pour les paramédicaux et d'élaborer une loi qui sanctionne les violences. En matière de numérisation des hôpitaux, le jeune médecin appelle à contrôler l'inventaire des médicaments, installer un système d'identification unique, informatiser les rendez-vous et les archives médicales et inclure une stratégie de maintenance. Enfin, au niveau du budget du ministère de la Santé, il appelle à l'augmenter et à le répartir équitablement. Il s'agit aussi d'adopter le financement à l'acte, d'optimiser les ressources humaines et les dépenses et de trouver une solution à l'endémie du marché parallèle de médicaments.