•… nous déclare M. Ahmed Ounaïes Hier à midi, M. Ahmed Ounaïes annonçait officiellement, dans une déclaration à l'Agence TAP, sa démission du gouvernement d'union nationale. Le texte n'explique pas les raisons de sa décision, mais ayant eu un entretien avec lui(*) il y a trois jours où il nous a parlé des raisons qui l'ont amené à rester chez lui depuis lundi dernier, nous l'avons contacté hier en milieu d'après-midi pour recueillir les motivations de sa décision. «Je ne veux pas justifier ma démission ni en donner les raisons», nous a-t-il répondu, avant d'ajouter face à notre insistance et à notre interrogation si cela avait un rapport avec les conditions qu'il a posées pour rejoindre son bureau de ministre des Affaires étrangères‑: «Tout est dans l'entretien que je vous ai accordé» (voir La Presse du 12-2). C'est par conséquent clair : il n'est pas prêt à subir le diktat d'une frange de son personnel. L'homme et les faits Commençons par dire que l'homme que nous rencontrions pour la première fois n'avait rien d'un «gaffeur» à la Mister Bean ni d'un «excité» à qui des lapsus ou des propos incohérents peuvent échapper, encore moins des phrases insensées qualifiant de «rêve qui se réalise», des clichés pris avec son homologue française, comme cela a été dit. Posé, courtois, serein, pas du tout obtus, même s'il a parfois les idées carrées, et bien carrées, il a accepté de répondre à toutes nos questions, sans dérobades ni faux-fuyants. Concernant le mouvement de protestation qui a eu lieu à la veille de son départ pour Bruxelles et Paris, M. Ahmed Ounaïes nous a expliqué : «On m'a soumis un ensemble de revendications que je me suis engagé à discuter en assemblée générale ou autour d'une table avec des représentants des différentes catégories, dès mon retour, c'est-à-dire lundi dernier (NDLR : 7 février), à partir de 17 heures, pour ne pas trop entamer l'horaire du travail. Quel ne fut mon étonnement, lorsque ce lundi-là, on me présenta une série d'exigences qu'on me sommait d'accepter et d'entériner sur-le-champ. Je ne pouvais me soumettre à un diktat qui, de surcroît, dépassait sur plusieurs points le cadre administratif ou syndical». C'est ainsi qu'il s'est entretenu avec le président de la République par intérim (le Premier ministre étant alors à la Chambre des députés), qu'il a informé de sa décision de rester chez lui, jusqu'à ce que son personnel, diplomates, cadres, fonctionnaires et ouvriers confondus, retirent leurs exigences et acceptent de discuter et de négocier ce qui peut l'être. Refusant de nous préciser en quoi consistaient exactement ces demandes, il nous a quand même déclaré : «Quelques points sont légitimes et corrects, d'autres sont franchement inacceptables. Sans parler de la manière. Je ne suis pas prêt à ce qu'on me force la main, ni à m'engager dans un bras de fer». Une «poche de résistance» Son choix de ne pas retourner à son bureau a semblé porter ses fruits, puisqu'il a reçu chez lui deux délégations (dont une composée de diplomates) qui sont revenues à de meilleurs sentiments et qui ont manifesté souplesse et prédispositions à la discussion. Ne restait qu'un groupe d'obédience syndicale qui campait sur ses positions. Mais même minoritaire, «il peut bloquer le système», nous affirmait, hier, M. Ounaïes. En tout cas, ce groupe aurait réussi à pousser le ministre des Affaires étrangères à la démission. Reste à savoir si la démission de M. Ounaïes sera acceptée par le Premier ministre et par le président de la République par intérim et si ces «radicaux» vont maintenir les mêmes «exigences» avec leur nouveau ministre. Et à supposer qu'elles soient inacceptables, comme le dit M. Ounaïes, il est clair qu'on ne sortira pas de sitôt de cet imbroglio. (*) Demain, nous publierons l'entretien intégral que nous a accordé M. Ahmed Ounaïes avec une réflexion prospective sur l'avenir de la Tunisie qu'il nous a livrée en exclusivité.