Durant le temps où elle avait vécu en Tunisie — et en fait c'est un euphémisme de le dire au passé, car elle n'a jamais vraiment quitté notre pays — on savait que Florence Aubin peignait. Mais bien peu de personnes pouvaient se targuer d'avoir visité son atelier de Aïn Zaghouan, et d'avoir vu son travail. Sauf, peut-être son voisin, le forgeron qui venait souvent l'encourager, et suivre l'évolution de ses toiles. Bien sûr, on avait entendu parler d'expositions qu'elle avait présentées à Paris durant son séjour tunisien, ou plus tard, durant son passage en Italie. On en avait gardé un souvenir coloré de scènes habitées de nombreux personnages, ludiques et poétiques. Aussi, l'exposition qu'elle présente cette semaine à la galerie Ammar-Farhat pouvait-elle surprendre.Et donner envie de lui poser la question : que s'est-il donc passé depuis‑? «Il se passe que je ne fais plus que ça. Et que j'ai décidé de me consacrer entièrement à la peinture. Et que c'est désormais prioritaire dans ma vie. Il me faut un endroit à moi — et je viens de m'installer un nouvel atelier — du temps pour moi — et quand je ne peins pas, je m'ennuie —. Il y a aussi que j'ai beaucoup à apprendre, à expérimenter différentes techniques. C'est ainsi que je peux commencer à l'acrylique, et terminer à l'huile, et découvrir que les deux sont tout aussi nobles, subtils, difficiles et intéressants.» Florence Aubin expose donc des architectures utopiques de villes imaginaires où traînent des traces de poésies et de rêves éveillés. Les personnages, trop Réels peut-être, sont sortis du décor, laissant place à des réinterprétations d'une nature «recadrée», restructurée. «Je travaille à partir de paysages ou de compositions de natures mortes que je développe, en fait, sans très bien savoir où je vais, ni où cela arrivera». Mais, il est tout de même une partie de l'exposition parfaitement structurée, totalement aboutie, qui relève d'une démarche particulière que nous explique Florence Aubin: «En fait, oui, il est arrivé quelque chose d'important dans mon parcours: j'ai travaillé pour une commande d'une entreprise de BTP. On m'a commandé une sculpture pour un escalier de 13 mètres de hauteur. Et pour cela, je me suis inspirée des architectures réalisées par cette entreprise, les tours de la Défense. Au même moment, on m'a offert un livre sublime sur New York. Et je me suis retrouvée plongée dans cet univers d'architectures linéaires, ces buildings à l'esthétique totalement abstraite. Cela m'a passionnée.» Cela à également passionné le public, puisque ses architectures qu'elle décline en sculptures mobiles, lamelles de bois animées qui se composent et se recomposent, ont remporté un succès certain, et que Florence Aubin a des commandes en France, en Allemagne, mais aussi en Tunisie. En Tunisie, où elle se promet de revenir très souvent, l'ayant adoptée comme pays de cœur.