WASHINGTON (AP) — Refusant toute coopération avec WikiLeaks, l'administration Obama a demandé ce week-end au site d'information de renoncer purement et simplement à publier des câbles diplomatiques américains. Washington affirme que la diffusion de ces documents secrets, attendue hier, pourrait mettre d'"innombrables" vies en danger, compromettre des opérations antiterroristes et affecter les relations des Etats-Unis avec leurs alliés. Fait rare attestant de l'inquiétude du gouvernement américain, le département d'Etat a rendu publique samedi soir une lettre de son conseiller juridique au fondateur du site WikiLeaks, Julian Assange, et son avocate. Dans ce courrier, l'administration américaine prévient que la publication des câbles serait illégale et demande qu'ils y renoncent. La lettre du conseiller juridique du département d'Etat, Harold Koh, ajoute que le gouvernement américain ne coopérera pas avec WikiLeaks, qui avait demandé à Washington de l'aider à éplucher les documents pour en retirer toute information susceptible de compromettre des sources, des méthodes du renseignement ou des activités diplomatiques américaines. Harold Koh explique que la publication de quelque 250.000 câbles diplomatiques secrets obtenus par WikiLeaks, attendue hier, va "mettre en danger les vies d'innombrables innocents", "des opérations militaires en cours" ainsi que "la coopération en cours entre des pays". Ces documents "ont été fournis en violation de la législation américaine et sans considération pour les graves conséquences de cette action", souligne le juriste, qui appelle WikiLeaks à ne pas publier les documents, à les restituer au gouvernement américain et détruire toute copie en sa possession. Cette lettre a été rendue publique alors que les diplomates américains dans le monde entier s'efforcent de limiter les dégâts potentiels de cette fuite en prévenant les gouvernements étrangers. Les câbles diplomatiques en question, des documents internes du département d'Etat, pourraient en effet contenir des commentaires et analyses abrupts sur certains dirigeants internationaux, leurs politiques et l'attitude de Washington à leur égard. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a notamment contacté la France, l'Allemagne, l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, la Grande-Bretagne, l'Afghanistan et la Chine. Le département d'Etat a précisé que le courrier de Harold Koh répondait à une lettre reçue vendredi par l'ambassadeur américain en Grande-Bretagne, Louis Susman, émanant de Julian Assange et son avocate Jennifer Robinson. Dans cette lettre, ils demandaient au gouvernement américain des informations sur les personnes qui pourraient courir un risque sérieux à la suite de la publication des documents. "Malgré votre désir proclamé de protéger ces vies, vous avez fait le contraire et mis en danger les vies d'innombrables individus", a répondu Harold Koh dans sa lettre, prévenant que le gouvernement américain ne collaborerait avec WikiLeaks en aucune façon pour déterminer ce qui pourrait ou ne pourrait pas être rendu public. Nous n'engagerons pas de négociation concernant la publication ou la dissémination supplémentaires de documents classés secrets du gouvernement américain obtenus illégalement, a insisté Harold Koh, qui est considéré comme l'un des principaux spécialistes du droit international dans le monde et aurait été envisagé pour siéger à la cour suprême. On s'attend à ce que WikiLeaks mette en ligne les documents d'un moment à l'autre. Le gouvernement américain a été prévenu, d'après Harold Koh, que trois journaux, le New York Times aux Etats-Unis, le Guardian en Grande-Bretagne et Der Spiegel en Allemagne, avaient eu un accès préalable à ces documents. Selon WikiLeaks, cette publication sera sept fois supérieure en volume à celle des 400.000 documents militaires américains sur la guerre en Irak diffusés en octobre dernier. Il s'agissait déjà de la plus grande fuite de l'histoire du renseignement américain. WikiLeaks a aussi publié des milliers de documents sur l'Afghanistan. Washington a dit être au courant depuis un certain temps que WikiLeaks avait mis la main sur des câbles diplomatiques. Cette fuite n'a donné lieu pour l'heure à aucune inculpation. Le militaire américain Bradley Manning, un analyste du renseignement arrêté en Irak en juin, a en revanche été inculpé pour une précédente fuite.