La Médina de Kairouan est très bien conservée grâce à une réfection permanente de ses vieilles demeures, de ses souks, de ses zaouias et ses mosquées avec leurs éléments architectoniques spécifiques et leurs belles façades répondant aux caractéristiques architecturales d'une ville classée patrimoine mondial. Il va sans dire que l'utilisation de matériaux de construction traditionnels est toujours en vogue pour la restauration, d'où l'importance des gallalas (fours à briques traditionnels) qui existent à Kairouan depuis très longtemps et qui ont aidé à sauvegarder le cachet de Kairouan. Or, les gallalas ont été transférés de différents endroits à d'autres à cause de la pollution qu'ils provoquent et de l'extension urbaine. Situés actuellement près de l'ancienne route de Sousse, ils fournissent la brique cuite, dont la préparation se fait au soleil et avec le fumier, les variantes de carrelage préparées sans fumier et à l'ombre, la pierre à chaux destinée à fournir de la chaux vive. Or, l'emplacement actuel de ces ateliers ne répond pas aux critères techniques souhaitables, vu la mauvaise qualité de l'argile due à une terre très saline, ce qui se répercute négativement sur le rendement de ce secteur artisanal. En outre, les artisans se plaignent du prix élevé de la pierre et des combustibles (déchets de distillation de romarin, grignon d'olives, etc.) et du manque de main-d'œuvre, contrairement au prix de la chaux et des briques qui n'a pas tellement évolué. D'ailleurs, le nombre des artisans qui possèdent des ateliers au sein de ces gallalas est passé de 25 dans les années 70 à 8 aujourd'hui. M. Abdelmajid Jelliti, l'un de ces artisans témoigne : «Nous produisons en moyenne 18 fournées de chaux et de brique par an. Nous écoulons notre production non seulement à Kairouan pour les besoins de la commune, de l'ASM et des boulangeries, mais aussi à Sfax, à Sousse, à Soliman et à Béni Khalled, pour la chaux vive. Je souhaiterais dans ce contexte la création d'un Amine pour évaluer le coût réel de la production et de la vente de la chaux et des briques, ainsi que l'octroi de primes de soutien aux artisans, et ce, afin d'éviter les spéculations. Et puis, il serait souhaitable que les autorités régionales nous permettent d'acheter le terrain sur lequel nous avons installé nos ateliers. Ainsi, en cas de décision de supprimer les gallalas, on pourrait créer d'autres petits projets qui nous aideraient à vivre.» Dr Mourad Rammah, conservateur de la Médina de Kairouan, estime pour sa part qu'il est souhaitable de trouver un autre emplacement adéquat aux gallalas et d'encourager les jeunes à s'y installer, afin de promouvoir ce secteur de l'artisanat en perdition : «Le maintien des gallalas est primordial pour la restauration du tissu traditionnel urbain. Il permet à la Médina de garder son authenticité tout en évitant l'architecture bâtarde au niveau des matériaux modernes qui ne répondent pas toujours aux normes de l'architecture traditionnelle», précise Dr Rammah.