Kamel Abed au texte (avec la collaboration de Hafedh Jdidi) et à la mise en scène, Jaleleddine Saâdi sur la planche, un produit intitulé Carton rouge, un one man show présenté en avant-première mardi dernier au Théâtre municipal. Le titre de la pièce renvoie directement à l'univers footballistique. L'objectif annoncé de l'œuvre est de «bannir la violence physique et verbale dans les stades et ailleurs». On se place donc dans une dimension socio-éducative de sensibilisation. Carton rouge étale les mésaventures d'un arbitre incompris par les siens, mal jugé et maltraité par les joueurs et les supporters. Nul ne peut douter de l'envergure du phénomène de société qu'est le football. Le referee se retrouve dans la plupart des cas le pion et la proie facile sur laquelle tous se déchaînent et se défoulent. Il y a toujours quelque chose à lui reprocher. De là commence le calvaire de Jalloul, le personnage interprété par Jaleleddine Saâdi. Habillé en arbitre, un ballon à la main et un sifflet entre les doigts, il déballe ce qu'il a sur le cœur. Il se débarrasse de la malédiction de la profession. Le ton va du lyrique à l'ironique, du pathétique au dramatique. L'arbitre n'est jamais au bout de ses peines. Que ce soit dans le stade, dans son quartier ou même dans ses moments d'intimité, il est poursuivi et pourchassé, à en arriver au bout du tunnel, duquel il revient malgré tout. Piège Comme il est au centre du jeu de deux équipes, il est pris au piège entre les attentes des uns et les exigences des autres. Personne ne semble se soucier de lui, de ce qu'il peut ressentir. Dans Carton rouge, Jaleleddine Saâdi s'adresse à monsieur-tout-le-monde, le même qui lui rend la vie insupportable et derrière qui se cache la violence physique et verbale. La pièce a le courage de pointer du doigt ce phénomène et l'intelligence de faire parler l'arbitre, souvent absent de la scène, mais ne comptez pas dessus pour trouver des interrogations ou des réponses pourtant insistantes sur les origines du problème. Carton rouge se contente d'être une comédie légère, qui vous arrache un rire de temps à autre et qui vous laisse quand même une sensation de sympathie à l'égard d'un comédien qui sait se faire proche du cœur. Elle ne vous évite point de vous demander si monsieur-tout-le-monde ne voudrait pas, pour une fois, voire autre chose que la bonne vieille recette des blagues à double sens et du panorama de dialectes régionaux. A relever un incident regrettable qui s'est déroulé en début de soirée: tickets numérotés à la main, un grand nombre de spectateurs ont insisté pour s'asseoir dans les places qui leur sont réservées, alors que les organisateurs avaient donné des consignes de «laisser les gens s'asseoir là où ils voulaient». Cela a créé un méli-mélo qui a retardé la pièce d'une bonne demi-heure. Mais c'est bien la preuve que monsieur-tout-le-monde ne se contente plus de ce qu'on lui donne.