Les habitués du salon des arts Effesto, en l'occurrence ceux qui connaissent la maîtresse des lieux Michela Sarti et son esquisse créature cyclope Polifema qui, et c'est peu dire, n'a pas froid aux yeux, vont enfin tout connaître sur ce personnage qui nous révèle cette fois son histoire. Et c'est bien entendu une histoire picturale, celle du Voyage de Polifema que la galeriste, accompagnée par plus de 20 artistes de cette vie et d'une autre, va nous conter. «L'idée m'est venue de proposer à des artistes d'apporter un travail qui pourrait accompagner mon personnage dans son périple. Certaines oeuvres ont été donc conçues spécialement pour cette exposition et d'autres ont été déjà exposées dans le salon et que leurs auteurs ont cru bon dédier à Polifema», nous confie Michaela Sarti. Polifema, personnage principal de cette histoire, et pour ceux qui n'ont pas encore croisé la malice de son œil (un regard sorti tout droit des mangas) et la voluptuosité de ses formes rondes, est une petite créature dodue, mi femme-mi cyclope, née pour satisfaire un monde hédoniste et attirer tous les regards et toutes les envies. Un cadeau empoisonné qui la mena directement aux faubourgs de la Médina où elle se trouve obligée de mener une vie de péripatéticienne, de vendeuse de plaisir, dira-t-on. Exténuée, lasse de «sex-poser» (aurait écrit Moez safta) à longueur de temps, elle plia bagages et prit la route pour un long périple de reconversion qui la mena jusqu'au bout du monde... Picturalement, Polifema est née de l'amour de sa créatrice pour la peinture du Colombien Fernando Botero, à qui elle emprunta les formes généreuses de ses personnages. Dans ses pérégrinations à l'allure d'une expo personnelle et collective à la fois, ce personnage se retrouve en Inde (Pupa et Plofema à Hollywood), Au pays des merveilles et celui des Mille et une nuits de Alia Kateb, dans les Terres inconnus de Chawkilahmer, dans L'au-delà d'Anne Turki pour aller ressuciter Ammar farhat qui lui consacre la une de son journal (Le journal) et Manet qui la convie à son Déjeûner sur l'herbe. Les œuvres se multiplient et avec elles les techniques (collage, techniques mixtes, peintures, photographies) les destinations et les péripéties. Elle s'incruste, ainsi, dans le Chercher l'intruse de Zoubeida Daghfous, se niche une place dans une excellente reproduction de Sarti d'une œuvre de l'Américain Hopper. Elle finit par se retrouver à Paris, rencontre Godard, se reconvertit en meneuse de revue au Moulin rouge et devient la star des cabarets, comme le note Florence Pescher dans son incroyable livre-installation La vie extraordinaire de Polifema, Ainsi s'achève le périple de Polifema... déesse contemporaine de l'amour que le dieu du feu grec Effesto, protecteur des forgerons et des artisans, accompagne par sa bienveillance, lui insufflant sa passion, celle des artistes, également, qui passent par ce salon, sans oublier l'authentique Michela Sarti qui ne cesse de cultiver tout cela. L'expo se poursuit jusqu'au 1er mars 2012.