Il était un temps où la ville de Sfax était une étape sur le parcours touristique, reliant le Nord-Est au Sud. Mais depuis quelques années, avec la construction d'une ceinture pour éviter l'embouteillage du centre ville, les passages des touristes ont quasi-totalement cessé. Et pourtant, Sfax, héritière de l'antique Thaparura, libyco-phénicienne, riche de son port, eut une histoire et une archéologie de grande importance, tel qu'en témoigne sa médina et son musée archéologique, ainsi que son artisanat et ses produits divers. Sa médina regorge de monuments médiévaux. Enveloppée dans des remparts aghlabides, datant du milieu du IX siècle, l'unique enceinte du pays entièrement érigée en moellon et pierres, rythmée de tours polygonales, percée de porte sur ses quatre côtés. La plus majestueuse étant Bab Diwan, jadis ouvrant sur le grand bleu, la ville ayant eu, le long de son histoire connu d'importants échanges commerciaux avec l'Orient. La médina enserrée dans un quadrilatère est dotée d'un tracé urbain des plus réguliers, exception pour une cité arabo-musulmane, ce qui trahit une survivance ancienne et dénote une continuité d'occupation des siècles durant. L'emplacement du forum antique, serait probablement celui de l'actuelle Grande mosquée, point névralgique de la vie quotidienne ainsi que religieuse. Son minaret reproduit le prototype kairouanais de la mosquée de Oqba, cependant agrémenté, le premier, d'inscription en relief gravée dans des blocs de gré dunaire. La salle de prière, de forme irrégulière, est en réalité composée de deux salles accostées, la première de fondation aghlabide, alors que la seconde remonte au XI siècle. L'attrait principal, réside dans la série de portes donnant sur la petite cour : un excellent modèle de l'art de la calligraphie maghrébine. Jouxtant l'oratoire-cathédrale, le souk Rbaâ, joyau d'organisation commerciale, à plan cruciforme, aux accès reliant les points cardinaux. Commerce d'étoffes, draperies et tapis, multicolores, une pléiade de tableaux aux motifs nouées par les doigts des femmes rurales de la région et autres, se mêlent aux tissus, issus des métiers d'habiles artisans sfaxiens. Le visiteur découvre une collection de produits artisanaux conservés et exposés à Dar Jallouli, réhabilité en espace muséographique des arts et des traditions populaires régionales. Le cadre datant du XVIIème siècle, de par son riche style architectural particulier, en comparaison avec l'architecture domestique sfaxienne traditionnelle généralement plus sobre, tire son nom de celui de ses anciens propriétaires. A côté des meubles traditionnels, l'exposition donne une idée sur d'autres aspects de la vie domestique et économique du sfaxien, à travers une riche variété d'objets, des costumes féminins et masculins, aux coiffes, au bois ouvragé, à des tableaux de peintures sous verre, et autres : la maison sert d'habitation, mais aussi d'atelier et de dépôt de marchandises. Les souks installés sur les artères principales, un musée vivant de l'artisanat, sont en mouvement incessant. Dans celui des forgerons et chaudronniers, installé dans un fondouk au même nom, réhabilité en espace culturel, situé à proximité du Bab El-Gibli, on se croirait dans une ère lointaine, dans un Orient au passé simple, digne de films historiques. Comme dans toutes les villes médiévales, à Sfax une Kasbah occupait un point stratégique élevé, au niveau de l'angle Sud-Ouest des remparts, orientée vers la mer et la voie du grand sud, et dominant la ville. Elle fut construite à l'emplacement d'un ribat du IXème siècle, dont une partie de sa mosquée est encore visible, et intégrée dans le circuit de visite du musée de l'architecture sfaxienne. Un échantillonnage d'éléments architectoniques, équipements et outillages, savamment présentés au grand public, d'une façon didactique, renseignent sur les maîtres maçons locaux. A l'opposé de la kasbah, trouve-t-on, le Borj el-Nar, littéralement, la forteresse du feu, un grain du chapelet des constructions défensives ifriqyennes médiévales. Flânerie oblige, pour passer devant un monument anachronique, dans son style et décor, nettement différent de la moquée qui le flanque. Il s'agit du minaret de Sidi Ammar Kammoun, un exemple d'éclectisme architectural, entre traditions aghlabides, zirides, hafsides et même andalouse maghrébine. Les monuments de culte sont épars à travers les ruelles de la ville, et on est frappé par le nombre très important des oratoires, parfois de simples demeures, voire des salles très modestes, sans signe distinctif apparent aucun. Le plus prestigieux, étant la mosquée et mausolée de Sidi Bel-Hassen, descendant du Saint patron de la ville, Sidi Ali El-Karray, situé à proximité de Zqaq edh-hab ou simplement la rue de l'or. Le sanctuaire s'insère dans un important centre économique, d'activité artisanale et commerciale des bijoutiers, très fréquenté par les sfaxiens, et tout près de la rue des notaires. Bien qu'assez modeste dans l'ensemble, la zaouia doit sa célébrité au passé glorieux de son fondateur et à sa fonction en tant que siège d'une grande confrérie. Les façades du monument sont élégamment décorées, parmi les plus belles de la médina. Comme tout complexe funéraire, il comporte une Tourba, un oratoire précédé d'une cour et des dépendances. Les cadres de la porte principale et des deux fenêtres qui l'accostent, de kedhal jaune ocre, sont décorées d'éléments épigraphiques, s'alternant à des motifs entrelacés, de roses de vent, de rosaces, de disques, de dents d'engrenage, de denticules cubiques et de cordes. Non moins important, sur le plan spirituel est la mosquée de Sidi Ali Bouchouicha al-Karray, située face à Bab al-Jebli. Il semble donc qu'en plus de sa fonction cultuelle, l'oratoire eut une fonction militaire de guet et d'observation, selon des inscriptions, encastrées sur la façade du monument, datées de la fin du XVII siècle. Bien que moins recherché dans son décor, le minaret reproduit fidèlement la silhouette du minaret de la Grande mosquée. En réalité, seuls les monuments civils et religieux résistent au phénomène que la ville est entrain de vivre : les maisons sont abandonnées de jour en jour et davantage, pour être transformées en ateliers d'activités industrielles et dépôts de marchandises de tout genre. A travers les quelques principaux monuments patrimoniaux, pour une remise en valeur, loin d'une muséification de la médina, un parcours touristique est souhaitable, au sein des dédales de la médina de Sfax, pour revigorer le tourisme tunisien, le culturel en particulier. Atouts et potentialités y sont.