Tunisie : Kais Saied prend des mesures contre la corruption et l'ingérence étrangère    Plusieurs personnalités appellent Jaouhar Ben Mbarek à arrêter sa grève de la faim    Kaïs Saïed, Ras Jedir, inflation… Les 5 infos de la journée    Accord pour la réouverture de Ras Jedir    Tunisie | Mandat de recherche à l'encontre de Moncef Marzouki    L'AGO de la Fédération tunisienne de Football fixée au 11 mai    Tunisie – Démarrage de la mise à jour du fichier électoral le lundi 20 mai    Tunisie | Les recettes des exportations d'agrumes en hausse de 15,4%    Tunisie – Arrestation du soudanais qui entrainait les migrants aux sports de combat    Bizerte : six personnes impliquées dans le vol de comprimés stupéfiants    Gaza : Le Hamas signe la trêve, 40 jours pour négocier la fin définitive de la guerre    France : Un monument de la Francophonie disparaît, Bernard Pivot est décédé    Tunisie Telecom partenaire du festival Gabes Cinéma Fen s'associe à l'action « Cinematdour »    Sousse : Une tentative d'émigration clandestine déjouée    La 3e édition du GATBIKE Challenge autour du site archéologique de Pupput Hammamet    Abid Briki : la question migratoire a pour but de déstabiliser le pays avant la présidentielle    Tunisie : Réserves en devises de la BCT au 03 Mai 2024    Doctorat Honoris Causa de l'Université Catholique de Louvain à la doyenne Neila Chaabane (Album photos)    Nouveau record : Voici la plus longue baguette du monde    La Kabylie est-elle devenue un nouvel Etat indépendant ? Non    Galaxy AI prend désormais en charge encore plus de langues grâce à une nouvelle mise à jour    La Tunisie abrite les championnats d'Afrique de qualification olympique en trampoline    classement WTA : Ons Jabeur conserve son 9e rang    Décès du chanteur et poète tunisien Belgacem Bouguenna    Assurances Maghrebia augmente ses bénéfices de plus de 19%    De nouvelles pluies attendues mardi et mercredi avec chute de grêle et vent fort    Neji Jalloul candidat à la présidentielle    Youssef Elmi démissionne de la présidence du Club Africain    La Garde nationale dément le décès de deux agents lors d'affrontements avec des migrants subsahariens    Ce soir, à l'IFT : Nawel Ben Kraïem chante un secret !    Hausse 25,5% des viandes ovines en avril sur un an    Ouverture des souscriptions à la 2ème tranche de l'emprunt obligataire national 202    Météo en Tunisie : températures en hausse remarquable    Tunisie : la violence occupe de plus en plus l'espace scolaire    Programme Interreg VI NEXT Italie-Tunisie – Objectif : atteindre un rééquilibre socioéconomique de l'espace de coopération    Azza Filali, lauréate du Comar d'Or : «L'écriture est un travail difficile et solitaire et la reconnaissance est un réconfort»    L'USBG enchaine avec un deuxième succès consécutif : Le grand retour !    Un nul au petit trot entre l'ESS et l'USM : Les mauvaises habitudes...    Hand – En marge de la consécration de l'EST en coupe d'Afrique des clubs : Les leçons à tirer...    Chaker Nacef, lauréat du Prix découverte Comar d'Or 2024 du roman en Arabe à La Presse : «Les entreprises sont tenues de renforcer la créativité artistique et la participation culturelle de leurs employés»    De Descartes à Spinoza et la neuroscience moderne: Evolution des perspectives sur la dualité esprit-corps    Escalade à la frontière : Drones ukrainiens tuent six personnes en Russie    Echaâb aura un candidat pour l'élection présidentielle    Israël prépare une offensive à Rafah : évacuation massive en cours    Sommet de l'OCI à Banjul : La délégation tunisienne émet des réserves sur les documents de la conférence relatifs à la question palestinienne    La ligne d'or – Narrer l'entrepreneuriat : maîtriser l'art du récit pour inspirer et engager    Palmarès des Comar d'Or 2024    Giorgia Meloni reçoit le roi Abdallah II de Jordanie au palais Chigi à Rome    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les journalistes tunisiens et la déontologie
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 02 - 2011


Par Sadok HAMMAMI *
Censée constituer un pouvoir, la presse tunisienne a été longtemps dépouillée de ses capacités d'informer selon les normes professionnelles et empêchée d'assumer son rôle essentiel dans la gestion du débat public. La révolution a non seulement libéré les journalistes mais a créé de nouvelles conditions pour l'exercice de la profession journalistique.
