Bruxelles (AP) — Depuis plus de 220 jours, la Belgique est dans l'impasse. Pour exiger des négociations dignes de ce nom entre Flamands et Wallons, et la formation d'un véritable gouvernement, certains se laissent pousser la barbe, d'autres crient leur frustration sur scène. Les étudiants, eux, appellent à manifester aujourd'hui à Bruxelles. “Nous voulons un gouvernement!”, écrivent les cinq organisateurs du cortège qui ralliera dans l'après-midi le boulevard Albert II à la place du Cinquantenaire. Ils réclament "un dialogue ouvert et honnête entre tous les présidents de partis, tant flamands que francophones. Et ce le plus vite possible!" Le fossé ne cesse de se creuser entre les six millions de Flamands (néerlandophones) dans le nord et les quatre millions et demi de Wallons (francophones) dans le sud. Depuis les législatives du 13 juin 2010, la Belgique est dans l'impasse. Pour protester contre ce blocage politique, l'acteur belge Benoît Poelvoorde a appelé à la mi-janvier ses compatriotes à se laisser pousser la barbe. "Nous avons décidé de ne plus nous raser tant que nous n'aurons pas de gouvernement en Belgique", a-t-il lancé lors d'un entretien sur RTL TVI. "Laissez pousser votre barbe et nous saurons que nous sommes tous solidaires d'une Belgique unie et qui s'en sort", ajoute le comédien sur cette vidéo qui a déjà fait le tour du web. Il y conclut, sur un ton solennel: "Gardons nos barbes jusqu'à ce que la Belgique se relève!" Cette initiative, relayée par un site internet baptisé "Une Belgique au poil", est suivie. Guido Everaert, qui travaille dans un laboratoire médical, confie que ses collègues l'ont regardé bizarrement lorsqu'il s'est fait pousser la barbe. Cet homme de 47 ans trouve cependant des avantages à cette protestation capillaire: "En fait, ma compagne trouve ça sexy". La mobilisation s'exprime aussi sur scène. Vendredi soir, 500 spectateurs ont assisté, à guichets fermés, à l'événement "Pas en notre nom" au Théâtre royal flamand (KVS) à Bruxelles. Dénonçant le "nationalisme borné", des artistes néerlandophones ont monté ce spectacle sous-titré "La solidarité grandit une culture". L'actrice Marijke Pinoy a récité un poème dadaïste dans une langue inventée: "Rinnzekete bee bee nnz krr muuuu!" Une façon d'illustrer l'incompréhension entre Flamands et Wallons mais aussi "de dire aux politiques qu'ils doivent cesser leur bla-bla", explique-t-elle. Les cinq étudiants qui appellent à manifester aujourd'hui après-midi dans la capitale comptent sur une forte participation. "Nous espérons que 20.000 personnes ou plus pourront donner un signal clair", déclare l'un d'eux, Felix De Clerck, par ailleurs fils du ministre de la Justice par intérim. Les plus paresseux peuvent protester d'un simple clic sur Internet. Le site Camping16 propose de planter une tente virtuelle devant le 16 rue de la Loi, qui abrite les bureaux du Premier ministre. "Si les politiques ne parviennent pas à former un gouvernement dans les cent jours, alors nous exigerons d'être remboursés", propose la page web, qui rassemblait hier plus de 138.000 campeurs virtuels. Un autre site humoristique fait le décompte du "record du monde du pays sans gouvernement". Avec déjà 223 jours au compteur, la Belgique n'était hier qu'à 66 jours du record détenu par... l'Irak. "En 2009, l'Irak avait mis pas moins de 289 jours pour former un gouvernement. Pensez-vous que nous puissions faire mieux?" s'interrogent les concepteurs de la page http://lerecorddumonde.be. "Oui, nous les Belges, nous pouvons".