OLD LOGUATUO, Liberia (Reuters) — Gluee Teah a marché une journée entière dans la jungle et traversé une rivière pour fuir la Côte d'Ivoire et gagner le Liberia voisin. Enceinte de plus de huit mois, elle traîne avec elle ses deux fillettes, dont la plus jeune a trois ans. «Dans mon état, je ne peux pas faire grand-chose... Qui m'aidera à m'occuper de mes enfants ?», s'inquiète-t-elle à son arrivée dans la ville-frontière d'Old Loguatuo. Teah fait partie des 16.000 Ivoiriens qui ont cherché refuge au Liberia depuis le second tour de l'élection présidentielle le 28 novembre. Ils craignent que les tensions entre le président sortant Laurent Gbagbo, qui refuse de partir, et l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara, proclamé vainqueur par la commission électorale et soutenu par une grande partie de la communauté internationale, plongent le pays dans une nouvelle guerre civile. Les Nations unies, qui s'attendent à un doublement du nombre des réfugiés, préparent des abris pour les accueillir et intensifient les livraisons d'aide d'urgence. L'une des priorités est l'accès à l'eau potable afin de prévenir les épidémies. Les réfugiés arrivent par centaines chaque jour. Beaucoup d'entre eux dorment à la belle étoile et n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent. «Nous lançons un appel à la communauté internationale pour qu'elle nous fournisse des vivres et des abris», déclare Mcgbein Sammie Atu, porte-parole des réfugiés d'Old Loguatuo. «Nous n'avons rien à manger. Comment voulez-vous qu'on survive ?» «Gbagbo veut détruire le pays» La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Fiscr) a lancé un appel aux dons pour faire face à l'arrivée éventuelle de réfugiés dans d'autres pays voisins de la Côte d'Ivoire. «Comme la crise politique se poursuit, un afflux de personnes déplacées est également possible vers des pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Ghana», a-t-elle dit dans un communiqué. A Duoplay, une autre localité libérienne à la frontière, des dizaines d'Ivoiriens sont rassemblés autour d'un poste de radio, avides des dernières nouvelles du pays. «Mais qu'est-ce qui se passe donc chez nous ?», s'interroge l'un d'eux, Couloubaily Mamadou. «Que veut faire Gbagbo ? Cet homme veut anéantir notre pays !» «Nous demandons au Président américain Barack Obama et au Président russe (Dmitri Medvedev) de servir d'intermédiaire avec lui. Sinon, la Côte d'Ivoire deviendra une nouvelle Somalie», ajoute-t-il. Barne Goea, 85 ans, ne cache pas son amertume. «Des présidents, j'en ai vu passer beaucoup. Et je suis aujourd'hui au terme de ma vie. Je pense que Gbagbo est en train de détruire notre pays». Le nouvel ambassadeur de Côte d'Ivoire aux Nations unies, nommé par Alassane Ouattara, a déclaré hier que les tensions politiques avaient entraîné son pays «au bord du génocide». Les désaccords politiques ont dégénéré en violents affrontements à la mi-décembre à Abidjan, quand des partisans d'Alassane Ouattara ont tenté de prendre le contrôle de l'immeuble de la radio-télévision. Les heurts avec les forces de sécurité loyales à Laurent Gbagbo avaient fait une vingtaine de morts. Depuis lors, 150 autres personnes ont trouvé la mort, selon un bilan établi par l'ONU.