• Non à l'exclusion, non à la vengeance, oui à la justice • Appel aux personnes en possession d'armes à feu à les déposer • 78 morts, 94 blessés et plusieurs décès parmi les forces de sécurité • Trois mille millions de dinars de pertes pour l'économie nationale • Trente-trois sièges de délégation,13 municipalités, 46 postes de la garde nationale, 86 postes de police, 13 agences bancaires, 66 espaces commerciaux, 11 entreprises industrielles et plusieurs autres établissements ont connu saccages et actes de vandalisme «Non au chaos, oui à la liberté et à la démocratie», c'est par ces propos que le ministre de l'Intérieur, M. Ahmed Friaâ, s'est adressé aux médias hier. «Nous disons oui à la diversité des opinions mais nous réfutons toute forme d'anarchie. Il faut veiller à la préservation de notre chère patrie et de son avenir. Non à l'exclusion, non à la vengeance, oui à la justice», a-t-il déclaré lors de sa première apparition devant les médias après la formation du nouveau gouvernement d'union nationale. M. Ahmed Friaâ, qui a observé un moment de recueillement à la mémoire des martyrs de la Tunisie tombés pour la cause de la liberté, a saisi cette occasion pour présenter ses condoléances aux familles des victimes. En effet, les pertes humaines révélées par le ministre font état d'un bilan provisoire assez lourd comptant 78 morts, 94 blessés et plusieurs décès parmi les forces de sécurité. Un bilan lourd Abordant l'impact négatif des évènements sur l'économie nationale, le ministre a indiqué que l'on évalue à 2.000 millions de dinars les pertes dues à l'arrêt des activités économiques. Pour sa part, l'interruption de l'exportation a causé une perte estimée à mille million de dinars, soit trois mille millions de dinars rien que sur le plan macroéconomique. Concernant les dégâts causés aux établissements de souveraineté, le ministre a indiqué que 33 sièges de délégation ont été fortement endommagés. De plus, 13 municipalités ont été saccagées, causant ainsi des pertes inestimables surtout aux documents d'état civil. De même, 46 postes de la garde nationale, 86 postes de police, 13 agences bancaires, 66 espaces commerciaux, 11 entreprises industrielles et plusieurs autres établissements, ont connu de pareils actes de vandalisme. Toutefois, le ministre a souligné d'un ton quiet que malgré l'impact négatif de ces événements tragiques qu'a connus notre pays tout au long d'un mois, cette glorieuse épopée populaire a accouché d'une nouvelle Tunisie, celle de la liberté et de la démocratie. Ces événements, a-t-il ajouté, ne sont l'apanage de quiconque. Il a assuré qu'il s'agit d'un mouvement populaire spontané auquel ont adhéré massivement tous les Tunisiens. Le ministre a toutefois réservé une place de choix aux jeunes dans le déclenchement de ce mouvement de contestation. «Cette frange de la jeunesse qui, à l'heure de l'internet et des nouvelles technologies, aspire à plus de liberté, plus de démocratie, plus de justice sociale et plus de transparence, a joué un rôle important dans ce mouvement populaire», a indiqué le ministre, qui a qualifié toutes ces revendications de «légales», affirmant par la même occasion que «toutes les parties partagent ces valeurs et poussent dans le même sens». Cela dit, il n'y a aucun parti, aucune faction politique ou organisation qui soit en droit de réclamer d'être l'artisan principal de ce mouvement social, a insisté le ministre. Repartir de plus belle Cependant, pour redémarrer et repartir du bon pied, le pays a besoin de retrouver le calme et de montrer que le Tunisien est comme on l'a toujours connu à travers les siècles, tolérant et hospitalier. Il a à cette occasion rendu hommage à toutes les forces actives qui ont participé à sécuriser le pays contre toute forme d'agression. Il s'agit aussi bien des citoyens que des partis politiques, des associations et des organisations. A cet effet, le ministre a lancé un appel solennel à tous ceux en possession irrégulière d'armes à feu à déposer leurs armes sans plus tarder aux postes de police ou aux casernes les plus proches, promettant de reconsidérer leur délits comme une sorte «d'erreur» et promettant le pardon à tous ceux qui se rendront de leur propre chef. Tirant à boulets rouges sur le nouveau phénomène selon lequel l'agent de police est montré comme ennemi du citoyen, le ministre a affirmé que le succès des opérations menées est le fruit de la conjugaison des efforts entre les forces de sécurité intérieure et l'armée nationale. «Ils sont tous là pour la sécurité nationale», a-t-il affirmé. Mais au cas où un agent aurait commis des bavures dues à de mauvaises instructions, c'est «son supérieur qui devrait répondre pour son erreur», renchérit le ministre. Car, «sans sécurité il n'y a point de stabilité et sans stabilité il n'y a point de progrès», a-t-il asséné. Donc, le message est clair : non à la violence, non au saccage des biens publics et privés. Grâce à la conjugaison de tous les efforts et grâce à l'élan patriotique de tous les Tunisiens, la situation s'améliore. Cependant il faut rester sur ses gardes. De ce fait, la protection des quartiers qui est un geste hautement patriotique ne doit pas tourner à la dérive. A cet effet, il ne faut pas que «par excès, la défense des quartiers se transforme en alibi pour terroriser les citoyens», a conseillé le ministre. Il a recommandé de procéder calmement lors des opérations d'inspection, faisant allusion à l'incident des chasseurs suédois qui ont été malmenés après avoir découvert qu'ils étaient en possession de fusils de chasse «dont l'usage était autorisée». Dans le même sillage, le ministre a tenu à tordre le cou à quelques rumeurs circulant ces derniers jours mais qui ont enflé rapidement, provoquant ainsi panique et terreur chez les citoyens : les ambulances qui transportent des personnes armées ou celle de l'eau infectée. Il a noté que ce genre de rumeur empêche les ambulanciers de mener à bien leur tâche, par crainte d'être pris pour cible par les citoyens. Toutefois, le ministre, qui s'est voulu rassurant, a indiqué que les actes de vol et de vandalisme ont baissé de l'ordre de 90%, ces derniers jours. Hier, la capitale a enregistré, selon le ministre, une reprise d'activité dans les commerces de l'ordre de 80%. Certes, la situation s'améliore, cependant «il faut rester vigilant», conseille le ministre. Il a, par ailleurs, exhorté les travailleurs à reprendre le plus rapidement possible le chemin du travail, surtout ceux travaillant auprès des entreprises étrangères installées en Tunisie. En effet, si cette situation perdure encore, le pays risque de connaître une fuite des IDE, ce qui se traduira inéluctablement par une perte de postes d'emploi. Evoquant les adeptes du vide politique, qui prônent la déchéance de l'Etat, le ministre de l'Intérieur a insisté sur l'importance de l'Etat et de ses institutions dans cette période. «Nous sommes tous les enfants du pays et il ne faut pas avoir un complexe d'avoir servi le pays par le passé», a souligné le ministre, faisant allusion aux cadres et grands commis de l'Etat de couleur RCD. «Non à l'exclusion, non à la vengeance oui à la justice», a clamé toutefois le ministre, qui semble soucieux des dérives que peuvent occasionner de tels agissements. «Certes, le RCD comporte des opportunistes, cependant il recèle des compétences, des militants et des patriotes dont le pays a encore besoin de leurs services. Nous sommes tous là pour une période provisoire et nous devons accepter la cohabitation politique en attendant le verdict des urnes dans le prochain scrutin», a-t-il conclu.