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« La Tunisie présente encore des caractéristiques idéales pour les investisseurs italiens » M. Pietro Benassi, ambassadeur d'Italie à Tunis, à La Presse
• Réunion d'information et de réflexion aujourd'hui à Rome pour présenter aux investisseurs italiens les opportunités qui s'offrent à eux Quel est l'Etat des lieux de l'investissement italien en Tunisie ? L'Italie figure depuis de nombreuses années parmi les principaux investisseurs en Tunisie. Le nombre total des entreprises italiennes recensées par les autorités tunisiennes, hormis le secteur de l'énergie, se situe aux alentours de 700 sociétés employant plus que 55.000 personnes. Les entreprises employant plus de 1.000 personnes étant seulement au nombre de 5, nous nous trouvons en face d'un nombre important de petites et moyennes entreprises opérant pour la plupart dans le secteur du textile-habillement, lesquelles, ajoutées aux sociétés du secteur cuir et chaussure, constituent environ les 2/3 de toutes nos entreprises présentes en Tunisie. Mais il existe aussi d'autres sociétés dans les secteurs agroalimentaire, chimique, des matériaux de construction, du bois et de l'ameublement, mécanique et métallurgique ainsi que dans les secteurs électrique et électronique. La Tunisie accueille des groupes prestigieux de renommée internationale tels que Benetton, qui avait reçu en juin 2008 le prix du "Meilleur Investisseur pour l'année 2008"; le groupe textile Miroglio-GVB; le groupe Marzotto et Cucirini. Les investissements italiens touchent, dans une mesure différente, tous les secteurs. L'on cite la présence de Colacem, du groupe italien Safas et des Fonderies Fratelli Gervasoni. De grandes entreprises sont également présentes dans les domaines de l'énergie (ENI, Agip, Snam Progetti, Terna, Ansaldo Eergia), du transport (Fiat Auto, Fiat Iveco, Fiat Avio, Piagrio), de la métallurgie (Ilva Maghreb), des grands travaux et des ouvrages de construction (Todini, Tecnis, Astaldi). Sont en outre présentes Alitalia, qui assure les liaisons aériennes avec trois vols quotidiens de et vers l'Italie, ainsi que les compagnies Messina, Tarros, Grimaldi, Bongiorno srl, Sirio, Germanetti, Martinelli, Faggioli, STC-Societa' Transporti Combinati, qui gèrent des transports maritimes et intermodaux de marchandises entre l'Italie et la Tunisie. La Société italienne pour les entreprises à l'étranger (Simest), société à participation publique qui assiste les sociétés italiennes qui investissent à l'étranger, est très active en Tunisie, à travers des participations au capital social de dix sociétés, pour une valeur dépassant les 16 millions d'euro (selon les données jusqu'au 31.12.2009). Sont en outre présentes avec leurs propres bureaux de représentation les banques Agrileasing du groupe Iccrea (crédit coopératif), Mmonte Dei Paschi di Siena, Unicrédit et Intesa/San Paolo, qui détient une participation actionnaire de l'ordre de 5,61% dans le capital de la Biat. La BNL a un Desk Italie auprès de l'Ubci, du groupe BNP Paribas. Parmi les entreprises italiennes, une dizaine a subi des dégâts lors des évènements des 15-16 janvier, imputables essentiellement à des actes de vandalisme, et à des vols aussi dans certains cas. La totalité de nos entrepreneurs sont en train d'affronter la nouvelle situation avec un esprit constructif. Il est clair qu'il y a eu beaucoup de difficultés et l'on n'a aucune intention de sous-évaluer les problèmes découlant aussi de revendications désordonnées ayant en quelque sorte engendré des ralentissements au niveau de la production. En tous cas, la tension maximale (limitée à deux/trois jours pendant le mois de janvier) semble être désormais passée. Dans beaucoup de cas, comme l'ont fait admirablement les citoyens tunisiens pour défendre leurs quartiers, bon nombre d'employés se sont organisés pour défendre leurs usines, y compris pendant la nuit. Je dois dire aussi, que dans les cas graves et urgents qui nous ont été signalés, nous avons constaté la totale collaboration des forces armées tunisiennes. Suite aux évènements récents, quelle est la nouvelle situation des investissements ? La Tunisie présente encore des caractéristiques idéales pour les investisseurs italiens, grâce à la proximité géographique, à une réglementation particulièrement favorable et à un climat général d'excellents rapports entre les populations qui a distingué historiquement les relations entre les deux pays. Même face à quelque inévitable difficulté, nos entrepreneurs ont perçu le caractère pacifique des manifestations ayant donné naissance au gouvernement transitoire d'unité nationale. Un rapide retour à la normalité en perspective placera immédiatement la Tunisie parmi les pays attrayants du point de vue des investissements étrangers. A ce niveau là, je suis optimiste. Par ailleurs, je considère que dans ce pays, grâce à une utilisation plus transparente des ressources, nous pourrons assister à d'ultérieures nouvelles opportunités, même pour les investisseurs étrangers. On aura certes besoin d'investisseurs capables d'investir avec sérieux des sommes considérables. J'ai parlé avec de nombreux entrepreneurs italiens en Tunisie et j'en ai rencontré beaucoup: la grande majorité – si ce n'est la totalité — m'a semblé déterminée à rester dans le pays, et si possible, à développer ses