L'odeur gourmande du bon pain que dégagent les boulangeries durant le mois saint confère à l'ambiance ramadanesque une touche bien spéciale. Plus qu'un simple produit de consommation quotidienne, le pain, comme c'est le cas pour tous les pays arabes, fait partie de notre tradition culinaire. Son odeur enivrante constitue le point marquant de tant de nostalgies et de souvenirs d'enfance. Durant le mois de jeûne, l'odeur du pain agit comme un déclencheur d'appétit, rappelant au jeûneur la multitude de mets que l'on peut savourer avec telle ou telle variété de pain. L'activité assez distinguée des boulangers durant le mois de jeûne étoffe l'offre par des variétés de pains spéciaux afin de répondre ainsi aux envies d'un client de plus en plus exigeant et de plus en plus méticuleux. Il est 10h00. Comme chaque matin, l'une des boulangeries les plus renommées du Bardo connaît une double activité. Outre la vente du pain et des diverses pâtisseries et amuse-gueules, les boulangers procèdent au nettoyage du matériel. Comme la majorité des boulangeries autorisées à vendre des pains spéciaux, cette boulangerie propose une panoplie consistante de pains de différentes formes et compositions. «Nous préparons pratiquement toutes les variétés de pain, comme le pain à base de blé, de son, de semoule, le pain à l'huile, le pain aux sept céréales, le pain à base de farine de maïs, le pain aux olives, la baguette normale, le pain d'orge, mais aussi le pain dit «turc», le fameux chapatti et le pain sans sel», indique Mme Amira Riahi, vendeuse. Toutefois, et malgré cette grande variété, seuls le pain de blé et le pain de son sont fort sollicités par le Tunisien. M. Mefteh Chamakh est boulanger depuis 1996. A chaque Ramadan, il module son travail selon un rythme autre que celui de la normale. Un rythme marqué par le changement de l'emploi du temps suivant les heures de forte demande et les exigences encore plus gourmandes des clients. En effet, selon l'avis de M. Chamakh, les boulangers ont l'habitude de préparer la pâte à partir d'une heure du matin. Lors du Ramadan, ce travail est entamé à partir de 10h00. «Contrairement au rythme anodin, notre activité change remarquablement durant le mois saint. Le temps réservé à la préparation du pain est plus compact et l'offre s'avère plus méticuleuse. C'est que le client s'attend à une qualité de pain optimale pour compenser la frustration de la journée. Ainsi, le pain turc et le pain à l'huile sont les plus sollicités par le Tunisien. La forme du pain influe, également, sur les achats», avoue notre boulanger. Si certains maîtres du pain s'adonnent à fabriquer des quantités exceptionnelles de pain durant Ramadan, ce n'est pas le cas de M. Chamakh qui trouve que la demande spécial Ramadan est nettement moins importante que celle de la normale. Mme Ferdaws, un couffin à la main, se dirige vers le boucher du coin. Pour elle, la consommation du pain durant le mois saint est au profit des pains spéciaux. Ce sont ces pains garnis aux épices et dont le goût se distingue nettement par rapport à la baguette ordinaire qui séduisent le plus les jeûneurs. Pourtant, le prix des pains spéciaux ne convient point à toutes les bourses. Selon Mme Riahi, le prix d'un pain spécial est de 350 millimes. Le pain à base de farine de maïs, lui, se vend à un dinar. «Malgré leur prix élevé, l'on ne peut résister à l'achat d'un pain complet ou d'un pain aux olives. D'autant plus que le dîner ramadanesque est tellement riche qu'il serait bien dommage de ne pas l'accompagner de pains succulents», indique notre interlocutrice. Vers les heures tardives d'une sieste étouffante, la majorité des Tunisiens se dirige vers les boulangeries du coin. Si certains se tiennent à la queue leu leu, d'autres continuent de se grouper en masses déchaînées et avides devant les comptoirs. La tension monte souvent d'un cran pour un retardataire servi plus tôt que les autres ou un client égocentrique qui désire acheter la totalité des pains encore disponibles.