La réforme attendue du code de la presse, la multiplication prévue des titres indépendants ou de partis politiques, la suppression du ministère de la communication, la dynamisation de la vie politique, le renouveau de la vie intellectuelle et culturelle sont autant de changements qui affecteront l'environnement de la presse tunisienne.
C'est donc son pouvoir que la presse devrait reconquérir : le pouvoir d'informer, d'enquêter, de dévoiler, de critiquer, de débattre, d'opiner.... Mais ces droits légitimes et nécessaires requièrent des formes de régulation, car tout pouvoir, dans une démocratie saine, exige un contre-pouvoir et une responsabilité. C'est cette question qui semble constituer un impensé chez les journalistes portés par leur désir ardent d'affirmer leur liberté et leur aspiration d'autonomie.
Dans ce sens, le débat sur la régulation de la pratique journalistique et plus précisément la responsabilité des journalistes et leur respect de la déontologie exige quelques éclaircissements.
Le respect de la déontologie journalistique, une question de société
En général l'autorégulation revêt plusieurs formes et notamment la mise en place de chartes déontologiques adoptées et mises en œuvre par les syndicats des journalistes ou par les entreprises de presse elles-mêmes. Ces chartes définissent les droits et devoirs des journalistes, leurs responsabilités et les normes professionnelles à l'instar de la "Déclaration des devoirs et des droits des journalistes" adopté à Munich en 1971 pour les journalistes européens.
Cependant et indépendamment des chartes de déontologie, il existe d'autres formes de régulation telles que les conseils de presse. Ce modèle de régulation est tout simplement ignoré dans le débat actuel, alors qu'il représente la forme de régulation la plus répandue dans les pays démocratiques. Voyons de près quelques exemples :
Au Canada, le "Conseil de presse du Québec" est une organisation privée fondée conjointement par les journalistes et les dirigeants de médias et fonctionne comme un "tribunal d'honneur". Des représentants des citoyens ont été ensuite associés. Le conseil d'administration et tous ses comités sont composés de journalistes, de membres désignés par les entreprises de presse et de représentants du public qui sont choisis selon un appel public de candidatures publié dans les médias.
En Belgique, le "Conseil de déontologie journalistique" est constitué d'éditeurs, de journalistes, de rédacteurs en chef et de représentants de la société civile (avocats, magistrats, professeurs en journalisme, membres d'associations…).
En Suisse, le conseil de presse est composé de 21 membres, dont six membres sont issus du public.
En Grande-Bretagne, la "Press Complaint Commission" a été fondée en 1991. Son rôle est d'être au service du public. La commission comporte 17 membres dont la majorité (y compris son président) est composée de citoyens qui n'ont aucune connexion avec l'industrie des médias et de la presse.
En Inde, le conseil de presse n'a pas été créé par les journalistes mais par le Parlement. Il est présidé par un juge à la retraite de la Cour suprême de l'Inde. Ses membres sont nommés par les entreprises de presse, cinq autres membres sont désignés par les deux chambres du Parlement et trois par le secteur culturel (universités).
L'Australian Press Council est composé de membres issus du public, de journalistes indépendants et de représentants de l'industrie de la presse. La composition du conseil est fondée sur "une large représentativité des compétences de l'expérience, des intérêts des communautés".
