" Nous espérons généraliser ce mouvement de solidarité à tous les gouvernorats du pays. A long terme, nous souhaitons que toutes les pharmacies aient un point permanent de collecte de médicaments et de matériel paramédical", confie M.Samir Kechana, directeur de l'UTSS régionale de Sousse. L'hiver commençait à s'installer avec une brise marine assez fraîche. Le temps était maussade et le ciel gris. Pourtant, le jardin " Sidi Yahia ", à deux pas de la Médina de la ville de Sousse, grouillait d'une foule affairée et paraissait plus animé que d'habitude. D'habitude, l'esplanade se transforme en une place privilégiée pour les fournisseurs de lignes téléphoniques. Depuis samedi dernier, riverains, piétons et badauds remarquent une grande tente blanche, parée aux couleurs de l'UTSS (Union tunisienne de solidarité sociale) qui organise la 3e campagne de collecte de médicaments et de matériel paramédical du 11 au 22 du mois courant, en étroite collaboration avec les structures du ministère de la Santé publique et avec la participation de l'Agence nationale de la gestion des déchets et du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens. On ne pouvait pas passer par les environs sans être interpellés par le slogan fort significatif qu'arborait l'un des étendards dressés: "Grâce à vos dons en médicaments, vous contribuez à la guérison de vos semblables ". Le message porte ses fruits, puisque donateurs et donatrices de tous les âges, toutes catégories sociales confondues, affluaient allègrement vers la tente pour participer à cet élan de soutien, poussés par les valeurs de citoyenneté et d'altruisme, ils ont adhéré spontanément à ce mouvement de donation et de bénévolat. L'animation musicale choisie par les organisateurs ne faisait qu'attirer les passants. Création de points permanents A l'intérieur de la tente, les " Blouses blanches ", des pharmaciens et du personnel paramédical, réservaient l'accueil le plus chaleureux aux âmes généreuses. Aussitôt les médicaments déposés, on prenait soin de les trier et de les ranger dans les récipients. M.Samir Kechana, directeur de l'UTSS régionale de Sousse, confie : " A long terme, nous visons la création de points permanents de collecte de médicaments dans les pharmacies". Aux premières heures de l'ouverture de cette tente, l'affluence du public était timide.Mais au fil des jours, c'était une véritable ruée.On se pressait pour exprimer sa solidarité avec les malades démunis et les couches sociales défavorisées." Nous avions la certitude que cette 3e campagne allait réussir.Déjà, en 2009, à la cité El Khadra à Tunis et cette année, du 28 août au 6 septembre, à El Menzah (gouvernorat de l'Ariana), l'opération avait connu un succès éclatant.Notre stratégie d'information et de sensibilisation semble avoir bien fonctionné.Outre les spots régulièrement diffusés à la radio et à la télévision, les annonces publiées dans la presse écrite, nous avons entrepris une vaste opération de séduction dans quatre grandes cités populaires de la ville de Sousse en distribuant des centaines de flyers et en collant des affiches de taille 2 dans les points névralgiques de la ville. Avec toutes les parties prenantes à cette campagne, nous tenons à ancrer ce réflexe de donation dans le mode de vie du citoyen tunisien.Toutes les personnes qui viennent ici sont totalement convaincues de l'importance de cette campagne et de son rôle dans l'affermissement des relations inter-humaines. Dans un premier temps, nous espérons généraliser ce mouvement de solidarité à tous les gouvernorats du pays. A long terme, nous souhaitons que toutes les pharmacies aient un point permanent de collecte de médicaments et de matériel paramédical", nous a encore confié notre interlocuteur. Interrogé sur les objectifs tracés par cette 3e campagne, ce responsable nous a précisé que les buts à atteindre se situaient à trois niveaux. " Sur le plan économique, nous essayons de collecter les médicaments non entamés et les distribuer aux malades nécessiteux. Sur le plan écologique, nous épargnons à notre environnement la pollution en collectant les médicaments périmés et en procédant à leur totale destruction avec la collaboration de l'Agence nationale de la gestion des déchets. Sur le plan social, nous œuvrons à consolider les liens de fraternité et d'amitié entre les gens par l'échange de médicaments", a-t-il souligné. Premier pays d'Afrique et du monde arabe Prié de nous donner une idée sur le matériel para-médical ciblé par cette campagne, il nous a fait savoir que les donateurs peuvent offrir des chaises roulantes, des béquilles, des tensiomètres, des matelas anti- escarres (nécrose cutanée résultant de l'élimination du tissu mortifié chez les malades longtemps alités) Mohamed Amine Boukef, pharmacien bénévole qui contrôle l'opération de tri et de contrôle des dons de médicaments collectés, loue cette initiative." Les deux premières journées de la campagne ont été fort prometteuses. Les gens sont venus de toutes parts pour participer à cette noble cause. Cette disposition à se dévouer à autrui est également perceptible à une échelle plus large. Nous recevons également des dons de la part de diverses associations caritatives nationales et internationales. Les fabricants et les industriels locaux et étrangers constituent également des ressources d'approvisionnement en médicaments assez consistantes. En un mot, tous répondent spontanément à notre appel", a-t-il fièrement déclaré. Désireux de connaître les raisons du retard relatif à la mise en application de pareilles manifestations humanitaires en Tunisie, ce jeune pharmacien répond que notre pays peut s'enorgueillir d'être un pionnier en la matière en Afrique et dans le monde arabe."Des collectes pareilles, on n'en trouve pas souvent à travers le monde. Nous sommes pratiquement le premier pays de la région à réaliser cette campagne. Nous nous sommes inspirés de l'expérience essayée dans la ville de Marseille et nous comptons aller encore plus loin avec de nouvelles idées et de meilleures initiatives", a-t-il avoué. "Un message clair" Il fallait être présent au jardin de "Sidi Yahia" pour mesurer le degré d'adhésion populaire à cette campagne.La musique qui émanait de la tente de l'UTSS ne laissait personne indifférent. On accourait sur les lieux curieux de découvrir le pourquoi de cette animation festive.Les enfants étaient les plus heureux. Un comédien déguisé en Charly Chaplin venait à leur encontre et leur proposait divers cadeaux en contre-partie de donation faite aux organisateurs. Mieux, ils sont conviés à des concours de jeux divers, de coloriage et de danse. Les parents ont en profité pour joindre l'utile à l'agréable. Faiza, une dame d'une trentaine d'années, abordée sur les lieux, n' a pas tari d'éloges sur cette initiative."Nos enfants viennent s'amuser et se recréer et nous rappellent en même temps la nécessité de mettre la main dans la pâte. Il vaudrait mieux offrir des médicaments entamés ou périmés que de les jeter parmi les ordures ménagères ", s'est-elle exclamée. Plus loin, un quinquagénaire va dans le même sens: "C'est un petit geste mais qui a une grande signification. Cela demande une petite prise de conscience pour mesurer sa grande portée économique et écologique ", a-t-il déclaré. Une pluie fine commence à tomber sur l'esplanade de "Sidi Yahia" sans pourtant décourager la foule qui continuait d'affluer vers la tente de l'UTSS. On ne pouvait pas ne pas succomber à l'appel de la solidarité et de la vraie citoyenneté.