Dimanche 23 janvier, de 16h10 à 20h10, les programmes de Hannibal-TV ont été interrompus sans crier gare : écran noir pendant 4 heures. Que s'est-il passé ? Les interrogations fusent sur facebook. Inquiétude. Entre-temps, dans le news bar de la Watania, on apprend que M. Larbi Nasra, propriétaire de la chaîne, et son fils Mehdi Nasra, ont été arrêtés pour «Haute trahison et complot contre la sûreté de l'Etat». Après 20h00, le signal de la chaîne revient et à l'antenne apparaissent l'animateur Walid Zaraâ et M. Néjib Chebbi, ministre du Développement régional et local, qui s'est excusé officiellement au nom de tout le gouvernement d'union nationale pour la coupure des ondes de Hannibal-TV, tout en déclarant : «La coupure des ondes de Hannibal-TV, est une erreur, j'ai suspendu toutes mes activités pour vous inviter à continuer d'émettre et de travailler». Et de reprocher, ensuite, à Hannibal-TV son manque d'objectivité : «Votre chaîne ne m'a jamais invité». L'animateur l'invita pour le lendemain (lundi à 20h00). Concernant M. Larbi Nasra, il précisa que la justice suivra son cours et qu'il ne fallait pas faire d'amalgame entre le propriétaire et la chaîne. «Nous sommes pour la liberté de nous constituer en partis et la liberté de l'information, nous ne fermerons jamais une chaîne». Rappelons que Larbi Nasra a été accusé, selon une source officielle, de «diffusion de fausses informations dans le but de créer un vide constitutionnel et de faire entrer la Tunisie dans le chaos». Mohamed Habib Nasra, fils aîné de Larbi Nasra, s'est demandé qui a pris la décision d'arrêter son père, tout en excluant qu'elle ait été prise par le Premier ministre, faisant remarquer par la suite «que cette interruption est un signal à l'adresse d'une chaîne populaire qui a opéré une vraie révolution dans le paysage médiatique à travers des émissions sociales qui ont donné la parole au peuple et ont montré la réalité telle quelle est, ce qui n'a pas manqué d'occasionner au propriétaire de la chaîne et aux journalistes des problèmes avec l'ancien régime et sa justice». Et d'ajouter : «Une accusation contre un citoyen ne peut être lancée un dimanche par une télé nationale, mais par le procureur de la République» Et de s'étonner : «Haute trahison et complot pourquoi ? On ne comprend pas, car la chaîne a donné la parole à tout le monde, toutes les sensibilités et tous les partis politiques, même les policiers. Comment accuser alors mon père de comploter contre la sûreté de l'Etat. Ce sont des accusations politiques lourdes de conséquences même si elles s'avèrent fausses». Plusieurs journalistes, dont des membres du Syndicat national des journalistes tunisiens ont exprimé sur antenne leur soutien et leur solidarité avec tous les journalistes et salariés de Hannibal-TV, soulignant «qu'ils n'accepteront jamais la fermeture d'un espace médiatique et l'arrêt d'émission d'une télévision». Il est vrai que l'arrêt d'émettre pendant quatre heures de la satellitaire privée a inquiété tout le monde, rappelant les réflexes de l'ancien régime, tout en écornant l'image du gouvernement d'union nationale, heureusement que celui-ci a vite fait de réparer son erreur à travers son envoyé M. Néjib Chebbi. Une remarque quand même : s'il y avait suspicion à l'encontre de Larbi Nasra, n'eût-il pas été plus opportun qu'elle se manifestât dès le soir du 14 janvier, ne serait-ce que sur la base d'un doute qui a concerné tous les proches sans exception de Ben Ali et de sa famille. Et cela, sans interférer sur l'existence même de la chaîne qui relève absolument de la liberté de diffusion et d'expression. Les retourneurs de vestes La révolution des Tunisiens continue à être le sujet de tous les débats sur les satellitaires du monde, et au fil du zapping, l'on découvre que les retourneurs de vestes y sévissent, chacun y allant de sa chanson et de sa profession de foi. L'autre soir sur El Watania, Latifa Arfaoui s'est exprimée, après un long silence, signataire de l'appel des 65 exhortant l'ancien président déchu à se représenter pour un sixième mandat en 2014, nous a gratifiés d'un discours doucereux sur l'amour du peuple et du pays, lançant à l'animatrice : «Préparez un matelas — couvre-feu oblige — j'arrive pour la veillée avec vous» (sic). On l'attend toujours. D'autres signataires de l'appel des 65 font le tour des chaînes arabes, fustigeant l'ancien régime de Ben Ali, oubliant leurs discours glorificateurs et courtisans d'antan, bien sûr, dans le but de se refaire une virginité. Et, ils sont nombreux entre chanteurs, comédiens, hommes de théâtre, écrivains, etc. Ainsi, le producteur de cinéma Tarek Ben Ammar, l'un des signataires de l'appel des 65, a qualifié cette révolution de «salutaire», affirmant, sur Europe 1, avoir conseillé le président déchu de changer de politique : «Je lui ai dit, si tu ne mets pas un des membres de ta famille en prison, si tu ne donnes pas l'exemple tu es foutu et il m'a dit qu'il le ferait» (sic). «Mieux», il s'est posé en victime de la censure exercée sur sa chaîne par le pouvoir de Ben Ali. Alors qu'on le sait, le producteur de cinéma a bénéficié d'une concession de 30 ans des laboratoires de Gammarth et d'un milliard de nos millimes en tant que contribution de l'Etat pour les travaux de génie civil et les équipements techniques. Sans compter d'autres avantages. Bref, tous ces gens qui ont profité du système Ben Ali et qui ont joui de nombreux privilèges financiers et autres devraient avoir la dignité de se taire et de ne pas s'ériger en donneurs de leçons. Non, ce n'est pas la chasse aux sorcières, ni du harcèlement, mais que les flagorneurs et les encenseurs de l'ancien pouvoir dictatorial, que ceux qui ont appelé Ben Ali à se représenter pour un sixième mandat, que ces retourneurs de vestes aient la décence de se taire et arrêtent de provoquer outre mesure le peuple! Décidément, les opportunistes de tous poils ne sont pas près de faire leur mea culpa, en demandant des excuses au peuple. Pis, ils se posent en victimes et en résistants. Qu'ils aient la décence de ne pas exploiter la révolution pour servir leurs propres intérêts individuels ! Maintenant, crions-le haut et fort : il est interdit de commercer avec la révolution.