Par Hédi BALEGH Les acquis de la Révolution populaire, attisée par la fièvre de notre jeunesse, sont considérables. Ces acquis, dans le cadre méthodiquement révolutionnaire, il nous faut d'abord les assimiler pour reprendre ensuite plus forts et plus aguerris le chemin de la démocratie et de la liberté. Démocratie ? Liberté ? Mais ce sont des fruits auxquels les pays arabes n'ont jamais goûté. D'où la lourde responsabilité de la Tunisie pour que sa révolution réussisse en évitant les écueils de l'anarchie et de la précipitation. On risque de tout perdre en voulant tout gagner. Tout gagner et tout de suite ! Alors-là, c'est la perte assurée… Dieu, dit-on, travaille lentement. N'a-t-il pas mis (Lui qui est capable de tout !) six jours pour créer l'univers ? Après avoir paré au plus pressé, ne pouvons-nous pas patienter six mois pour que la Tunisie nouvelle soit créée avec la participation de tous ses enfants. Il faut du temps pour qu'un fruit mûrisse. Ce n'est pas par la violence, ce n'est pas en le pressant, comme dit l'un de nos proverbes, qu'il mûrira pour autant. Et la démocratie est le plus beau et le plus savoureux de ces fruits. Certes, la révolution doit se poursuivre mais au point crucial où elle est parvenue (et où tout peut basculer), elle doit cesser d'être en surface avec de vaines revendications intempestives, mais en profondeur, à l'intérieur de chacun d'entre nous pour extraire les forces du mal qui nous éloignent de l'idéal démocratique. L'ancien régime a gangrené notre société. On le voit dans le comportement de certains de nos concitoyens qui s'approprient les biens d'autrui. Ils ont été, dirait-on, à bonne école : celle des Trabelsi. Le mot d'ordre du peuple était : «Ben Ali, dégage !», voilà c'est fait. A nous maintenant de nous engager pour nous dégager de l'égoïsme coupable, de la cupidité et de la tendance vers le gain facile. Nos martyrs se sont généreusement sacrifiés à la fleur de l'âge. Le meilleur hommage qu'on puisse leur rendre est de sauver cette révolution, non moins généreusement, par notre labeur et notre lucidité. N'oublions pas que la Tunisie est devenue pour les pays arabes un guide vers la liberté.