Ami de longue date de la Tunisie, Alain Reymond est un humanologue suisse, qui a tenu à partager ce moment historique avec ses amis tunisiens. Il nous fait parvenir un message dans lequel il livre ses impressions. Nous le publions in extenso. Chers amis, Ce message pour vous réconforter et tranquilliser l'angoisse légitime devant ces évènements inattendus et peut être questionnant. Rien ne vient par hasard, surtout pas les phénomènes sociaux, comme la Révolution française de 1789, ou la sédition estudiantine de mai 68. Depuis quelques années le monde entre en maturation, surtout incité par la jeunesse de l'Occident, laquelle a rejeté les arguments d'autorité, exige une transparence totale, condition essentielle à une reconnaissance de dignité. La jeunesse éclairée demande de nouvelles raisons de croire en la vie et en l'amour, sinon elle se sent stérile et incapable de dessiner l'avenir des ses propres enfants. La Tunisie passe collectivement par cette crise de conscience, elle rêve à un monde plus juste et plus égalitaire, en tous les cas débarrassé des tentatives mafieuses pour ne pas dire plus ? Bien entendu, la transition sera douloureuse car le blé et l'ivraie sont mélangés comme du temps de la Bible, et les deux doivent être moissonnés si nous voulons manger une nouvelle forme de pain. Seul le blé fermentera, la nature lumineuse de la céréale sera à nouveau reconnue et toute notre activité mentale n'est qu'agitation stérile, si on la compare à la sagesse du pain qui lève. Primum viveredeinde philosophari. Plus que jamais l'édification d'une vie et d'une ville nouvelle, faite de justice et de respect est exigée et nous ne pouvons que nous en féliciter, dans l'optique de l'avenir de nos enfants; il nous suffit de trouver la force de traverser les affres de cette évolution, faite comme, dans la nature, d'extinctions et de renaissances. Patience aussi d'attendre les derniers remous d'une juste métamorphose. Gardons-nous de juger selon les normes du passé mais créons dans nos cœurs imaginatifs les contours d'un nouvel ordre économique. La Tunisie est aujourd'hui, avec tous ses hyper-diplômés, un laboratoire d'expérimentation de la société de demain. Personne ne peut présager l'orientation que va tenter d'imposer cette conscience politique meurtrie, mais je souhaite que ces jeunes intellectuels tunisiens innovent hardiment en la matière. Ici, dans le vieil Occident, nous en avons bien besoin, et rarement le courage. Ah, si nos contemporains connaissaient la force de l'esprit,...