C'est la faute à l'histoire, à la géographie, à l'anthropologie, au climat, aux merveilleux fruits et bonnes senteurs de mon pays. Le Nouvel An, donc, comme toujours, les Tunisiens étaient au rendez-vous. Toutes bourses généreusement déliées dehors, tout écorchés vifs de la fête qu'ils sont. A tout seigneur tout honneur, plats spéciaux et bonne bouffe trônaient. Dans les demeures, dans les restaurants et hôtels, à fleur de tables généreusement garnies. Tout y est. D'abord, les amuse-gueule puis les différents genres de rôtis et salés pour atterrir du côté des douceurs, friandises et fruits. Le tout ponctué de rafraîchissements d'autant plus bienvenus qu'il fait un tantinet chaud pour la saison. Et puis les cadeaux. Dieu qu'ils sont nombreux les cadeaux. Encore un prétexte pour s'en offrir à loisir. Les heures passent, le jour se lève. Entre-temps, on égrène le chapelet d'un interminable plaisir. Allongé, prorogé, fixé, pétrifié dans une durée qui s'étire, peine à se dérober. Il ne faut d'ailleurs guère croire qu'en l'occurrence, ils sont casaniers les Epicuriens (pardon les Tunisiens). On sort et on festoie également à l'air libre. Ou dans quelque prestigieuse enceinte, tel le Théâtre municipal de la ville de Tunis ou tel club pour jeunesse dorée et branchée. La philosophie dans tout ça ? Les Tunisiens prennent la vie du bon côté. Malgré la crise mondiale (qui s'essouffle), l'épidémie A (H1N1) (qui vacille) et les vicissitudes financières (qui tantôt s'estompent, tantôt reviennent au galop). Ici comme ailleurs, le Nouvel An clôt un cycle. Immanquablement celui de l'année écoulée, avec ses hauts, ses bas, ses heurs et malheurs. Mais c'est aussi la balise d'un nouveau départ, de nouveaux horizons, de nouveaux labeurs. On y souscrit, on s'y investit. On s'y dépense corps et âme. Sans oublier la bourse. La cigale prend le témoin de la fourmi. Cette année, les fêtes ont joué les prolongations. Les vacances d'été d'abord, puis Ramadan, la rentrée scolaire, l'Aïd, les élections, l'Aïd El Kébir, le Nouvel An hégirien, l'Achoura, Noël et la Saint-Sylvestre, en attendant le Nouvel An ajmi du 14 janvier (le Nouvel An berbère et julien). A chaque fête (dite moussem, saison en dialectal tunisien), son tempo, ses rituels, ses frénésies, ses repos, ses dépenses, ses plats préférés, ses cadeaux. A chaque fête, son incomparable goût de miel, en famille, entre amis et voisins…Et l'on se dit toujours au bout du compte, qu'il fait bon vivre dans nos murs. Ce sera bientôt l'accalmie. Avant le retour en force du rouleau compresseur. Les Epicuriens hibernent quelque peu. Mais ce n'est que partie remise.