L'âchoura est une fête qui commémore de nombreux évènements passés. D'essence juive, elle a été instituée par le Prophète à son arrivée à Médine et après son premier contact avec les juifs de cette cité; et depuis, les musulmans la fêtent chaque année le 10 du mois de Mouharrem d'où son nom. Pour cette année, elle tombe le 5 décembre du calendrier grégorien, c'est-à-dire aujourd'hui. Née dans la piété, l'âchoura s'est transformée avec le temps en une grande fête populaire, joyeuse et bruyante. Si sous d'autres cieux elle est synonyme de deuil, car elle coïncide avec la mort tragique du petit-fils du prophète Houssine à Karbala, il n'en n'est rien chez nous, où le seul signe de tristesse est cette coutume masculine de se noircir les yeux le jour de l'âchoura. La tradition prescrit le jeûne lors de cette journée et celle qui la précède, mais l'esprit de fête est toujours dominant. Les enfants étaient les plus choyés, ils étaient «la vedette» de l'âchoura, on leur permettait de lancer des pétards, d'allumer des feux de joie, ils recevaient des dons pour se procurer des jouets et s'adonner à des déguisements. On les gratifiait de friandises à base de fruits secs, de crèmes succulentes et de douceurs soigneusement préparées. Les adultes, même s'ils jeûnaient, s'adonnaient, à la rupture du jeûne, à de véritables agapes composées de mets qu'on ne pouvait pas s'offrir tous les jours, comme le poulet au vermicelle le soir, à la veille de la fête, et un somptueux couscous à la viande de mouton le lendemain. La douceur la plus usitée était une crème toute singulière qui, à notre connaissance, a pratiquement disparu la âchoura qui prenait le nom de la fête qui lui était associée. La âchoura est longue et difficile à préparer. Elle est à la base de blé dur, qu'on lave bien et qu'on laisse gonfler dans l'eau bouillante, à feu vif au début et à petit feu par la suite. La préparation est réduite en pâte puis reprise pour une autre cuisson avec du sucre et des fruits secs râpés. Une fois le mélange devenu homogène, le mets est sorti du feu pour être versé dans des bols ou des coupes individuelles. Chaque part est garnie de sésame grillé, de pin pignon, de pistache et même de cerneaux de noix. Les gens de condition modeste remplacent les fruits secs par des dattes dénoyautées et coupées en de petits morceaux. Cette bombance dure deux jours. Les maîtres d'école, ceux qui veillaient à l'éducation des jeunes enfants, y étaient associés. C'est bien loin tout cela. Un certain rigorisme, très récent, a supprimé l'ambiance festive et n'a gardé que le jeûne.