propres investissements. La plupart d'entre eux m'ont souligné que, pendant les jours les plus difficiles de la crise, ils ont été aidés, protégés et encouragés par leurs propres employés, et qu'ils espèrent tous, que très bientôt, cesseront la confusion et les revendications non motivées, qui ont causé, comme je le disais plus haut, quelques inconvénients au niveau de la production. En Italie, nous avons immédiatement tout mis en œuvre pour informer tous les opérateurs économiques que la Tunisie demeure une destination intéressante et avantageuse pour les investissements, sous différents profils. Et même si on assistera inévitablement à quelques négociations inhérentes à la dynamique salariale, il faut dire que dans plusieurs cas, les rétributions accordées par nos entreprises se situent à des niveaux plus qu'acceptables. La rencontre de ce lundi à Tunis entre le ministre italien des Affaires étrangères M. Franco Frattini et le Premier ministre tunisien M. Mohammed Ghannouchi a offert l'occasion de réitérer l'intérêt de l'Italie à maintenir élevé son propre profil de partenaire économique de la Tunisie. M. Frattini a annoncé aussi quelques mesures importantes de soutien financier de la part de notre pays, en faveur, notamment, du secteur privé. Il s'agit d'une ligne de crédit dotée de grandes facilités (élément “don” de l'ordre de 80%) destinée à des initiatives visant à soutenir le secteur privé. Le ministre italien des Affaires étrangères a en outre organisé aujourd'hui à Rome une importante rencontre, à laquelle prendra part le ministre tunisien de l'Industrie, M. Afif Chelbi. Cette rencontre verra la présence des principaux acteurs de l'économie italienne, des institutions financières et des régions ainsi que celle des tour-opérateurs. L'objectif de cette initiative étant d'offrir au monde entrepreneurial italien un cadre actualisé quant à l'évolution de la situation en Tunisie et aux perspectives futures du pays. Nous sommes confiants de faire parvenir aux interlocuteurs institutionnels et économiques le message rassurant en provenance du gouvernement tunisien, et de recueillir en même temps leurs observations et leurs évaluations. Le fait que la Tunisie ait tourné la page dans cette phase historique devrait normalement porter à une plus grande liberté dans les investissements. Une lutte efficace contre la corruption, selon certains économistes, pourrait favoriser une croissance supplémentaire de 2%. Un indicateur positif qui devrait être perçu favorablement par les investisseurs: l'Union européenne a pour sa part envoyé un message assez positif dès la disparition des barrières qui freinaient l'avis global quant aux délais de reconnaissance du statut avancé à la Tunisie (droits de l'Homme et libertés fondamentales). Les différentes rencontres qui se succèdent ces derniers jours, tant à l'échelle européenne qu'au niveau de chaque Etat membre (dont l'Italie), ont permis de constater le soutien politique à tout le processus actuellement en cours dans le pays, ainsi que la possibilité d'étudier de nouvelles formes de collaboration économique et financière qui puissent soutenir la Tunisie dans son parcours. Demain, la Tunisie sera un pays stable et démocratique avec un meilleur climat d'affaires. Comment appréciez-vous l'avenir de la coopération tuniso-italienne ? La coopération tuniso-italienne a toujours été excellente et s'est basée sur la proximité de nos deux pays, sur la communauté de nombreux intérêts et sur l'avantage incomparable d'avoir des racines culturelles amplement partagées. Tout cela n'a pas changé et l'amélioration du climat d'affaires et l'ouverture encore plus large du système économique et financier, notamment envers les étrangers, ne pourra que renforcer le partenariat entre l'Italie et la Tunisie. Pour ce qui est des questions problématiques actuellement à l'examen — qui nous intéressent au même titre que les autres partenaires de la Tunisie — nous savons, tel que l'attestent les déclarations des acteurs mêmes du gouvernement transitoire, qu'il faudra prévoir à l'échelle macroéconomique une augmentation du déficit budgétaire, aussi bien à cause des politiques sociales et de développement que le gouvernement devra affronter, que pour l'augmentation des intérêts dus au déclassement effectué par les agence de notation. Cependant, il ne faut pas les considérer nécessairement comme des signaux négatifs. Les politiques sociales sont indispensables aussi pour redonner de la sérénité aux catégories les plus démunies de la population, pour corriger certains déséquilibres territoriaux sans doute présents en Tunisie, et pour rétablir la stabilité, facteur fondamental pour les investisseurs. Il faut en outre remarquer que la dette publique tunisienne ne se situe pas à des niveaux alarmants et que le pays, placé dans un cadre macroéconomique correct, a toutes les cartes en règle pour soutenir une ultérieure pression sur ce plan là. Le taux de croissance prévu à 4% est incertain et le tourisme souffrira probablement, mais les signaux immédiats, s'ils sont confirmés au cours des prochaines semaines, nous laissent optimistes quant à l'avenir de ce secteur vital pour l'économie du pays. Dans tous les aspects susmentionnés, l'Italie sera prête à apporter sa contribution et à renforcer le partenariat politique et économique qui l'unit à ce pays proche et ami.