Seule la France fait exception. On y discute encore de l'utilité d'un conseil de presse. Cette exception française, qui ne fait pas école dans les pays démocratiques, est aujourd'hui de plus en plus contestée. Edwy Plenel, fondateur et président du site Mediapart, voit même dans cette absence un symptôme des maladies de la presse française et des limites de la démocratie dans le domaine des médias en France. Dans ce sens, une "Association de préfiguration d'un conseil de presse en France (APCP)" a été créée. Son objectif est de "préparer la création d'un conseil de presse, outil de régulation de l'activité journalistique, instance de médiation entre la presse et le public, (et) espace de débat public et de pédagogie sur le fonctionnement des médias".
Les différentes prises de position, à la fois chez les journalistes et chez certains spécialistes, sur la question de la déontologie des journalistes, semblent donc clairement dominées par l'expérience française. Celle-ci amène journalistes et spécialistes à clamer haut et fort que la déontologie journalistique est une affaire propre aux gens de la profession et à prétendre que le journaliste ne peut rendre compte de ses actes qu'à ses pairs, dans les salles de rédaction et au sein de leur syndicat. La France est-elle devenue, par intérêt corporatiste, paresse intellectuelle, mimétisme culturel et complaisance pour les journalistes, le modèle par excellence qui doit nous inspirer éternellement, alors qu'en matière de bonne gouvernance des médias et d'accountability (responsabilité), l'expérience anglo-saxonne est de loin la plus intéressante ?
Sommes-nous condamnés à faire de l'expérience française notre unique horizon?
Les exemples québécois, suisse, belge, britannique, indien, australien et bien d'autres montrent donc l'importance d'une structure de régulation professionnellement et socialement représentative qui veille sur le respect de la déontologie journalistique et de la résolution, par différents instruments, des problèmes éthiques liés à la pratique journalistique. Cette structure ne peut en aucun cas être initiée par le gouvernement ou être composée exclusivement de journalistes. Sa crédibilité et son efficacité dépendent de sa représentativité du secteur des médias et de la société.
Prétendre le contraire, c'est s'engager dans une approche dangereuse parce que réfractaire aux standards démocratiques qui régissent l'organisation de la pratique journalistique partout dans le monde. Une instance qui veillera à la déontologie du journalisme en Tunisie qui serait sous l'emprise des journalistes ressemblera plus à un comité populaire à la libyenne qu'à une instance véritablement démocratique et citoyenne.
Dans ce sens, le Syndicat des journalistes tunisiens pourrait initier le processus de création de ce conseil de presse en association avec des partenaires de la société civile. Il aidera la profession à gagner en crédibilité et légitimité démocratique. Il fera même de la professions journalistique l'exemple d'une corporation ouverte sur la société et soucieuse de sa responsabilité citoyenne.
Cependant et parallèlement à cette instance conçue selon les standards internationaux, les journalistes tunisiens sont libres de fonder au sein de leur syndicat une structure ou un observatoire interne qu'ils seront libres de gérer selon des principes qu'ils définiront eux-mêmes, ce qui a été d'ores et déjà entrepris.
Dans tous les cas, la mise en place d'une structure indépendante à laquelle seront associés le public et la société civile est un droit que doit réclamer la société tunisienne afin de se protéger d'un nouveau pouvoir, celui d'une presse longtemps vassalisée, et qui pourrait, parfois, faire fi de ses responsabilités. D'un autre coté, la mise en place d'une structure indépendante et représentative qui sera un médiateur crédible entre les journalistes et le public ne fera que renforcer le statut social du journaliste et sa légitimé qu'il acquerra dans tous les cas grâce à son professionnalisme, la qualité de son travail, son sens de la responsabilité et son respect des valeurs fondamentales de son métier.
* Maître-assistant à l'Ipsi


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.